Par Stéphane Blanchonnet.
S’il y a un mot qui incarne notre époque dans sa course effrénée à la folie, c’est bien celui de discrimination.
Ce terme inconnu en bon français, en dehors de quelques emplois spécialisés, — et non péjoratifs —, il y a à peine trente ans, quand notre langue était encore elle-même et n’était pas gangrenée par l’importation du politiquement correct anglo-saxon, est aujourd’hui devenu l’expression d’une véritable obsession.
Il s’agit, au moyen de ce vocable, de traquer toute forme de préférence (le plus souvent parfaitement légitime) qu’un peuple, un groupe ou un individu pourrait avoir, notamment quand cette préférence consiste à vouloir privilégier son prochain, son compatriote, sa famille, ses coreligionnaires, sur des étrangers ou des inconnus.
Il n’est même plus possible de distinguer entre le citoyen et le non-citoyen, — distinction pourtant fondatrice de toute nation ou société depuis la nuit des temps —, sans encourir mille reproches et être considéré comme une sorte de monstre, de démon, sans âme ni humanité.
Mais il y a mieux : les promoteurs de cette nouvelle idéologie antidiscriminatoire, adorateur de l’Égalité parfaite, semblent considérer, — paradoxe suprême —, que nous ne sommes pas tous égaux face à la discrimination ! Le racisme anti blanc par exemple ne saurait exister dans leur esprit et par conséquent dans la réalité (le monde étant LEUR représentation), pas plus d’ailleurs que les discriminations fondées sur le sexe si ce sont les hommes qui en pâtissent.
On a rarement vu en effet un politicien s’indigner de la sous-représentation des hommes dans tel milieu ou telle profession !
Il faut ajouter pour être complet que l’empire de cette idéologie ne s’étend guère au-delà des limites du monde occidental et apparaît de ce fait comme révélateur du désir d’autodestruction qui travaille ce dernier. L’avenir nous dira si cette tendance pourra s’inverser ou si son rôle historique sera de provoquer la fin de notre civilisation. ■
Stéphane Blanchonnet
Action française
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Le verbe discriminer n’apparaît même pas dans le dictionnaire Littré. Quant au dictionnaire du Trésor de la langue française, il indique :
Différencier, en vue d’un traitement séparé, (un élément des autres ou plusieurs éléments les uns des autres) en (le ou les) identifiant comme distinct(s). Synon. distinguer.
A.− [Le compl. d’obj. désigne des choses] Commençons par dénombrer et discriminer les problèmes (Du Bos, Journal,1928, p. 67).Discriminer rhumatismes infectieux et arthrites microbiennes (Ravault, Vignon, Rhumatol.,1956, p. 516):
Van Eyck, lui, se demande avant tout de quoi les choses sont faites; il les discrimine, les spécifie : la pierre est granit ou marbre, l’étoffe drap, lin ou mousseline. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 139.
− Emploi abs. Quand la vie nous laissera-t-elle le temps de nuancer et de discriminer? (Du Bos, Journal,1927, p. 165).
B.− Rare. [Le compl. d’obj. désigne des pers.] C’était une autre affaire de discriminer les visiteurs (Guéhenno, Jean-Jacques,1952, p. 287).
− [Le suj. désigne l’élément permettant la distinction] Les questions qui discriminaient significativement les sujets normaux des sujets présentant un syndrome mental donné (Delay, Psychol. méd.,1953, p. 125).
Rem. 1. On rencontre ds la docum. un emploi abs. avec nuance péj. de discriminer correspondant à discrimination B. En tolérant que l’Europe discrimine, c’est-à-dire maintienne les restrictions financières et commerciales contre les États-Unis tout en abaissant ces restrictions entre pays membres de l’OECE (Univers écon. et soc., 1960, p. 3809). 2. La docum. atteste le dér. discriminable, adj. Qui peut être distingué. Tonalités discriminables aux divers niveaux d’intensité sonore (Piéron, Sensation, 1945, p. 398).
Prononc. et Orth. : [diskʀimine], (je) discrimine [diskʀimin]. Étymol. et Hist. 1876 math. subst. discriminant (L. Lalanne, Travaux scientifiques, p. 25 ds Littré Suppl.); 1927 discriminer (Du Bos, loc. cit.). Empr. au lat. class.discriminans part. prés., discriminare « séparer, diviser, distinguer », cf. l’angl. discriminant terme de math. dep. 1852 (NED) et to discriminate dep. 1628. Fréq. abs. littér. : 11.
DÉR. 1.
Discriminateur, trice, adj. et subst. masc.a) Adj. Qui établit des distinctions ou est capable de le faire. Synon. discriminatif.Notre pouvoir critique et discriminateur (cf. aiguiser, ex. 23).Réflexions discriminatrices (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 121).b) Subst. masc., cybernétique. Organe de calculateur qui peut comparer à tout moment une variable à sa valeur de référence, de manière à faire apparaître les écarts. Synon. comparateur.Le discriminateur peut aussi déterminer si un nombre est positif ou négatif (Berkeley, Cerveaux géants,1957, p. 159).− 1reattest. 1933 (Malègue, Augustin, t. 1, p. 208); de discriminer d’apr. le rad. du supin lat. discriminatum, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. Discriminateur : 1. Discriminatrice : 2.
2.
Discriminatif, ive, adj.Synon. de discriminateur (supra a).Pouvoir discriminatif des sens, capacité discriminative. Le seuil discriminatif tonal s’abaisse quand augmente la sonorité (Piéron.Sensation,1945, p. 190).− 1reattest. 1945 (Id., ibid.); de discriminer d’apr. le rad. du supin lat. discriminatum, suff. -if*; cf. angl. discriminative 1638 ds NED et Du Bos, Journal, 1923, p. 383 faisant allusion à l’angl. discriminative power.
BBG. − Dub. Dér. 1962, p. 56.
Discriminer veut dire en bon français tout simplement distinguer. Distinguer le vrai du faux est une discrimination. La langue, qui distingue le singulier et le passé, le présent et le futur est discriminante. Ce qui ne se distingue pas est identique ou semblable, ce sont des indiscernables pour reprendre le mot de Leibniz. Renoncer à discriminer, c’est renoncer à parler et à penser.
Les fanatiques de la lutte contre les discriminations n’obéissent même pas à une logique de l’égalité, mais à une logique de l’identité ou de l’indiscernable : pour eux, handicapé ou bien portant, blanc ou noir, homme ou femme c’est la même chose, ils sont identiques. Les physiciens nous apprennent que là où il n’y a plus de distinctions de forces, de potentiel, d’énergie, c’est l’entropie maximale, c’est-à-dire la mort. Le politiquement correct idéologise la langue pour en faire un outil de combat politique, à l’image de cette langue modifiée, outil de servitude dans 1984 de Georges Orwell.
Merci à Stéphane Blanchonnet de s’intéresser à ce sujet et surtout de montrer à quel point il est capital, puisqu’il ose envisager que « le rôle de cette tendance historique pourrait être de provoquer la fin de notre civilisation ». Trop souvent, en effet, les alertes auprès de « personnes responsables »rencontrent des réactions au mieux embarrassées. Car, oui, contester le bien-fondé de la non-discrimination est une opinion délictueuse depuis 1974, et, oui, cette contestation est de salut public et se soumettre à l’Interdit est une petite ou une grande trahison.
Rappelons d’abord quelle est la définition du « principe de non-discrimination ». Il s’agit de l’impératif, appuyé sur une loi pénale de plus en plus extensive et rigoureuse, et sans distinction du public et du privé, ni même du for intérieur, de ne pas faire de différence, c’est-à-dire d’être aveugle à toute distinction fondée sur l’origine des personnes et tout ce qui s’en approche, que ce soit la race, le nom, la classe, la religion, l’accent, la culture, etc..
Comment se justifie cette injonction de nature quasi-religieuse, en tout cas morale ? Essentiellement parce que de telles distinctions ne sont pas considérées comme volontaires, mais supposées reçues avec la naissance, l’éducation, la transmission sociale. Parce qu’elles sont collectives, et venues du passé, alors que l’avenir doit rompre avec le passé, selon le catéchisme progressiste.
Toutes les différences involontaires doivent alors disparaître au profit de la liberté
sacro-sainte de l’individu, dont la volonté est le produit d’une délibération rationnelle. Tel est le postulat de la modernité.
La conséquence de cette condamnation est qu’aucun comportement contraire ne peut
être toléré sans une sanction, mais aussi que la liberté de pensée et d’expression doit être sévèrement confisquée pour les déviants qui oseraient mettre en cause ce principe.
Mais aussi que toutes les motivations collectives, de nature sexuelle, par exemple, qui conduiraient à considérer comme asociales ou perverses des « préférences » personnelles doivent être éradiquées. Dès lors, pourrait naître cet homme nouveau imaginé au XVIII° siècle, qui n’aurait pas d’autre obstacle à son comportement que son libre-arbitre, et dont le Marquis de Sade représente un exemple emblématique. Ainsi, reprenant de manière blasphématoire la phrase de Saint Paul, il n’y aura plus ni maître ni esclave, ni homme ni femme, ni juif ni grec.
Dès lors, le rôle des disciples de Maurras ne serait-il pas d’approfondir la question,
afin de démonter ce mécanisme mortel ? Au lieu de couvrir la question d’une chape d’autocensure ? Ou pire encore, de joindre leur voix aux sycophantes de l’antiracisme, croyant ainsi écarter les foudres d’une censure impitoyable ?
Certes, cette démarche est difficile, mais elle doit être entreprise si nous ne voulons pas que nos idées se dessèchent au vent de l’histoire. Les nations ne meurent pas de mort naturelle. Elles se suicident.
Désolé de revenir sur Dostoïevski, mais nous assistons en direct à une séquence du roman prophétique des » Démons » où l’on voit les destructeurs- cadavres vivants- avec la complicité profonde des salons mondains (aujourd’hui les médias ) vouloir imposer leur vision où « Shakespeare n’est plus supérieur à une paire de bottes et Raphaël à un bidon de pétrole » , au nom de la non discrimination. Bref, la beauté est à bannir de notre monde, et nous avec, puisqu’ils veulent tuer à la racine notre capacité à aimer le beau et le vrai. Il s’agit bien de « désespérer Billancourt », mission accomplie . On peut ne pas réagir, hélas! Ou montrer que nous sommes encore vivants .
Il suit de cette loi de 1974 qu’il va leur falloir bientôt réécrire les Évangiles (comme ils ont réécrit Molière à destination des analphabètes), au prétexte, entre autres, que la parabole du bon grain et de l’ivraie constitue évidemment une provocation à la discrimination : «Ramassez d’abord l’ivraie et liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, recueillez-le dans mon grenier.» (Matthieu, XIII, 30.) Ce chapitre XIII de Matthieu fonde la DIFFÉRENCE qu’il y a fondamentalement lieu d’établir entre les choses et, surtout, entre les êtres : «Quand l’homme entend la parole du Royaume et ne comprend pas, c’est que le Malin vient et s’empare de ce qui a été semé dans son cœur.» (Matthieu, XIII, 18.) Voir, également, Marc, IV ; et Luc, VIII, 11 : «Ceux qui sont au bord du chemin, ce sont ceux qui entendent, puis vient le diable et il enlève la parole de leur cœur, de peur qu’ils ne croient et ne soient sauvés.» Cela nous dit que Stéphane Blanchonnet a terriblement raison lorsque, autour de cette question, il voit se profiler « la fin de notre civilisation»… Il dit «autodestruction», pour ne pas dire «œuvre diabolique» ; or, au fond, son mot est peut-être mieux compréhensible car, au fond, le «diable» n’existe effectivement que dans les cœurs qui ont échappé à Dieu et, dés lors, poursuivent l’«autodestruction»…
Le diable, c’est l’égoïsme humain : à son zénith, il se mire en toute chose et ne peut rien éclairer de son regard que “moi”, rien entendre d’autre ; et ce, parce qu’on ne discrimine pas autre que “moi” sous l’uniforme cérébral du pareil au même…
Restons simples. La discrimination ou différentiation se pratique partout, tous les jours, dans des concours, des recrutements, des courses, des « feuilles de match », des appels d’offres, des notes scolaires, des promotions, des décorations, des panthéonisations, et même des élections. A cette occasion des cas de discrimination peuvent se produire qui violent une disposition légale précise.
Il me semble que les mots tels que la discrimination, le racisme, le fascisme, l’extrémisme, etc. sont utilisés, par de vils agitateurs, au rebours de toute précision, dans un pur but d’échauffement des esprits.
En tant que techniques de manipulation, on peut associer ces exagérations aux euphémismes employés, eux, pour refroidir la machine à émotions.
L’air du temps ne semble plus très propice à cette distinction entre les mots et les choses. Certains soufflent cet air fétide, d’autres l’inhalent avec gourmandise.
Quand les institutions sont contaminées par ce virus, c’est, oui, insupportable. Dans une video d’anthologie, Mme Bechtel, ancienne directrice de l’E.N.A., range le Conseil Constitutionnel parmi les institutions ainsi abonnées aux « n’importe quoi ».
https://www.youtube.com/watch?v=VZpP_Dgv8v4&t=5s
Merci David;