Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’épopée de la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, futur Henri V, plus connu sous son titre de courtoisie de Comte de Chambord. Une suite en 12 épisodes, du 25 avril au 7 mai – sauf dimanches.
Marie-Caroline quitta l’Ecosse pour l’Italie en passant par la Hollande, l’Allemagne et la Suisse. Les souverains approchés (la cour d’Autriche, le roi de Sardaigne) lui procurèrent une aide financière et des encouragements, mais subordonnèrent l’expression d’un soutien public au succès de son entreprise. Son frère, roi de Naples, l’éconduisit carrément.
Seul le duc de Modène, qui avait refusé de reconnaître Louis-Philippe, lui proposa l’hospitalité. (Ci-contre). Elle s’installa donc dans son duché, à Massa, où ses fidèles la rejoignirent. Elle pouvait compter sur un conseil composé de 6 personnages expérimentés, dont principalement le maréchal de Bourmont, Kergorlay et Blacas et de jeunes et ardents partisans (officiers ayant refusé de servir Louis-Philippe).
Un autre soutien, de poids mais discret, était acquis à la duchesse : celui du pape, Grégoire XVI, qui lui accorda plusieurs visites privées. Il l’assura de ses prières puis ajouta :
– Je connais un homme qui pourrait vous être d’une aide efficace. Il s’appelle Hyacinthe Deutz.
– Que peut-il faire pour moi, Très Saint-Père ?
– Tout ce que vous lui demanderez, mon enfant.
Il s’agissait d’un juif, fils d’un rabbin, qui s’était récemment converti et avait pour parrain l’archevêque de Paris. Elle l’employa à diverses missions, notamment auprès du roi du Portugal.
Mais la question principale était celle des soutiens sur lesquels elle pouvait compter en France. Son idée était celle d’un nouveau soulèvement de la Vendée, terre légitimiste par excellence. Mais les rapports chiffrés qu’elle recevait de ses correspondants en Vendée et du comité légitimiste de Paris (où siégeaient entre autres – secrètement – Chateaubriand et l’avocat Berryer) n’étaient pas optimistes.
La situation, lui représentait-on, n’est plus la même qu’en 1792 : l’église n’est pas menacée, il n’y a pas de conscription, pas de guillotine. Seuls bougeront ceux qui ont la foi monarchique chevillée au cœur et qui regardent le changement intervenu comme une trahison. Ceux-là sont prêts à prendre les armes et à se faire tuer car leur opposition à Louis-Philippe est d’autant plus passionnelle qu’il est le fils de Philippe Egalité, celui qui a voté la mort de son cousin Louis XVI. Mais sont-ils nombreux ? De quelles armes disposent-ils ? (Ci-contre : Berryer – 1832)
Soudain, au début de 1832, la solution parut évidente : un agent de renseignement, retour de Provence, fit à Marie-Caroline et à Bourmont son rapport de mission :
– Les Bourbons sont adorés à Marseille. Madame y est l’objet d’un enthousiasme qui va jusqu’au fanatisme.
Sa réaction fut immédiate : – Soulevons la Provence. Toute la France suivra ! Elle imagine une version nouvelle du retour de l’île d’Elbe. Elle y croit d’autant plus volontiers que la Provence est en effet terre royaliste et qu’elle-même y a été fêtée, presque adulée, 16 ans plus tôt.
Bourmont, lui, doute, hésite, mais se rallie au projet le lendemain matin. (Portrait ci-contre)
Le 26 avril, les conspirateurs – Marie-Caroline et une suite de 14 personnes – s’embarquaient sur le Carlo Alberto, un vapeur sarde (parmi les premiers construits). (À suivre, demain mercredi) ■
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