PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Figaro de samedi matin 30 avril. Elle nous remet en mémoire l’entretien que le Prince avait accordé à Christophe Boutin pour Valeurs actuelle, le 25 février dernier, où il pointait en termes précis, s’inquiétait aussi de « la dérive oligarchique du Pouvoir » et de l’état de la société française. Mathieu Bock-Côté dresse ce même constat.
Lire dans JSF : Prince Jean, Comte de Paris, à Valeurs actuelles : « Il y a une dérive oligarchique du pouvoir »
CHRONIQUE – Les grands arbitrages de la France ne doivent plus s’opérer entre différentes formations politiques opposées mais au sein du parti présidentiel institutionnel.
« Selon l’adversaire que l’on retrouve devant soi, qu’il soit de gauche ou de droite, le macronisme peut mobiliser un discours ou son contraire »
Qu’est-ce que le macronisme ? Six ans après son apparition, et à l’aube d’un deuxième quinquennat, la question n’a pas trouvé de réponse vraiment satisfaisante, ou du moins, définitive.
Le premier réflexe consiste à vouloir en faire une doctrine comme les autres. On la dit alors issue de la social-démocratie modernisatrice, qui se serait délivrée de la culture politique anachronique du PS pour s’allier avec les réformistes du camp d’en face, autour d’un projet progressiste et européen. Le macronisme incarnerait le vieux rêve giscardien d’un grand parti présidentiel rassemblant deux Français sur trois, et délivrant enfin le pays de ses tourments idéologiques. Cette définition demeure bien partielle et ne tient pas suffisamment compte des cinq dernières années et de la recomposition politique qui les a caractérisées, aboutissant à une France fracturée en trois blocs, dont le macronisme serait le bloc central.
« Bloc central » : la formule est juste, à condition d’être correctement comprise. Car qui dit central ne dit pas centriste. Le macronisme est né à gauche, mais n’a eu de cesse, à partir de 2017, d’absorber la droite « républicaine », à travers le ralliement d’importantes figures s’en réclamant, ou en la neutralisant, en l’obligeant à adopter une attitude «constructive». La dernière campagne présidentielle a permis à Emmanuel Macron d’aspirer ce qui restait d’électorat aux Républicains, en les condamnant, pour un bon moment du moins, à une existence résiduelle. Il s’agissait en fait d’absorber les éléments dynamiques des partis de gouvernement, et de transformer leurs restes en coquilles vides sans capacité de projection nationale.
Mais ayant dit tout cela, nous n’avons toujours pas caractérisé le macronisme idéologiquement. Emmanuel Macron, d’une boutade qui n’en était peut-être pas une, s’est réclamé, dans les derniers jours du deuxième tour, de l’extrême centre. Il expliquait ainsi que son projet politique avait pour vocation de rassembler très largement, de la droite bonapartiste à la gauche écologiste, autrement dit, des héritiers de Charles Pasqua à ceux de Noël Mamère, sans oublier le centre gauche et la droite libérale.
Tentation du parti unique
Dès lors, nous comprenons mieux: le macronisme a pour vocation de rassembler dans un même parti présidentiel toutes les contradictions légitimes au sein de l’espace politique, ce qui pousse d’ailleurs certains LR à vouloir faire de leur parti un pilier de la majorité présidentielle. Même Jean-Pierre Chevènement souhaite participer à la définition du macronisme en voulant y rajouter un pilier souverainiste. Les grands arbitrages de la France ne doivent plus s’opérer entre différentes formations politiques opposées mais au sein même du parti présidentiel institutionnel, ce qui pousse les Républicains, dans une formule abusive mais qui se comprend, à parler de la tentation du parti unique.
Il ne doit plus y avoir qu’un seul parti de gouvernement. Emmanuel Macron, en cinq ans, sera parvenu à pulvériser un système politique qui, faut-il le dire ?, était pulvérisable. On trouve ici et là des restes du vieux monde qui entendent lui résister: certains LR de tendance conservatrice veulent opposer une culture de gouvernement à une autre. Mais le macronisme a déjà désigné son adversaire, pour ne pas dire son ennemi: il s’agit des «extrêmes». Cette catégorie stigmatisante a pour fonction de disqualifier un adversaire en le présentant comme un péril pour la démocratie. Il vient aussi abolir la possibilité de l’alternance, en refusant toute légitimité à l’adversaire.
Cette manière de nommer l’adversaire a aussi une efficacité stratégique. Selon l’adversaire que l’on retrouve devant soi, qu’il soit de gauche ou de droite, le macronisme peut mobiliser un discours ou son contraire. Parce qu’il s’est retrouvé au deuxième tour devant Marine Le Pen, qu’il associe à «l’extrême droite», Emmanuel Macron a mobilisé une rhétorique de gauche, conjuguant écologisme et multiculturalisme. S’il s’était retrouvé devant Jean-Luc Mélenchon, il aurait adopté probablement un discours de tonalité national-républicaine. Cette flexibilité permet de comprendre les retournements du macronisme à propos de la laïcité, passant du multiculturalisme à la lutte contre le séparatisme et bifurquant vers une défense du voile islamique dans l’entre-deux-tours.
On peut dès lors parler de la plasticité doctrinale du macronisme, qui n’a finalement qu’une conviction inébranlable: l’Europe. Au-delà de cela, le macronisme est la doctrine et le point de rassemblement du bloc élitaire où convergent tous ceux qui veulent participer ou profiter du régime. Cette doctrine peut se métamorphoser selon les besoins idéologiques et rhétoriques d’un régime qui se croit aujourd’hui fragilité, et qui aujourd’hui, se présente, sans qu’on ne sache quel terme est le plus convaincant, sous le signe du sursaut ou du sursis. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Sélection photos © JSF
Macron est là pour appliquer une feuille de route qui est déjà écrite par mac kinsey, blackrock, jp morgan, goldman sach, bill gates, zuckerberg, rothschild et d’autres. Il n’est pas le décideur mais l’exécutant plus ou moins psychopathe en plus d’être pervers narcissique. Nous l’avons bien vu pendant ces 2 ans. La France il n’en a rien a faire et il ne l’aime pas. La droite ou la gauche n’a plus réellement de sens. Aujourd’hui ce qui se profile par les décideurs dégénérés, c’est la tyrannie, le totalitarisme, le controle de la population par son asservissement et son acceptation, la dépopulation (suivre les conséquences des injections). La seule chose que l’on voit, c’est qu’il ni a pas eût de raz de marée contre macron et 25% d’abstention avec lfi qui appelle a voter pour lui au second tour et maintenant pour les legislatives à voter contre lui!!!!!! Ou est la cohérence?
Très bonne analyse, comme souvent.
Le Macronisme est protéiforme, flasque, visqueux, tentaculaire, bref dangereux !
j’ai vécu une enfance inquiétante auprès d’un Père évadé et résistant, mais fier d’un Pays digne de son passé historique ,
Qu’en est-il aujourd’hui ?
J’ai vécu en scientifique oublieux , je vais mourir bientôt me blâmant de n’avoir pas vu venir ni ma décrépitude ni celle autrement plus vénérable de la France , mon Cher Pays !
Melenchon est tombé dans le piège gilets jaunes, il est associé aux casseurs, ce qui le ^plombe ^pour les législatives auprès de l’électorat centriste et de droite, voire gauche modérée! Merci aux blackbloks et antifas, milice du gouvernement. Décadence des syndicats, du temps du service d’ordre CGT/PCF pas de débordements dans les manifs!
Justement relevée cette filiation du Macronisme avec l’illusion Giscardienne de réunir « deux français sur trois » . Formule malheureuse , du reste , puisqu’elle aurait accepté la mise à l’écart d’un tiers des Français-ce qui n’est pas rien- de la communauté nationale .