Nous avons déjà dit l’intérêt que nous prenons à la lecture des articles – utiles – de Didier Desrimais. Celui-ci – pertinent et plein d’humour – est paru dans Causeur le 18 février. Une occasion de plus d’adresser un cordial salut à ce site ami.
Par Didier Desrimais*.
C’est vraiment trop injuste ! Pendant que le candidat EELV à la présidentielle est soupçonné de faire des clins d’œil communautaristes, la matinale de la radio publique – qui devrait en toute logique soutenir son programme écolo-woke – n’a d’yeux que pour Eric Zemmour.
Bref, c’est la Merdézina.
Yannick Jadot est très fatigué. Peut-être même est-il un peu déprimé. Il y a de quoi : sa conseillère politique, Sandrine Rousseau, ne lui lâche pas les baskets, continue de faire rire sur les réseaux sociaux, affiche son soutien à Assa Traoré, reproche à son équipe d’avoir rencontré celle de Christiane Taubira sans l’avoir tenue au courant puis twitte : « Chère Ch. Taubira, Vous dire ce jour que vos combats politiques resteront, quoiqu’il (sic) en soit, au dessus des eaux stagnantes. » Les sondages ne sont pas bons. Fabien Roussel est bien parti pour lui passer devant. Bref, c’est la Merdézina.
La tournée des radios communautaires… et des bourdes
Sur Radio J, le candidat écolo fatigué a lâché une phrase qui a fait du bruit : « Zemmour essaie de réconcilier une partie de la France avec l’Algérie française, avec Pétain, avec l’antisémitisme. Ce que le père Le Pen n’avait pas réussi à faire. Mais la différence la plus perverse, c’est que Zemmour est juif, il fait le juif de service pour les antisémites. » Comme Élisabeth Lévy et Mathieu Bock-Côté, je ne crois pas un seul instant que Yannick Jadot soit antisémite. La fatigue et un début de dépression l’ont amené à tirer sans discernement sur un concurrent politique et, croyant bon sur une radio communautaire juive de coller aux propos vindicatifs du président du CRIF qui appelle les juifs à ne pas voter pour Zemmour, à dire une grosse bêtise. Ça, c’était le lundi 14 février.
Mardi 15 février, Yannick Jadot, les traits tirés, se rend dans une autre radio communautaire, Beur FM. Badaboum ! Voulant une nouvelle fois « se faire » Zemmour, il évoque ses meetings : « Quand vous voyez les meetings de Zemmour… c’est que des Blancs ! » – une légère pause nous laisse croire qu’il se rend compte de ce qu’il dit, qu’il va rectifier, mais non, il continue : « Et il y a un Noir derrière, c’est de l’affichage. »
Thomas Legrand multiplie les éditos anti-Zemmour, c’est l’État qui paie !
Thomas Legrand a immédiatement pris son micro pour dénoncer les propos de Jadot. Non, je plaisante. Thomas Legrand n’a pas le temps de s’intéresser à Yannick Jadot. Jadot s’effondre mais Legrand s’en fiche. L’éditorialiste de France Inter est en ce moment la proie d’une idée fixe : dézinguer Éric Zemmour. Son médecin lui aurait conseillé de ne pas garder ses mauvaises humeurs pour lui et de partager avec l’auditeur france-intérien ses aigreurs intestines et ses irritations cérébrales. Un seul traitement : la radiothérapie à modulation de fréquence via l’émission d’ondes anti-zemmouriennes une à deux fois par mois. Mais Thomas Legrand a décidé de rapprocher les séances radio-curatives : dans les douze derniers de ses éditos sur France Inter, le journaliste a parlé à six reprises d’Éric Zemmour – et une seule fois (et encore, de très loin) de Yannick Jadot.
Tous les médecins connaissent ce curieux paradoxe du patient qui ne veut pas guérir. Si Thomas Legrand monte sur ses grands chevaux de bois anti-zemmouriens, c’est que Jean-Marie Le Pen lui manque. Marine ne fait plus que piètre figure « nauséabonde » à côté de son père. Contre qui se tourner pour se faire reluire antiracistement, antifascistement, progressistement, si la “bête immonde” disparaît ? Comment masquer la vacuité politique d’une gauche effondrée sans les épouvantables « fascistes » permettant d’organiser la « résistance » ? Grâce à Éric Zemmour, l’éditorialiste retrouve sa routinière et ridicule verve : « Éric Zemmour réveille cette droite honteuse qui s’était vautrée dans la collaboration, et puis qui a dû avaler les potions amères de la République en 1945, du démantèlement de l’Empire, des avancées sociétales post-68, de la déchristianisation, de l’avortement, du mariage pour tous et aujourd’hui de la révolution anthropologique MeToo, sans broncher ! » [1] C’est bête à manger du foin et démagogique à souhait, idéal pour se vautrer voluptueusement dans les draps satinés de la gauche dite progressiste sans se froisser les neurones.
La bénédiction Zemmour
En réalité, la seule crainte de Thomas Legrand, c’est de voir Marine Le Pen et Éric Zemmour représenter un jour moins de 15, voire moins de 10 ou moins de 5% des intentions de vote. Muray avait parfaitement compris ce phénomène en 2002, lorsqu’il décryptait un« article de Libération où l’on donnait la parole à un groupe de jeunes anti-lepénistes du faubourg Saint-Antoine […] dont l’un cassait enfin le morceau : le 1er mai, racontait-il, “on avait envie de chanter “Le Pen on t’aime”. Il nous a réveillés [le wokisme avant l’heure]. On dormait, on s’ennuyait. Maintenant, tout le monde a le sourire” » [2].
Legrand s’emmerdait à cent sous de l’heure. Il n’avait plus le sourire. Ses aigreurs lui manquaient ; il ne se sentait pas d’exister sans quelques démangeaisons, des combats à mener, des barricades à élever contre l’ignoble. Quoi qu’il en dise, Eric Zemmour est une bénédiction pour lui. Il espère secrètement le voir atteindre le second tour des présidentielles. Il rêve d’un retour vers le futur (2002), d’un événement zébrant comme un coup de tonnerre le ciel républicain. Se prenant pour le Chevalier des Ondes terrassant le Dragon Facho, il s’imagine rapportant par le menu les événements majeurs de la « résistance citoyenne » : des centaines de joyeuses manifestations « républicaines » défilant dans toute la France pour former un « cordon sanitaire » ; des artistes pleurnichant leur honte devant des théâtres transformés en « lieux de lutte contre la haine » ; des étudiants de l’Unef et des syndicalistes sudistes se lamentant dans des réunions non-mixtes « antifascistement intersectionnelles » ; des handicapés brûlant l’effigie du candidat « d’extrême-droite » et appelant les associations « citoyennes » des sourdingues « humanistes » et des mirots « citoyens » à se joindre à des manifestations « inclusives » encadrées par de gentils escadrons LGBTQIA+++ « républicains ».
Gare au surdosage !
En attendant ce moment, Thomas Legrand continue de se faire la voix : « Zemmour reprend tout le corpus idéologique de la droite radicale que trimbalait Jean-Marie Le Pen : banalisation du pétainisme, revisitation arrangée de l’histoire et xénophobie de fait. […] le fait désinhibant qu’il soit, comme le dit Yannick Jadot, le « juif de service », permet à toute une partie de la droite, attachée aux racines chrétiennes et à un ordre social figé plus qu’aux valeurs de la République, de réapparaitre sans complexe, pour la 1ère fois à ce point depuis, disons, la condamnation de Charles Maurras en janvier 1945 » [3]. Son médecin est, paraît-il, très inquiet. Il lui aurait demandé de réduire la fréquence des séances radio-curatives ou de varier les cibles en lui rappelant les effets secondaires dûs à une radiothérapie surdosée en rayonnements anti-zemmouriens : rabâchage idéologique, perte d’objectivité, surdité subjective, désorientation historique, amoindrissement du discernement, délire de persécution, risque paranoïde accompagné d’une surestime de soi, désinhibition, logorrhée, etc. Afin de savoir si Thomas Legrand a tenu compte ou non des remarques de la faculté, nous continuerons d’écouter avec attention ses éditos et ne manquerons pas de vous tenir informés. ■
1. Sur France Inter, édito du 24 décembre 2021.
2. Philippe Muray, Exorcismes spirituels III, éditions Les Belles Lettres.
3. Sur France Inter, édito du 17 février 2022.
Didier Desrimais
* Amateur de livres et de musique, scrutateur des mouvements du monde.
Cet article est excellent et tellement drôle !!!
C’est un traitement savoureusement bénéfique pour notre santé intellectuelle et mentale ! Merci !
Cordialement ,
Madame Michèle Le Floch