Par Aristide Renou.
(De sa page Facebook le 30 avril).
Je trouve, dans le Bloc-notes de Mauriac ce portrait merveilleusement caustique d’Edgar Faure, qui pourrait si bien convenir à Emmanuel Macron qu’il serait à peine besoin d’y changer une virgule; tant il est vrai que la cinquième République pourrissante finit par ressembler à la quatrième. Il ne manque plus à notre président qu’à se mettre à fumer la pipe…
« M. Edgar Faure est intelligent. Il est très intelligent, on le dit, on le répète, on s’émerveille – comme si c’était la chose du monde la plus étonnante, la moins attendue, que le président du Conseil ne soit pas bête.
Qui a jamais songé à monter en épingle l’intelligence de Poincaré ou de Clémenceau, celle de Caillaux ou de Briand ? Même Maurras, qui les traitait de tout, se fût bien gardé de les traiter d’imbéciles : ses lecteurs les plus fanatiques ne l’eussent pas cru.
La quatrième République a inventé la chose : que l’intelligence ne soit plus une vertu rigoureusement exigée de ceux qui dirigent la politique du pays – qu’elle le soit si peu qu’un président du conseil aussi fin que M. Edgar Faure cause une espèce de sensation.
C’est un fait qu’il n’est pas bête et que, même, il est malin. Trop malin. Les malins de sa force croient qu’il suffit de l’être pour se tirer d’affaire en toute occasion. Il a fait là-dessus quelques écoles et le pays avec lui. De ce finaud nous ne dirons certes pas ce que le coadjuteur écrivait de Mazarin : « qu’il avait beaucoup d’esprit mais point d’âme ». Nous dirons que l’âme s’est peu manifestée jusqu’à ce jour dans son comportement politique. » ■
On a seulement un peu trop dit à ce président qu’il était surdoué beau et intelligent si bien qu’en étant persuadé il se regarde et s’écoute . Un journaliste a dit qu’il avait le paradoxe du coquet capable de descendre de vélo pour se regarder pédaler..
Eh bien non, non et non ! Nul ne peut raisonnablement soutenir que le Maqueron serait «intelligent», sauf à n’avoir jamais cherché à entendre ce qu’il dit et comment il le dit. Je ne parviens pas à comprendre comment il a pu se faire que d’aucuns se fussent laissé emberlificoter par la ridicule propagande médiatique eu égard à cet individu dont, lorsque nous étions au lycée, nous nous serions moqué, au titre du fait qu’il bombait un torse chétif, gfonflant sa vanité au fait qu’il aurait réussi à se hisser à l’un des premiers rangs dans les classements des notes obtenues… Bref, la frimousse de «premier d’la classe» ne parvenait alors à conquérir l’estime de personne, je dis bien «la frimousse de», nullement le fait que l’un ou l’autre fût fort en thème… En effet, la frimousse ne suffit pas toujours à donner le change : une tête de premier d’la classe ne fait pas le fort en thème pour autant… Que le Maqueron fût allé à l’école ne devrait pas stupéfier le monde, tout de même – un peu ce que dit Mauriac, au fond, sauf que Mauriac parle de l’intelligence d’un Edgar Faure et de sa considérable roublardise… Ne pas confondre avec la mine de mouchard du gominé… Je prie quelqu’un de fournir un. seul raisonnement du Maqueron digne d’attention, une seule réflexion de celui-ci qui puisse avoir été un tant soit peu mémorable. Nul n’en trouvera, je tiens le pari.
Qu’il ait l’âge qu’il a n’en fait pas quelqu’un d’un âge spécialement spécial, à la fin ! Qu’il se lave les dents ne le rend pas mieux souriant que Ponce Pilate n’avait les mains reluisantes – cela me rappelle une formule de Léo Ferré, assez bien venue : «Ce n’est pas le rince-doigts qui fait les mains propres : ce n’est pas le baiser qui fait la tendresse.»
En 2017, on a pu voir ce Maqueron, un jour de mitinge, se prendre à glapir, à s’égosiller, l’œil écarquillé et la glotte brenlante… Je me suis alors dit que ce poulet ne pouvait assurément pas accéder à quoi que ce soit, tant il était grotesque ; j’éprouvais même un sentiment de pitié devant si peu de tenue humaine ; et j’attendais que les «commentateurs» soulignent ce que cela mettait à jour… On se rappelle que nul n’a levé un sourcil ; bien au contraire, tout soudain, la mode est arrivée de dire que le freluquet avait des allures de grand orateur ! De la même façon, il a suffit que Dieu sait qui relève qu’il avait joué aux billes dans la cour de récréation voisine de la salle où planchait Paul Ricœur pour suffire à métamorphoser un valet de pied en favorisé.
Il y a dans cette comédie quelque chose de dramatique que je ne parviens pas à cerner : un peu comme si les fidèles d’une paroisse réfléchissaient au fait que le diable pouvait ne pas avoir tout à fait tort et qu’il fallait considérer ses arguments… Seulement, on sait que le diable n’a jamais soumis aucun argument à la réflexion ; il a seulement dit « Faites ceci et vous serez comme des dieux.» L’expérience de la Chute montre que, pour avoir mangé du fruit de l’arbre de la Connaissance du Bien et du Mal, nul n’est «comme un dieu».
Tout cela pour dire que Maqueron n’a rien d’un intelligent. Ce qui ne se démontre pas nécessairement, mais s’observe assurément.
Pardon pour les termes brouillons d’ici : il est difficile d’opposer une réflexion à un tambour – «Tu raisonnes comme un tambour», me disait ma grand-mère, lorsque, vilain gamin, il m’arrivait de chercher à la prendre pour une imbécile)… Pardon pour ces termes brouillons : ils sont réactionnaires (réactionnels?). Ils veulent entrer en réaction et produire réaction – on ne peut pas rester les bras ballants, se laisser hypnotiser par un serpent sous prétexte qu’il ne cille pas des yeux. Alors je braille comme je peux.
Ce qui a dû le servir , c’est surtout d’avoir fait du théâtre avec prédisposition .
Il a quand même réussi L’ENA , travaillé chez Rothschild qui ne doit pas embaucher n’importe qui . Pour être un grand Chef d’ Etat , est ce suffisant ?
Mais enfin , l’on a eu la série Chirac , Sarkozy , Hollande . Et des électeurs pour les élire avec des médias pour encenser .
Eh oui, Richard !… Encore qu’il ait raté Normale-Sup… Et, certes, on n’embauche pas n’importe qui, mais justement ce genre de choses-là ; et cela nous renseigne exactement sur le fait que ces résidus de la scolarité débilitée n’ont été formés que pour exécuter des ordres auxquels ils ne cherchent pas à comprendre grand-chose, sachant seulement que l’exécution leur permet de rester sensiblement là où ils sont parvenus à hisser leur malpropre postérieur. Et cela, fondé sur l’érection du peuple en marchepied électoral – ce pourrait être une définition du suffrage universel –, auquel cas, les journaleux sont les techniciens de surface chargés d’entretenir le mobilier, employés des multinationales de nettoyage politico-industriel … et «médicinal», a-t-on pu observer ces temps derniers, non sans sidération – rappelons-nous le terme forgé par Alfred Jarry : merdecin, de stricte opportunité. Cela me fait revenir à cette idée d’intelligence, parce qu’il nous a été donné un contre-exemple du Maqueron en la personne de Didier Raoult : celui-là fait fonctionner l’intelligence, rien de plus, certes, mais rien de moins. Chesterton aurait parlé de «sens commun», tout simplement. Seulement, Raoult ne manie pas le paradoxe avec virtuosité, il expose simplement la virtuosité des paradoxes sociologiques grâce auxquels on réussit à prendre les étourneaux dans les filets. C’est d’ailleurs plus affreux que la plus ignoblement viandarde des chasses courues par les congés payés.
Du moins, le Maqueron apporte-t-il la preuve irréfutable du fait que le suffrage universel est d’essence satanique, et ce, parce qu’il sourit ! Il sourit béatement à la proclamation des résultats chimiquement purs !
Edgar Faure était malin, intelligent – d’ailleurs, auteur de romans policiers bien ficelés –, premier fossoyeur de l’éducation en France, dans laquelle il introduisit la notion morbide de «participation», immédiatement après mai-68 et, par là, rassembleur des résidus permettant le façonnage des golems en veston réversible de la collection Cohn-Bendit-Maqueron.
Et si on revenait à un peu de simplicité, de droite raison, de mesure, de limite rationnelle, de sagesse maurrassienne ? La virtuosité langagière, le jeu de mots, le procédé, l’exagération, la surenchère me semblent quelque peu lassants. Surtout lorsque tout cela débouche sur des folies assez insolites pour des cerveaux maurrassiens. Faut-il rappeler que pour forger une politique digne de ce nom, Maurras fait davantage appel à Comte qu’au Grand Exorciste ? Un dose de retour au réel ajoutée à une once de simplicité me conviendrait mieux. Affaire de goût.
Sauf erreur, aux derniers moments de son existence (et un peu avant, encore), Maurras fit finalement appel à quelqu’un d’autre qu’à Auguste Comte. Affaire de goût extrême, sans doute.
Qu’est-ce qu’une «politique digne de ce nom» ? Comment la «fonde»-t-on ? Celle de Jeanne d’Arc, privilégiant l’idée de «Lieu-tenant du Christ», serait-elle moins digne que celle de Richelieu ? Celui-ci, assurément, ajoutait «une dose de réel» et «une once de simplicité» à la complexité de la pourpre cardinalice que, pourtant, il revêtait – on se demande, au passage, pourquoi… Peut-être parce que la pourpre était susceptible de conférer au simple «réel» plus de réalité que la poudre à canon n’en donne par le discours du boulet qu’elle prononce…
La «droite raison», cela revient, au fond, à considérer l’animal machine de Descartes, complice contemporain de Richelieu ; tous deux ont anéanti – chacun selon le goût qu’il avait – les recours désespérés tentés, aux XVIe-XVIIe siècles, tant en Italie qu’en France, pour ne pas abandonner les données intellectuelles qui sont les seules à pouvoir authentiquement «forger une politique digne de ce nom», dans la mesure où, dans ce cas, ce sont les principes qui commandent aux gouvernants et non les fantaisies individuelles et autres systèmes mentaux. Il suffit d’observer l’Histoire («avec la baguette magique de l’analogie», précisait Novalis) pour repérer ce qu’a toujours eu de funeste l’introduction d’une «dose de retour au réel». Mais il doit paraître que Novalis et Joseph de Maistre ont des mines d’exorcistes, sans doute… M’est avis que c’est ce dont nous avons le plus grand besoin.
Il est vrai que Maurras aurait expéditivement estimé René Guénon «empétré dans ses manvantaras», tout comme il déclarait Claudel «traduit du Moyen-Haut-Allemand»… Ce n’était évidemment pas l’avis de Léon Daudet, bien loin de là ! Après la lecture d’“Orient et Occident”, il déclare être arrivé, par des voies différentes, à une conclusion analogue dans l’examen du stupide XIXe siècle, mais, ajoute-t-il, «mon ignorance de la philsophie orientale – que possède à fond M. Guénon – ne m’avait pas permis de dresser le redoutable parallèle qu’il nous expose». Pour qui cela intéresse, cela se trouve dans “L’Action française” du 15 juillet 1924 (j’ai pu retrouver la référence).
Cela pour dire que, tout grand génie qu’eût été Charles Maurras, son œuvre admirable ne peut suffire à fonder une politique ; ni, non plus, à révéler tout à fait «réaliste», la preuve en étant fournie par l’incapacité de Maurras à donner l’élan «politique» nécessaire au passage à l’acte… Je ne me permets évidemment pas ici de juger cela – Dieu m’en garde –, je le rappelle, seulement. Je ne dis pas non plus qu’il a pu «manqué» quelque chose à l’AF, cependant, les temps ayant été ce qu’ils ont été, dans toute l’horreur de leur réalité et de leur simplicité, Maurras n’a pas suffi. Il y a donc nécessité de trouver «des voies différentes» en politique, tant dans l’action que dans la réflexion. Vieux crouton que je suis désormais, je ne donne aucun conseil aux jeunes Camelots d’aujourd’hui – j’aime les avoir vus, il y a quelques jours, saluer le cercueil d’un de leur prédécesseur sur les marches de Saint-Roch, cannes levées –, mais je dis qu’il convient à ceux qui réfléchissent de mieux orienter la réflexion et de la soumettre à plus rigoureux que (par exemple) le seul empirisme organisateur et, pour s’élever un tant soit peu, de recourir à «la baguette magique de l’analogie» plutôt que de se contenter de la «simple» analyse socio-psychique.