Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’épopée de la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, futur Henri V, plus connu sous son titre de courtoisie de Comte de Chambord. Une suite en 12 épisodes, du 25 avril au 7 mai – sauf dimanches.
Le 21 mai 1816 la flottille entre dans la rade de Marseille, qui se couvre d’embarcations fleuries et pavoisées de drapeaux blancs.
Un canot officiel vient chercher Marie-Caroline et sa suite (16) mais, – déception – la destination n’est pas la préfecture ou la mairie : c’est le lazaret. On lui impose une quarantaine de 10 jours qu’elle vivra très mal en raison notamment de l’inconfort et de la vétusté des lieux. C’est pour cela qu’ultérieurement elle financera, sur sa fortune personnelle, la construction au Frioul, près du Château d’If, de l’hôpital Marie-Caroline, modèle d’hygiène et de modernité pour l’époque.
Le 30 mai, elle est libérée du lazaret et reçoit un accueil enthousiaste de toute la ville. A l’hôtel de ville, elle doit néanmoins se soumettre à un protocole désuet. Au milieu du grand salon, on a disposé un long et étroit tapis séparant d’un côté les français, de l’autre les napolitains. Après les inévitables et interminables discours (« Fille de Saint-Louis, donnez-nous des fils qui lui ressemblent ! »), on fit passer Marie-Caroline dans une pièce attenante où ses femmes de chambre la déshabillèrent totalement avant de la revêtir de nouveaux vêtements, français. Cette nouvelle toilette, tenant lieu de naturalisation, lui permit de franchir le tapis.
Marie-Caroline resta 3 jours en Provence, dont un pour visiter la flotte à Toulon, avant de prendre le chemin de Paris ou plus exactement de la forêt de Fontainebleau, carrefour de la Croix Saint Hirem (là où Louis XV avait accueilli Marie Leczinska).
C’est sous ces frondaisons que, le 16 juin 1816, les deux époux firent enfin connaissance. En dépit d’une mise en scène à nouveau solennelle, tous les témoins s’accordent pour dire leur surprise devant les signes d’amour donnés par les tourtereaux.
Lui, un peu balourd : « Vous me ramenez une personne incomparablement mieux que je ne me la représentais ». Le Roi : « Le duc de Berry est amoureux de sa femme, mais il n’est pas le seul : nous sommes tous ses rivaux ». Le roi encore, à un familier : « En elle rien n’est joli, tout est charmant ». Ces badineries, inimaginables sous les règnes précédents, montrent combien le romantisme naissant avait gagné toute la société.
Le lendemain de cette présentation, le mariage fut béni à Notre-Dame dans des fastes oubliés depuis l’ancien régime (17).
Après un gigantesque banquet, la Cour accompagna les mariés dans leur domicile : le palais de l’Elysée, où le roi lui-même tint à les mettre au lit .
Je suis Français n’étant ni Gala ni Voici, je m’abstiendrai de vous décrire leur vie conjugale (18). Ce qui est certain, c’est que Marie-Caroline était profondément amoureuse de Charles : aucun autre homme n’apparaît alors dans sa vie et elle souffre de ses absences, dont elle comprend vite qu’elles sont liées à des aventures féminines. Ses scènes de jalousie lui valent d’être sermonnée par l’ambassadeur de Naples, qui l’assure que tous les hommes se comportent comme son mari, et même par un évêque qui, alors qu’elle invoque l’écriture « seulement en mariage » lui répond : « l’Eglise accorde des dispenses officieuses à l’obligation de fidélité lorsque le renom d’un grand de ce monde en dépend ».
Afin d’éloigner Charles des tentatrices, elle le décide à acheter un château à Rosny (19) sur la Seine à deux heures en aval de Paris où elle aime mener une vie campagnarde. (À suivre, demain) ■
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