Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’épopée de la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, futur Henri V, plus connu sous son titre de courtoisie de Comte de Chambord. Une suite en 12 épisodes, du 25 avril au 7 mai – sauf dimanches.
En juillet 1815, alors que Marie-Caroline a 16 ans et demi, à Paris le roi Louis XVIII (8bis) revient de Gand après les cent jours.
Son premier souci est de donner des instructions pour hâter le mariage du duc de Berry. Pourquoi ? D’abord parce qu’il a pu mesurer une nouvelle fois la fragilité, au moins à Paris, de la monarchie française. N’oublions pas que, comme toute sa famille, il vient de passer 25 ans en exil. Mais il est préoccupé surtout, de ce que la branche aînée, les Bourbons, manque gravement de petits garçons. Faisons le tour :
Louis XVIII appartenait à une fratrie bien pourvue en prétendants. Il y eut Louis XVI, il y a lui-même, il y a encore le comte d’Artois (9), futur Charles X. Trois frères, trois rois. Mais derrière eux, c’est la pénurie : leur génération en 1815 ne peut compter que sur 2 garçons.
Ceux de Louis XVI sont morts, le premier de maladie en juin 1789, le second des mauvais traitements auxquels il a été soumis au Temple (10). Louis XVIII, pour sa part, n’a eu aucun enfant, ni fille, ni garçon, ni bâtard. Les deux garçons appelés à recueillir la succession sont ceux du comte d’Artois, qui n’a aucune intention d’en faire d’autres.
L’aîné, Louis-Antoine, est titré duc d’Angoulême (11). Il est né en 1775 et a donc 40 ans. Il a épousé sa cousine, Marie-Thérèse (12), l’infortunée prisonnière du Temple qui, dans cette prison, après avoir été séparée de son petit frère, avait vu partir pour l’échafaud son père, sa mère et sa tante.
Elle n’avait dû sa survie qu’à une sorte d’échange d’otages entre elle-même et trois commissaires de la République capturés en Italie (dont, ironie de l’histoire, le Drouet de Varennes, sans lequel sa famille n’aurait pas connu le temps des supplices). Terriblement marquée par son épreuve, Marie-Thérèse n’était probablement pas en état d’accueillir une maternité. La question est d’ailleurs superflue puisque son mari était, lui, impuissant.
Ce n’était pas du tout le cas de son frère, Charles-Ferdinand, duc de Berry (13), né en 1778. Il avait pour les femmes le goût et l’entrain de nombre de ses ancêtres, dont Henri IV et Louis XV. Il ne s’en cachait nullement et ses liaisons avec des actrices mais aussi des femmes du monde constituaient les seules anecdotes de la chronique amoureuse de la cour de Louis XVIII.
C’est ainsi sur lui et seulement sur lui que reposaient tous les espoirs d’un rejeton mâle. Il fallait donc le marier. Certes, il l’avait déjà été, en Angleterre avec une nommée Amy Brown (14) dont je reparlerai. Mais, célébré selon le rite anglican et non approuvé par le roi, ce mariage était réputé inexistant. Il était donc, aux yeux de l’église et du roi, un vigoureux célibataire.
A qui le marier ?
Il y eut quatre candidates nominées.
- La grande duchesse Anne, sœur du tsar Alexandre, mais le tsar posait comme condition que le mariage soit d’abord célébré à Saint Pétersbourg selon le rite orthodoxe. Bien qu’il acceptât qu’elle se fasse ensuite catholique, dès la frontière passée, cela constituait un obstacle aux yeux de l’église.
- Une archiduchesse autrichienne. Elle était nièce de Marie-Antoinette – bon point – mais elle était également la sœur de Marie-Louise, donc de Mme Bonaparte. Impensable.
- La princesse Marie de Saxe. On n’étudia pas longtemps sa candidature, parce qu’elle était moins prestigieuse et qu’en plus c’était un laideron.
La quatrième est notre héroïne (15). Elle fut choisie faute de mieux. Le duc de Blacas, notre ambassadeur à Naples chargé de la négociation, notait les insuffisances de son éducation et s’interrogeait sur un nouveau mariage entre Bourbons. Il appréciait en revanche la fécondité des filles de la famille.
Il obtint en tout cas une très grosse dot : 120 000 ducats d’Espagne et 200 000 florins.
Le 24 avril 1816, le mariage est célébré par procuration à la cathédrale de Naples. Marie-Caroline a 17 ans et demi.
Le 14 mai, elle s’embarque pour la France dans un magnifique cortège de six vaisseaux, trois français, trois napolitains. (À suivre, demain) ■
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