Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’épopée de la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, futur Henri V, plus connu sous son titre de courtoisie de Comte de Chambord. Une suite en 12 épisodes, du 25 avril au 7 mai – sauf dimanches.
Marie Caroline, duchesse de Berry.
Une petite Marie Caroline est née le 5 novembre 1798 au château de Caserte, à quelques kilomètres de Naples. Caserte, c’est le Versailles de Naples, en copie, une copie gigantesque mais un peu ratée (1).
Son père, futur François II de Naples, appartient à la dynastie des Bourbon-Sicile. Il descend en ligne directe, et légitime, d’Henri IV et de Louis XIV.
Sa mère, Marie-Clémentine, appartient à la dynastie des Habsbourg. Elle est la petite-fille de la grande Marie Thérèse d’Autriche, donc la nièce de la malheureuse Marie-Antoinette.
Dans ce puzzle dynastique, Marie-Caroline sera bien entourée : nièce de l’empereur d’Autriche François Ier, cousine de Marie-Louise, dernière épouse de Napoléon, sœur de la reine d’Espagne et nièce de Marie-Amélie, qui épousera Louis Philippe et sera ainsi en 1830 reine des Français.
Mais pour l’instant, elle est toute petite, et déjà l’histoire la bouscule. Elle n’a que 3 mois lorsqu’une armée française (commandée par le général Championnet) s’empare de Naples et y proclame une « République parthénopéenne ». La famille royale n’a que le temps de quitter Caserte pour se réfugier à Palerme, sous la protection de la marine anglaise commandée par Nelson.
Cet exil va se prolonger. Certes, la république parthénopéenne ne va pas durer bien longtemps : elle devient royaume dès que Napoléon s’est fait sacrer empereur. Mais les français ne partent pas : c’est Joseph (2), son frère aîné, que Napoléon nomme roi de Naples.
Puis, quand il a besoin de Joseph pour en faire un roi d’Espagne, c’est Murat (3), son beau-frère (puisqu’époux de Caroline), qui prend la suite.
Marie Caroline grandit donc à Palerme, dans le beau Palais des Normands (4, 5 et 6), où se trouve la magnifique chapelle Palatine (7 – en fin d’article). Sa maman meurt alors qu’elle n’a que 3 ans.
C’est son grand père Ferdinand qui continue de régner. Régner est un grand mot pour ce roi d’opérette que le peuple surnomme Nasone (8), à cause de son grand nez, chose commune chez les Bourbons, mais hypertrophiée chez lui. Dès qu’il fait beau – et c’est fréquent à Palerme -, il emprunte une porte dérobée du palais et, vêtu comme un gueux, il part pêcher en mer avec des compagnons de la plus basse classe puis, au retour, en vend le produit sur les quais. Il arrive à Marie-Caroline de l’accompagner.
Dans cette ambiance un peu particulière, Marie-Caroline vit une jeunesse heureuse et sauvageonne, ce qui a pour corollaire qu’elle reçoit une éducation relâchée. Certes, deux dames françaises de l’émigration sont là pour l’encadrer, Mme de Dombasle et Mme de la Tour, ce qui lui permet de parler bien français, outre le dialecte sicilien. Mais les grandes matières de l’éducation des princes et des princesses (histoire, géographie, langues anciennes et vivantes) sont seulement survolées.
Même son éducation religieuse paraît avoir été assez négligée par son confesseur. Toute sa vie, elle vouera un culte superstitieux à 3 saints, qui lui avaient été recommandés par une petite employée des cuisines : saint Ebouliche, saint Goulifar et saint Spiridon (ce dernier n’étant rien d’autre que le saint-esprit). Son confesseur parviendra avec peine à la convaincre d’invoquer aussi dans ses prières Saint-Antoine de Padoue.
En 1814, elle a 16 ans à la chute de l’empereur et de Murat (Joachim Ier). La famille royale peut ainsi rentrer dans sa capitale mais, comme tout le monde s’ennuie dans le grand château de Caserte, le roi décide qu’on passera à Palerme un semestre sur deux. (À suivre, demain) ■
Palais des Normands : la magnifique chapelle Palatine (7)
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