Par Agnès Pinard Legry.
Trois ans après l’incendie qui l’a partiellement ravagée dans la nuit du 15 au 16 avril 2019, la restauration de Notre-Dame de Paris entre dans une phase décisive. La réouverture de la cathédrale est toujours prévue en 2024.
En contemplant la façade de Notre-Dame de Paris en ce matin d’avril 2022, on oublierait presque les flammes qui l’ont assiégée et partiellement ravagée trois ans auparavant, dans la nuit du 15 au 16 avril 2019, sous le regard médusé et impuissant de millions de personnes à travers le monde. Si les enquêteurs tentent toujours d’en déterminer les causes, aujourd’hui, c’est un regard curieux, fier et heureux qui se pose sur la cathédrale. Curieux et fier du travail de tous ces artisans qui œuvrent et veillent quotidiennement Notre-Dame afin de lui redonner sa splendeur. Mais aussi heureux, profondément heureux, d’assister à la renaissance de ce chef d’œuvre de l’art gothique, écrin magnifique au corps du Christ.
Débutés dès le lendemain de l’incendie, les travaux de sécurisation et de consolidation de la cathédrale ont pris fin à l’été 2021. Pendant plus de deux ans, des centaines d’ouvriers et artisans ont œuvré afin de réaliser des opérations complexes telles que le démontage de l’échafaudage sinistré, la dépose du grand orgue, la pose de cintres en bois sous les arcs-boutants ou encore le déblaiement et le tri des vestiges ainsi que la sécurisation de la croisée du transept. Cette année a aussi été marquée par les décisions patrimoniales de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) concernant la reconstruction de Notre-Dame : la charpente en bois de chêne, la couverture du grand comble et la flèche de Viollet-le-Duc seront restituées à l’identique.
Deux chantiers tests
Deux chantiers testsmenés entre septembre 2020 et avril 2021 dans les chapelles intérieures de la cathédrales (24 en tout) ont permis d’affiner les techniques qui permettront de leur redonner leurs couleurs d’origine. Début mars, des fouilles préventives ont réservé une belle surprise au cœur du chantier : la découverte d’un sarcophage de plomb ainsi que les vestiges de l’ancien jubé de la cathédrale datant du XIVe siècle !
Plusieurs opérations préparatoires à la restauration sont actuellement en cours dans la cathédrale telles que le dépoussiérage et le nettoyage des voûtes. Si plus de 90 marchés publics ont d’ores et déjà été attribués, les appels d’offres sont en cours et les travaux de restauration vont commencer à l’intérieur de la cathédrale dans les prochaines semaines. Imaginez-vous : dans quelques semaines, tailleurs de pierre, maîtres-verriers, ferronniers d’art et restaurateurs de peintures et de sculptures se rejoindront à l’intérieur, comme au temps des bâtisseurs, pour que Notre-Dame s’élance à nouveau vers le Ciel, et avec elle les prières des quelque 12 millions de visiteurs franchissant ses portes chaque année.
La France entièrement mobilisée
Mais ce n’est pas seulement à Paris que la restauration de Notre-Dame se dessine et se prépare. Tandis que le sciage des 1.000 chênes nécessaires à la restauration de la flèche et du transept se termine dans 45 scieries de France, les travaux de nettoyage et de restauration du grand orgue, dont ses 8.000 tuyaux et ses 19 sommiers, se poursuit en Corrèze, dans l’Hérault et le Vaucluse. La restauration des 22 peintures datant du XVIIe et XVIIIe siècle de la cathédrale, dont les treize inoubliables Mays, sont actuellement restaurés dans l’Essonne. Enfin, l’extraction des pierres dures nécessaires à la reconstruction des arcs des voûtes effondrées ont démarré ce 13 avril dans une carrière de l’Oise.
Au-delà de la restauration de Notre-Dame en tant que « bâtiment », le diocèse de Paris a lancé une vaste réflexion quant au réaménagement liturgique. es phrases lumineuses projetées sur les murs dans toutes les langues, des lumières plus douces, des œuvres d’art contemporaines faisant échos aux œuvres centenaires… L’accueil des touristes étrangers, afin qu’ils perçoivent mieux le mystère d’un édifice chrétien, fait partie des points majeurs soulevés par ce réaménagement. « Il est important de rappeler que la cathédrale est un lieu de culte vivant. Ce n’est pas un musée, un monument figé », confiait ainsi à Aleteia le père Gilles Drouin en décembre peu après avoir reçu un avis favorable de la CNPA quant au projet de réaménagement proposé par le diocèse. « Le diocèse de Paris est garant de cela depuis huit siècles car c’est lui qui la fait vivre ! Grâce à l’avis favorable de la Commission, nous allons pouvoir continuer à travailler afin que la cathédrale demeure ce qu’elle a toujours été : un lieu intégralement catholique, ouvert à tous, et vivant. »
Trois ans après l’incendie…et deux ans avant la réouverture annoncée. Le 16 avril 2024 devait être le jour où la cathédrale serait rendue au culte. Mais les retards pris en raison du Covid-19 et du plomb, le chantier devrait durer plus longtemps que ce qui était initialement annoncé. Qu’à cela ne tienne le général Jean-Louis Georgelin, chargé de veiller à l’avancement des travaux, assure néanmoins qu’un Te Deum sera bien célébré dans la cathédrale ce jour-là. Depuis sa construction, la cathédrale a en effet fait résonner plusieurs Te Deum dans ses murs notamment au lendemain des deux guerres mondiales. Composée au Moyen Âge, l’hymne du Te Deum était couramment exécutée pour remercier Dieu de grâces exceptionnelles. Si avril 2024 semble néanmoins compromis pour une réelle ouverture de la cathédrale, Mgr Patrick Chauvet a lui aussi bien en tête l’année 2024. « L’idéal serait que cela coïncide avec une fête mariale » , confie-t-il à Aleteia. « Le 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception serait un beau symbole… Mais il ne faut pas être plus royaliste que le roi ! Elle rouvrira en temps et en heure. » ■
Le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris
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