Le 25 février dernier, Nicolas Boutin s’est entretenu avec le Prince, pour Valeurs actuelles. En voici pour JSF l’intégralité.
Prétendant à la couronne de France et descendant direct de Louis XIII, le prince Jean d’Orléans vit dans le Sud de la France. Alors que la France doit désigner son prochain chef de l’État, il nous livre ses impressions et ses inquiétudes sur le pays, la politique et la crise sanitaire. Entretien.
Valeurs actuelles. Vous vivez aujourd’hui dans le sud de la France, en territoire rural. L’occasion pour votre famille de garder le contact avec une certaine France profonde ?
Prince Jean d’Orléans. Depuis le retour d’exil de mon grand-père, notre famille a toujours été implantée au milieu du village qu’est la France. Mon grand-père avait parcouru le pays pour connaître la France en profondeur, ce que j’ai fait ensuite un certain nombre d’années, jusqu’à la sortie de mon livre « Un Prince Français » (Pygmalion). Un tour de France des différentes régions pour prendre le pouls du pays. Aujourd’hui dans notre environnement immédiat, j’ai eu l’occasion de revoir le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, de visiter l’école Ozar Hatorah de Toulouse, qui avait été visée par Mohammed Mérah en 2012. Je rencontre aussi un certain nombre d’acteurs politiques, économiques et sociaux. Pour moi, c’est vital.
Quel est le but de ces rencontres ? Quel sens voulez-vous donner à votre présence ?
Il faut savoir ce que pensent les Français, dans leur spécificité, prendre la mesure des attentes du pays dans l’ensemble de ses composantes. C’est une démarche discrète mais nécessaire pour être capable de réfléchir aux mesures à prendre. On ne peut pas prendre des décisions sans voir la réalité des choses.
A la sortie de ces rencontres, dans quel état se trouve la France aujourd’hui, de votre point de vue ?
La France est sous contrainte et perfusion. Avec la pandémie, les Français ont dû adapter leur façon de travailler. Malgré toutes les restrictions imposées, dont on ne sait pas si elles ont vraiment servi, de nombreux Français ont continué à diriger leurs entreprises, à garder leurs clients, etc. Nous avons vu des circuits courts se développer, des solidarités se mettre en place. Nous avons pu ainsi garder notre allant, nos villes « franches », notre liberté d’entreprendre…
« La France doit retrouver une certaine dynamique »
2022 est une année présidentielle. Allez-vous jouer un rôle d’aiguillon, d’observateur, d’acteur ?
J’espère pouvoir le faire sereinement. Ces échéances sont importantes. La France doit retrouver une certaine dynamique, assez absente ces deux dernières années. Le débat est resté sur cette pandémie alors qu’il y a de nombreux autres sujets qui préoccupent nos compatriotes : la justice, la sécurité, le travail, la retraite, la santé… L’hôpital est malade, depuis des années. La pandémie n’a fait que révéler ces difficultés. Il y a aussi un nombre de fractures incroyables. Les pauvres sont laissés de côté au profit d’une société française qui dérive vers l’oligarchie. Il n’y en a que pour les privilèges. La présidentielle doit remettre au centre toutes ces problématiques.
Doit-on conserver ce mode de gouvernance ?
C’est une question institutionnelle. Avec le quinquennat, le modèle de la Ve République ne colle plus. Soit on revient au septennat pour avoir deux rythmes qui cohabitent et collaborent : le rythme long du président de la République qui gère les affaires importantes et qui donne les directions, s’occupe de la cohésion nationale. Et le gouvernement, avec un rythme différent, qui peut être d’un parti opposé et qui joue sa partition et gère le quotidien. Avec ce dernier quinquennat, on observe un glissement institutionnel, vers une vision égoïste des choses et des privations de libertés individuelles et publiques. Ce n’est pas un bon système. S’ajoute à cela l’élection qui favorise le clientélisme. Une fois élu, il faut une année pour se mettre en place, trois ans pour exercer et une année pour préparer les prochaines élections. Que peut faire un président de la République ? A côté de cela, il n’y a plus de contre-pouvoir. Les syndicats ont disparu, l’Eglise est empêtrée dans ses difficultés, les hautes chambres et les ministres sont pris dans des liens d’intérêts économiques et financiers. La chose publique n’intéresse les politiques que pour ce qu’elle peut leur apporter. Des groupes de pression se constituent et cannibalisent toute issue démocratique. L’Etat a besoin de retrouver une stature que lui donnait le septennat. Une autre solution serait un passage à la monarchie !
Vous prenez exemple sur la monarchie britannique ?
Lorsque l’Angleterre traverse des difficultés, la reine est là pour les atténuer, pour remettre du baume au cœur. Quand tout va bien, elle accentue les bonnes directions qui sont prises. C’est un pays qui défend ses intérêts, qui avance avec sa liberté. Une liberté que nos politiques ont perdue. Lorsque la France s’est frictionnée il y a quelques années avec l’Italie, le Président a retiré son ambassadeur. J’ai écrit à Emmanuel Macron, lui rappelant la proximité de ces deux pays et lui montrant la possibilité de profiter du 500e anniversaire de Léonard de Vinci pour retrouver ce lien. Si en Italie, il n’y avait pas eu cette dichotomie entre le Président Matarella et le Premier ministre, avec un différentiel de temps et de rôle, jamais Emmanuel Macron n’aurait pu faire cette démarche et inviter le président italien dans une visite d’État, notamment à Amboise où nous étions.
Vous déplorez le bilan du président sortant ?
Nous avons un président-Premier ministre qui est au four et au moulin. Il fait de la communication parce qu’il n’a plus les moyens « souverains » pour agir. Comme je le disais plus haut, tant qu’à faire, passons à la monarchie, avec cette dichotomie entre le temps long et le temps court. Le système de la monarchie est intéressant parce que le long terme est représenté par une figure qui incarne la permanence, l’arbitrage, au-dessus de la mêlée des partis. Ce qui n’empêche pas le débat démocratique, loin de là, dans l’alternance des gouvernements qui gèrent le quotidien.
Si le président ne peut plus agir aujourd’hui, n’est-ce pas aussi la faute à une perte de souveraineté ?
Bien sûr. Souveraineté et autorité sont liés. Il faut en retrouver. De nombreux moyens ont été délégués à l’Europe et à des institutions indépendantes non élues, comme la BCE et un certain nombre d’autres structures, même en France… Soit nous faisons le choix d’une Europe fédérale soit celui d’une fédération d’États souverains. De mon point de vue la fédération d’États souverains me semble plus appropriée pour garder une certaine indépendance. D’ailleurs, lorsqu’une crise surgit, nous voyons bien les difficultés à faire front commun.
« Il y a une dérive oligarchique »
Dans cette élection présidentielle, y a-t-il un candidat qui trouve grâce à vos yeux ?
Il n’y a pas de candidat particulier auquel je suis attaché et pour lequel je me déclare. Je ne l’ai jamais fait dans le passé, je ne vais pas le faire aujourd’hui. En revanche, il y a des sujets qui m’intéressent plus particulièrement, comme la justice. Un pays qui a une justice qui ne fonctionne plus ne suscite plus l’adhésion des citoyens à ses projets. Il faut une économie qui respire et non sous perfusion. Les citoyens doivent avoir une certaine marge de liberté. Par rapport à notre histoire, notre caractère, je suis étonné qu’il n’y ait pas eu plus de voix qui se soient élevées contre les dernières limitations de nos libertés. Ce n’est pas bon signe.
Quand une partie de l’opposition d’Emmanuel Macron critique un pouvoir trop « monarchique », dévoie-t-on ce terme, selon vous ?
Ce n’est pas une présidence monarchique du tout ! Il s’agit plutôt d’une dérive oligarchique du pouvoir, où ce sont quelques-uns qui s’accaparent le pouvoir. La monarchie était bien plus souple. Il y a eu une monarchie relative qui s’est appuyée sur une décentralisation forte et bien vue. Il y a eu une monarchie plus centralisée avec notamment avec les Bourbons. Mais ça toujours été « le prince en ses conseils, et le peuple en ses états ».
« Dès qu’une voix s’élève, elle est mise à l’index »
Ce quinquennat a été entaché par de nombreuses crises sociales, sanitaires, politiques. Comment peut-on retrouver un lien de confiance entre les citoyens et les dirigeants ?
C’est la conséquence de cette dérive oligarchique. Il y a des conflits d’intérêts de certains ministres, des intérêts économiques qui priment sur l’intérêt sanitaire, sur la question des vaccins par exemple. Dès qu’une voix s’élève pour mettre ces pratiques à jour, elle est mise à l’index. Il y a aussi cette « woke culture », où l’on juge une figure historique ou un personnage politique sans réflexion de fond et où on le met à la vindicte des réseaux sociaux ; ce n’est pas bon. Nous devons réinventer un modèle, qui prenne le contre-pied de ces habitudes où les puissants prennent le pouvoir à travers l’argent, les médias et la politique. Si on évoque la pandémie, il n’y a pas vraiment eu de débat, même à l’Assemblée, à part avec quelques députés comme Jean-Luc Mélenchon qui ont porté la contradiction. A l’échelle internationale, on a vu la pression des entreprises pharmaceutiques, les accords financiers qui se sont fait au détriment des précautions à prendre comme ce qui se faisait jusque là pour n’importe quel vaccin ou médicament mis sur le marché. Les contre-indications, la capacité de pouvoir se retourner contre les fabricants ont été laissés de côté. Et dès que quelqu’un s’est interrogé, on l’a « flingué ». Il faut remettre un climat de confiance, ce qu’un président ne peut pas faire en cinq ans.
Comprenez-vous cette défiance qui empêche une partie des Français d’aller se faire vacciner ?
Dans une société, il est difficile de faire adhérer tout le monde. La vaccination n’étant pas obligatoire, il faut comprendre que certains ne veuillent pas se faire vacciner. Que les gens le fassent parce que ils y trouvent un avantage, c’est normal, mais qu’on les contraigne dans leurs activités quotidiennes de la façon dont on l’a fait, ce n’est plus vraiment démocratique. La contrainte n’a jamais apporté quoi que ce soit ! Pour revenir au débat entre pro et anti, nous ne sommes plus dans la science mais dans l’idéologie. Il y a des vaccins qui fonctionnent, d’autres non, d’autres à un certain moment seulement. On a aujourd’hui l’impression d’une France devenue un hôpital géant. Bientôt on se promènera en scaphandre. Nous avons besoin des contacts ; nous avons besoin de ça pour vivre !
Cette peur absolue du risque, de la mort dans la société vous inquiète-t-elle ?
La vie est un risque. On prend des risques tous les jours, en traversant la rue, en mettant ses enfants dans une école, en choisissant un travail. La vie c’est la prise de risque permanente. Il y a un certain nombre de choses qui doivent être encadrées, bien sûr, mais sans prise de risque, c’est une triste vie. Le but de l’encadrement, c’est finalement d’aider les plus humbles et les plus faibles à y arriver et non pas de vouloir tout contrôler.
« Lorsque l’on est président, on ne peut pas traiter les Français comme il le fait »
Lorsque ces mesures sanitaires seront abrogées, dans quel état retrouvera-t-on notre pays ? Comment recréer le lien social entre les Français ?
Les mesures prises a cassé le lien social. On aimait bien se retrouver autour d’un café pour refaire le monde. Le mouvement des Gilets jaunes, qui à révélé toute une frange de la population laissée pour compte, a fait peur à une classe dirigeante repliée sur elle-même, attachée à l’argent, au pouvoir et autres passions. Cette classe ne veut plus que ça se reproduise, par peur de perdre ses pouvoirs. Ca peut se traduire dans la façon dire, dans la parole. Celle du président de la République a malheureusement suivi cette tendance. Lorsque l’on est président, on ne peut pas traiter les Français de cette façon. Le lien social a été abimé, il faut le restaurer en nous libérant de toutes les contraintes « liberticides » qui nous empêchent d’avancer.
Vous évoquez le « repli sur soi », fréquemment utilisé par la gauche pour dénoncer la question identitaire. Comprenez-vous cette inquiétude de voir notre identité en péril ?
Il y a, c’est vrai, une crise d’identité qui est liée à une verticalité qui disparaît, une société liquide dont les fondements sont ébranlés. On parle des valeurs de la République sans être capable de parler du corpus qui les détermine. On devrait pouvoir s’appuyer sur la liberté, la justice, la façon dont on traite les plus démunis. Nous avons une histoire et un patrimoine extraordinaire à redécouvrir. Nous devons retrouver notre ADN. Nous nous rattachons à un certain nombre de choses dont nous sommes sûr : la famille et les amis, le travail. En fait, loin du repli sur soi, des liens sociaux se mettent en place grâce au cumul d’énergies, de bonnes volontés, et de savoir-faire. Voilà ce qu’il faut développer dans le domaine politique, économique et social. L’identité et le destin sont les composantes d’une même dynamique qu’il faut retrouver. ■
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bonjour
a lire,,
.article tres bien,,
reflete la realite
cordialement
thizy gilbert