Par Radu Portocala.
Ces réflexions sont parues sur la page Facebook de leur auteur qui évoque d’expérience ce qu’a été l’univers soviétique et ce qu’est aussi ce temps de grandes manipulations que nous vivons à l’Ouest.
« Je suis né dans un pays occupé par l’URSS. »
En ce temps de grandes manipulations, il a suffi de quelques jours pour opérer une nouvelle rupture dans la société – et ce n’est pas seulement un phénomène français -, pour faire naître et imposer comme seule posture acceptable une ukrainolâtrie sans nuances et une russophobie que, même du temps de Staline, nul n’avait eu l’idée de concevoir. Ne pas faire sienne l’admiration dithyrambique de Macron pour Zelenski – acteur comique au patrimoine financier douteux, dont le destin politique a été forgé à Washington -, c’est nécessairement être un suppôt du KGB-iste Poutine. « Qui n’est pas avec nous est contre nous » disait Lénine, précurseur inattendu des juges moraux d’aujourd’hui. Les simplifications manichéennes ont été à l’origine de beaucoup de désastres.
Je suis né dans un pays occupé par l’URSS. 600 000 soldats de l’Armée rouge veillaient au bon déroulement des opérations de soumission menées pas les conseillers soviétiques. Alexandre Nicolski a été le premier chef de la police politique, la Securitate. Son adjoint, Panteleï Bdnarenko (devenu Gheorghe Pintilie pour les besoins de l’emploi), NKVD-iste ukrainien, était son adjoint. Il n’y avait aucune divergence entre eux : ils étaient tous les deux des Soviétiques, servant la même cause. La signature de ce dernier se trouve en bas des listes d’arrestations où figurent les noms de mon grand-père et de mon père. Et de milliers d’autres listes semblables.
Parler avec un accent russe était un avantage. Donner à ses enfants des prénoms russes montrait que vous aviez compris, que vous vous intégriez. Donner à son roman le titre « La lumière vient de l’Est » vous valait un prix littéraire. Toutes les grandes découvertes et inventions étaient dues à des savants russes – du moins, c’est ce que nous avons appris à l’école. Pour avoir le droit de publier une communication scientifique, il fallait que la bibliographie contienne un certain nombre d’auteurs soviétiques.
La génération d’avant moi, puis moi-même avons connu de trop près les confrères roumains de Poutine et leurs méthodes de travail. J’ai compris très vite qu’il fallait à ces gens, pour accéder à leurs fonctions, une certaine mentalité. Or, on ne se défait pas de sa mentalité quelles que soient les circonstances. Cela, je n’ai pas besoin qu’on me l’apprenne.
Notre monde si étrange a inventé depuis quelque temps le principe du « bon côté ». Il faut toujours y être sous peine de brimades et exclusions. Mais comme il est discutable, ce « bon côté ». Les officiers de Securitate, par exemple, lorsqu’ils m’interrogeaient, étaient du « bon côté ». Leur repaire était à l’Est, Moscou. Après 1990, leur « bon côté » s’est inversé comme une boussole qui s’affole : il est, soudain, passé à l’Ouest.
On attend de nous de les rejoindre dans ce dernier choix : les États-Unis doivent être toujours le « bon côté ». Toute autre option nous rend suspects. Certes, le « bon côté » a été parfois fluctuant. Il fallait, par exemple, être pour Saddam Hussein, quand il était l’ami des Américains, pendant la guerre entre l’Iran et l’Irak, puis le haïr, quand les Américains ont décidé de ravager ce qu’il restait de l’Irak. Il fallait démanteler l’UÇK (Armée de libération du Kosovo) quand elle se trouvait en deuxième position dans la liste des organisations terroristes dressée par le Département d’État américain, puis l’applaudir et la couronner de lauriers pendant que les États-Unis et l’OTAN bombardaient sauvagement la Serbie, afin de pouvoir créer pour la même UÇK le premier État mafieux d’Europe. La liste des erreurs américaines est longue, pourtant l’aiguille qui montre le « bon côté » est toujours pointée en leur direction.
On m’a raconté que, pendant la guerre, des affiches proclamaient : « Allemand, ne pense pas ! Le Führer pense aussi pour toi ! » Je ne sais pas si de telles affiches ont réellement existé, mais l’injonction est très vraisemblable. Le « bon côté » l’a même faite sienne.
Je ne crois pas à l’existence ici-bas d’un « bon côté » absolu. Je ne veux pas qu’on me le montre là où il n’est pas et qu’on me l’inflige. J’ai connu ça et j’ai réussi à ne pas me laisser faire. Je préfère choisir seul et je n’aime pas me tromper en meute. Et si demain le « bon côté » décidait d’interdire Dostoïevski (comme on a déjà tenté en Italie) ou Boulgakov, je les lirai quand même, quitte à devoir le faire à la lumière d’une bougie. ■
« Intelligere » c’est comprendre en latin d’où notre «intelligence » et pour comprendre savoir discerner se faire une opinion et choisir il faut un minimum d’informations pour et contre et surtout écouter l’autre .
Or on nous fournit via les médias du prédigéré fabriqué et emballé comme un produit d’usine que nous avalons la plupart du temps sans nous poser de questions.
Merci d’apporter un peu de bon sens sachant que dans la vie rien ni personne n’est tout à fait bon ou tout à fait mauvais.
Les démocraties occidentales , ont besoin d’ un « croquemitaine » : V. Poutine .
Une guerre civile en Ukraine serait en outre une bonne affaire pour les marchands d’armes .
On prête par trop souvent à l’infâme Lénine une parole de Jésus : «Qui n’est pas avec moi est contre moi, et qui ne rassemble pas avec moi disperse.» (Matthieu XIII, 30.) Ça n’a l’air de rien, mais cette parodie de la divine Parole, très largement répandue, empêche de savoir ce que l’on dit vraiment et, du coup, empêche de savoir profondément ce que l’on veut dire.
Pour éviter toute méprise, je signale d’emblée être réactionnaire, non-vacciné, complotiste et, je l’ai appris dernièrement, russophile… Du coup, fatalement, je suis d’accord avec ce que nous dit Radu Portocala, avec cette nuance que je déplore un peu sa manière de le dire et, quelquefois, l’art et la manière peuvent, finalement, l’emporter… En effet, il y a éternellement un «bon côté», celui du Bien, et un mauvais, celui du Mal. Il s’agit de ne pas les entremêler. Or, dans les affaires de ce qui est «humain trop humain», il y a de la composition constante et il importe, intellectuellement, de ne pas se laisser emporter par les «passions» ou, pour mieux dire, en fait, les «tendances». Par ailleurs, si, jadis, toute «petite guerre» extérieure pouvait encore porter avec elle une idée de «Grande guerre» intérieure et, partant, se mettre en rapport avec le combat du Bien contre le Mal, aujourd’hui, ces données spirituelles ont disparu des champs de bataille. Moyennant quoi, il ne peut plus y avoir aucun Bien dans nul camp, si bien que le Mal l’emporte tout seul. Toutefois, il y a de plus grands maux ici que là, un plus grand Mal là qu’ici, et nous devons tâcher de nous éclairer, d’être «bien guidés». Éviter, néanmoins qu’un Führer pense et sache pour nous, naturellement. De ce dernier point de vue, Radu alerte comme il convient – il n’est pas le seul, grâce à Dieu ! À propos de Dieu, justement, n’allons pas disperser contre lui et réfléchissons à savoir comment rassembler : Qui ? Quoi ? Où ? Et savoir comment faire pour ne pas tomber dans un «camp» quelconque. Plutôt que de «se tromper en meute» et plutôt que de «choisir seul», n’imaginons pas ici avoir à faire à du brûlant ou à du glacé ; il n’y a que du tiède à vomir en cours. Allons «voir dans l’Histoire avec la baguette magique de l’analogie», comme le préconisait Novalis dans “Europe ou la Chrétienté” ; et avec l’analogie synthétique, certainement pas avec l’analyse politique… Quant à la nôtre, d’histoire, n’essayons pas de comparer les événements auxquels nous assistons à quelque autre du passé, même relativement proche, parce que il ne s’est jamais rien vu de pareil ! C’est là le plus sensationnel enseignement «historique» que nous pouvons analogiquement retirer du recours à ce que l’intelligence humaine a connu : NOUS NE SAVONS PAS, sachons-le, à la manière du plaisant Socrate. Méfions-nous donc de nous-même, pour commencer.
Je suis abasourdi par le «politiquement correct», comme on dit, mais cela devient par trop psittacistique, au bout d’un moment, alors, ne le disons plus. Je n’en suis pas moins abasourdi par ce que je ne dis plus depuis un instant. Alors, que l’on entende «autre chose», à commencer par Dostoïevsky, certainement, et Boulgakov, peut-être plus encore en ce moment ; précisément : “Le Maître et Marguerite”, dans lequel sublimissime roman (un des trois ou quatre plus beaux jamais écrits), le “Diable” apparaît sous un angle eschatologique de grand enseignement : «Cette force qui, éternellement, veut le mal, et qui, éternellement, accomplit le bien», selon la réponse de Méphistophélès à Faust dans Goethe, reprise en exergue de la première partie du roman de Boulgakov. Seulement, si Goethe a su discourir ainsi, sans rien montrer de ce que cela signifie, Boulgakov nous le révèle avec un génie poétique bouleversant et un humour métaphysique des plus saisissants. En outre Soljenitsine était venu par chez nous, un beau jour, pour nous dire que nous étions, au fond et pour le dire ici le plus méchamment possible, «aussi pire» que le soviétisme ; la démonstration en est apportée surabondamment depuis plus de trente ou quarante ans. Mais il y a d’autres collaborateurs à notre cochonnerie amerloquée, celle chinée dans la brocante du bout du monde, bien connue, et la rusée russe aussi, plus ou moins bien vue. De passage en Russie, voilà vingt ans, j’avais été frappé par la particulièrement grande beauté des femmes belles et par la particulièrement grande vulgarité brutale de la plupart des bonshommes que j’ai croisés. Cela vaut également pour les Ukrainiennes et les Ukrainiens : il y a de l’épaisseur épouvantable, là bas, et du raffinement merveilleux… À partir de cela, le très méchant Occident a mis au point un marché de la beauté dans lequel les Belles sont soumises à la Bête, et ce n’est pas un conte de madame de Beaumont revu par le mignon Cocteau. Pour nous faire une idée symbolique de ce qui se produit, imaginons une traite des blanches en mode apocalyptique… Et l’on va me prendre maintenant pour un fou, alors… Que l’on m’excuse d’être aller semer pareil grain.
Vive Dieu, la France et le Roi !
De passage à saint Pétersbourg il y a 4 ans, je confirme le propos de David sur la beauté et le charme des femmes slaves avec quelque chose d’un peu triste , de celles qui ont silencieusement souffert et ont dû lutter contre les dévastations du passé, elles, ou leurs parents. Je serais moins sévère pour les hommes . Sur la tombes de Dostoïevski j’ai pu prier un peu. Signe des temps, une université italienne a un temps envisagé de l’interdire, lui qui était vomi par Lénine qui s’était senti démasqué . David a raison, Soljenitsyne nous a averti de notre profonde ressemblance pour le pire avec le soviétisme. Dans ce dédoublement diabolique de notre être que nous subissons qui nous entraîne dans la ronde?
De Mickhaïl Boulgakov , également à signaler « La Garde blanche »
( La majeure partie du roman , en Ukraine de 1918 à 1920 .