Par Jacques Léger.
L’un de nos amis marseillais qui a bien voulu nous confier en exclusivité le fruit de ses recherches sur l’épopée de la duchesse de Berry, mère du duc de Bordeaux, futur Henri V, plus connu sous son titre de courtoisie de Comte de Chambord. Une suite en 12 épisodes, du 25 avril au 7 mai – sauf dimanches.
A bord du Carlo Alberto, chacun s’était affublé d’un nom de fantaisie, celui de notre héroïne était Rosa Itagliano). Après une escale à Nice (alors italienne), le navire atteignait le 30 avril 1832 le phare du Planier, au large de Marseille, et se maintenait entre cet ilot et le cap Couronne. Un second fanal est hissé au mât : c’est le signal attendu sur la côte.
Car à terre, depuis 3 jours, trois hommes et une barque de pêche de 7 mètres de long attendaient chaque nuit le signal, à l’abri des escarpements d’une petite crique. Parmi eux, un lieutenant des douanes du nom d’Espitalier récemment muté de la Joliette à Carry en raison de ses orientations légitimistes. Les deux autres étaient des pêcheurs : Antoine Veran et Genesi Fouque. Les noms des deux derniers ne sont connus que depuis 1988. Le confidentiel Bulletin des collectionneurs d’horlogerie ancienne a présenté deux montres gousset en or gravées d’une dédicace : « Donné par Son Altesse Royale Madame Duchesse de Berry à …». Sans doute offertes à ces deux pêcheurs par l’intermédiaire du comte de Mesnard. Une autre marque de reconnaissance subsiste à la basilique Notre-Dame de la Garde : un ex-voto constitué d’une boîte en verre contenant une paire de chaussures, celles qu’elle portait lors de son expédition.
L’opération de débarquement fut menée avec succès par les trois hommes, malgré de faibles moyens et un vent contraire. A force de rames, après une heure et demie d’efforts, ils accostent avec peine le Carlo Alberto. Aussitôt, 7 passagers, accoutrés en matelots napolitains, se jettent dans la barque qui, coïncidence, porte le nom de Caroline.
Au prix de nouveaux efforts, les rameurs parviennent à atterrir la barque au fond de l’anse rocheuse appelée « Le petit Paloutou », située au lieudit Baumaderie prés de la calanque de Sainte-Croix, commune de Sausset. Notons qu’à Sainte-Croix, se dresse toujours une chapelle, construite en 1666, lieu de pèlerinage puisqu’y auraient fait escale, selon la tradition, les Saintes Maries. Il est possible que nos trois marins aient voulu mettre la duchesse sous la protection des Saintes.
Le voyage de Marie-Caroline et de ses compagnons n’était pas achevé. Il leur fallait maintenant rejoindre M. de Bremond qui, déguisé en berger, les attendait dans une ferme isolée portant le nom de La Folie. La petite troupe, mouillée, transie, parcourut les 7 km au travers de rocailles, garrigues, pinèdes et marécages. Elle fut accueillie par la fermière, Appolonie Laurent et son mari, garde-chasse du duc de Seytres-Caumont, propriétaire de la plus grande partie de la commune de Carry.
C’est là que, vers une heure de l’après-midi le lendemain, deux émissaires du duc des Cars arrivèrent porteurs d’un billet, aussi court que terrible :
Tout est manqué. Il faut sortir de France.
Amédée des Cars, qui devait prendre Marseille, n’avait pas démérité. Il avait obtenu la promesse de mobilisation de 2 000 volontaires. Mais, au rendez-vous, sur la place de la Tourette, il s’en présenta 160. Dès 4 heures du matin, le drapeau blanc avait bien été hissé sur l’église Saint-Laurent, à 7 heures le tocsin avait bien sonné, les insurgés avaient bien acclamé Henri rue Caisserie puis sur la Canebière, mais personne ne les avait rejoints.
Les chefs sont arrêtés et désarmés. Le duc des Cars parvient à s’échapper.
Quant à Marie-Caroline, elle répond au billet du duc des Cars, qui l’invitait à sortir de France : Ce qu’il est urgent de faire, c’est de sortir d’ici. Pas question de sortir de France. Si la Provence a manqué, il reste la Vendée.
Un cabriolet est amené par Pascal Maurel, garde particulier de M. de Caumont. Les conjurés en fuite se rejoignent au château de M. de Bonrecueil, entre Lambesc et Pelissanne, à plus de 10 lieues de là. Ensemble, ils décident de poursuivre la lutte dans l’ouest de la France.
Marie-Caroline, cœur ardent et tête folle donna le signal du départ :
– Messieurs, en Vendée ! (À suivre, demain jeudi) ■
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