Nous voici donc pleinement d’accord avec ce propos de Patrice de Plunkett, daté du 16 de ce mois. Sur un sujet souvent traité dans JSF, sur lequel Patrice de Plunkett jette ici un regard simple et précis. Le style concis et l’expertise d’un journaliste, dont, de lointaine mémoire, nous connaissons bien la manière et la pertinence.
Un rapport alarmé de l’Académie française… Ma chronique à Radio Présence (Toulouse Midi-Pyrénées) et Radio Fidélité Mayenne :
<< Enfin le problème est mis en lumière ! Dans un rapport impressionnant, l’Académie française dénonce l’invasion de l’anglais qui déstructure et dénature la langue française. Cette invasion prend deux formes :
– il y a une forme brutale, qui remplace carrément les mots et les formules français par des mots et des formules anglophones. La vie quotidienne en est infestée aujourd’hui : la FNAC vous parle de ses French Days’, la Poste a des ‘pick-up stations’, les grandes surfaces ont leurs ‘drives’, etc. Sans parler des innombrables slogans publicitaires qui nous parlent en anglo-américain comme si c’était normal.
– Mais il y a aussi une forme d’invasion sournoise, qui change le sens des mots français en jouant sur leur ressemblance avec des mots anglais. Par exemple le mot “confronter” : en français, il voulait dire mettre deux personnes en présence pour comparer ce qu’elles disent. Mais en anglais, “confront” veut dire “affronter”. Et sous la pression de la mode, le mot français perd son sens au profit du sens anglais : désormais les télés françaises parlent de “confrontation” à propos d’une bataille sanglante, alors qu’autrefois en français le mot désignait simplement l’audition de témoins par le juge d’instruction.
Et ce n’est qu’un exemple ; on pourrait en citer des dizaines d’autres ! “Nous sommes parvenus à un point critique”, dit Hélène Carrère d’Encausse : le point où le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe du français sont menacés.
D’où vient cette invasion ? Pas directement des Américains ! Non, elle vient de nos propres élites entre guillemets, formatées par des écoles de commerce et qui croiraient déchoir en parlant français. Résultat, par exemple : le nouveau slogan du département de la Sarthe est “Sarthe me up”, jeu de mots lourdingue sur le terme “start up” imposé en français par le président de la République en personne, qui n’a pas hésité à rebaptiser la France “start-up nation” !
Et tout est comme ça aujourd’hui, y compris dans le vocabulaire de mouvements chrétiens qui semblent prendre New York pour un Vatican linguistique : du coup c’est une pluie de “church parties” et de “wahoo Jesus”, sans qu’on se demande si c’est bien approprié pour évangéliser des Français. Or deux Français sur trois se disent favorables à une loi qui garantirait vraiment la prédominance du français dans la vie publique française : ne serait-ce que pour que tout le monde se comprenne, ce qui serait la moindre des choses… >> ■
Patrice de Plunkett : le blog
Le « globish » , c’est du baragouinage !
C’est très justement que l’auteur de cet article parle du rôle du formatage par les écoles de commerce . Ces personnes ( « élites » auto-proclamées ) qui imaginent se hausser en parlant ce globish font injure à l’ Anglais aussi bien qu’au Français .
L’on se pâme devant la maîtrise de l’ Anglais par notre Président . Il faut l’ écouter ! Quel ton monocorde typique du français qui parle Anglais ! Et puis , le vocabulaire et la syntaxe semblent rudimentaires . Du globish !
Les écoles de commerce ont bon dos, – elles ne font que prendre le pouls de notre pays – le mal vient de plus loin, de nos élites ( presque toutes nos élites ) qui ont renoncé à habiter l’histoire de leur pays depuis 2 siècles dont Macron est un exemple chimiquement pur, au profit du fantasme d’un régime (le nôtre) qui tourne en boucle. L’Amérique a ses défauts, l’Angleterre aussi , mais au moins Anglais ou Américains habitent l’histoire de leur pays. Nous nous fêtons quoi exactement le 14 juillet? ( Les églises désertées par les catholiques sont à vendre, le remède serait d’y retourner.) Il ne s’agit pas de fantasmer sur notre histoire mais de croire qu’elle a encore un sens, que nous avons un rôle à jouer, que notre destin est liberté, et d’avoir une nostalgie de notre futur. Il s’agit de vouloir « vivre « ( Tchékhov, Oncle Vania) et notre langue revivra.
Juste remarque de P. de Plunkett : »Mais il y a aussi une forme d’invasion sournoise, qui change le sens des mots français en jouant sur leur ressemblance avec des mots anglais ».
Un thème bien plus riche que celui des grotesques jeux de mots des politiciens, des publicitaires et des enseignes boutiquières. Autrefois on appelait ça des faux-amis et on était conscient que l’anglais regorgeait de faux-amis, comme Albion de perfidie. L’ invasion sournoise de faux-amis est une des facettes du « remplacement », petit ou grand. On s’en apercevra quand nos nouveaux-venus passeront directement de leur langue originale au globish, sans, bien sûr, parler d’autres références.
Qui est responsable ? Nos Autorités, en premier, par définition ! mais aussi par le mauvais exemple donné.
Pourquoi diable nos Ministres ou Secrétaires d’État sont-ils de plus en plus souvent « en charge de » ? « Chargé de » n’était-il pas assez ronflant ? Cette reprise servile d’un tour de phrase anglais, ne cacherait-il pas autre chose ? Un ministre était, jadis, chargé d’une mission parce qu’il en avait été jugé capable et digne. S’il est « en charge », tel un téléphone cellulaire, n’est-ce pas qu’il est encore en apprentissage? Ceci expliquerait le défilé d’amateurs auquel nous avons assisté.
Autre exemple étonnant et, à mon sens toxique, venant des plus hautes Autorités : Le mésemploi des diverses formes du verbe « présumer ». Je garde en mémoire les milliers d’avis de recherche tout à fait officiels affichés partout et visant « Yvan Colonna, assassin présumé du Préfet Érignac ». Celui-ci se voyait donc solennellement, publiquement, officiellement privé de la vénérable « présomption d’innocence » due à tout suspect ou prévenu ; autant dire jugé d’avance ! Notre langue est à ce point corrompue qu’aucune voix ne s’est élevée pour le dénoncer, pas même celle du corse « Masérati », plus connu par son sobriquet « acquittator » !
Cette évocation – un peu ancienne, mais pas anachronique – dévoile un second niveau de responsabilité : bien avant les écoles de commerce, les journalistes ou prétendus tels.
Jadis un journaliste moyen avait une culture littéraire et une plume, ses maîtres d’école étaient nos grands écrivains. Dans les écoles de journalisme de maintenant, ce même élève moyen apprend quelques ficelles relatives à la « communication » et à traduire mot à mot les dépêches en anglais (ou prétendu tel) venues du monde entier. Ces écoles du mot à mot sont la cinquième colonne des faux-amis, les foyers de diffusion de virus plus contagieux que Delta et Omicron et contre lesquels plus aucun ministre n’est « en charge ». C’est ainsi qu’un présumé assassin est, en même temps, présumé innocent.
En effet le « presumed » anglais signifie d’abord et principalement (de nos jours -car l’anglais varie vite) « supposé », « soupçonné », « considéré » ou « prétendu ». La solennelle présomption d’innocence est, dans l’anglais d’aujourd’hui, exprimée par l’attribut « deemed innocent ». Cet exemple, outre les nuances de notre langue gravement compromises, nous fait soupçonner que nos mot-à-motistes ignorent les liens morphologiques entre présomption et présumé, révélant ainsi leurs profondes lacunes.
Des faux-amis, il y en a des milliers. J’en soumets un de plus à votre perspicacité. Il est très à la mode dans les milieux économiques où « anticiper » tend à démoder tous les prédire, prévoir, hasarder, annoncer, préfigurer, conjecturer, prévenir, se préparer à, se prémunir… (tout ce que l’anglais dit, mais, lui, sans sacrifier son riche vocabulaire) et à vider de son sens notre anticiper des familles : avancer (l’âge de la retraite), antidater (un facture de DSK, par exemple), aller plus vite que la musique, ou, même, mais Larousse le donne comme vieilli, « préfixer » . À (ou sous) ce régime-là, le Larousse va vite maigrir ; au profit du PIB ? Ça n’est pas si sûr !
Un sourire pour finir. Il y a quelques années, l’Amoco Cadiz s’échouait sur les côtes de l’Alaska, y déversant des millions de litres de mazout. Les précieuses loutres de mer furent parmi les animaux les plus gravement touchés. En anglais la loutre de mer se dit « (sea) otter » (en allemand aussi d’ailleurs). Pour nous français, par la magie mot-à-motiste de nos vedettes médiatiques, la sympathique loutre de mer, à la fourrure si précieuse a été remplacée par l’incroyable mais commode à-peu-près… otarie, une habitante de mers plus chaudes.
C’était il y a longtemps, mais on sait que le monde des importants ne revient jamais sur ses erreurs. A mon grand étonnement cette présumée otarie est réapparue dans la piste sonore en français d’un des merveilleux DVD du grand rédacteur naturaliste de la BBC, David Attenborough .
Il me semble aussi apercevoir une corruption étrangère dans la manie, lorsqu’on énonce des chiffres de ne plus dire, par exemple « Un million et demi » mais désormais 1 virgule 5 million 5 millions 800000 mais 5 virgule 8 millions…
Et tout à l’avenant…