Par Marc VERGIER.
Le hasard (mais est-ce vraiment lui ?) dépose dans ma boîte à e-lettres cet extrait du livre d’Amy S. Greenberg A Wicked War: Polk, Clay, Lincoln, and the 1846 U.S. Invasion of Mexico, Vintage Books, Copyright 2012 by Amy Greenberg.
Cet extrait est précédé d’une courte présentation par le site britannique « Arts & Letters Daily »
Je traduis l’ensemble rapidement, non comme contribution aux précieux éphémérides mais plutôt comme un rapprochement intéressant.
« Zachary Taylor (1784 – 1850) fut l’un des héros de la guerre entre le Mexique et les États-Unis et devint peu après le douzième Président des U.S.A (1849 – 1850).
Il fut néanmoins contrarié par l’ordre reçu du Président Démocrate James Polk d’aller au Texas pour préparer à la possibilité de cette guerre. D’abord, en tant que membre de l’opposition Whig [plus favorable au développement industriel national qu’aux propriétaires terriens et moins expansionniste que les Démocrates – NdT] ; ensuite parce qu’il croyait que les U.S.A. provoquaient délibérément cette guerre en revendiquant comme frontière le Rio Grande plutôt que la Sabine, rivière située plus au nord :
[ici commence l’extrait proprement dit du livre d’Amy Greenberg]
Les sentiments de Taylor furent probablement partagés quand, en 1845, il reçut l’ordre de Polk de quitter la Louisiane pour se rendre au Texas. Taylor favorisait le parti Whig contre les Démocrates. Aucun des deux partis ne prônait une armée nombreuse en temps de paix, mais les Whigs avaient à plusieurs reprises réclamé des crédits supplémentaires pour l’armée et défendaient constamment l’académie militaire de West Point.
Le Parti Démocrate, lui, redoutait l’accumulation de pouvoir associée à une armée permanente et croyait encore les milices des États capables d’assurer la défense de la nation. Il se défiait des militaires professionnels et suggérait que West-Point pouvait bien être supprimée. Les officiers de l’armée, de leur côté, se méfiaient les projets d’expansion territoriale des Démocrates.
Moins de quatre ans avant, les U.S.A avaient renoncé à leur guerre d’usure (« attrition ») contre les indiens Séminoles de Floride. Sept années de cette guerre, menée dans la chaleur torride des marais des Everglades, avaient échoué à chasser les Séminoles de leur patrie. Cette guerre était vivement critiquée par les officiers autant que par leurs hommes de troupe, certains d’entre eux prenant le parti des Séminoles et en venant à détester les colons blancs de la région.
De nombreux officiers de West Point démissionnèrent à leur retour de la guerre contre les Séminoles. Taylor, comme la plupart des autres Whigs, cultivait de sérieux doutes quant à l’annexion du Texas. Selon l’un de ses officiers, Taylor, en privé, la qualifiait de ‘politiquement mal avisée et perverse en réalité’.
Taylor, nonobstant, obéit aux ordres et fit avancer ses troupes jusqu’à la limite du territoire contesté. Peu après son installation le long des rives de la Sabine, il reçut de l’État-Major une carte du Texas modifiée. La frontière y était marquée au Rio Grande au lieu de la Sabine. Dans son journal le Lieutenant-Colonel Ethan Allen Hitchcock (1798 – 1870), originaire du Vermont [Vergennes- NdT], s’étonne de ‘l’arrogance éhontée et de la présomption prépotente’ tant de la carte que de ses commanditaires. Hitchcock, très proche ami de Taylor depuis vingt-cinq ans, était le petit-fils du héros de la révolution américaine Ethan Allen et avait servi à West Point, à la fois comme chef des élèves-officiers et professeur-assistant de tactique. Il allait sur ses quarante-huit ans et, né à la fin du dix-huitième siècle, il en avait vécu et vu de toutes les couleurs. Il était pour autant écœuré par les sous-entendus de cette carte et la mission qu’elle impliquait pour les troupes. Il écrit dans son journal : ‘Voir tant de perversité dans le monde, qu’elle soit punie ou non, a de quoi faire de nous tous des athées’. » ■
À lire aussi dans JSF l’éditorial du 10 janvier de Louis-Joseph DELANGLADE
Les Etats-Unis à la manœuvre
Erratum : l’origine de cet extrait est DelanceyPlace.com. Ce site Pennsylvanien, non lucratif, propose ainsi chaque jour, à l’aide d’extraits, de découvrir des livres intéressants , principalement historiques.
L’histoire-intégrale- des E.U gagnerait à être connue ; ce texte est étonnant .
L’invasion du Mexique me parait être l’un des rares exemples chimiquement pur de « guerre injuste ». Qui daignera se pencher sur cette tragique histoire y verra une manipulation opérée par les USA pour entamer la guerre contre le Mexique (aidés, il est vrai, par la médiocrité des dirigeants mexicains), une disproportion des effectifs, l’invasion d’un pays plus faible et pour finir, l’amputation d’une bonne moitié du territoire mexicain au profit des Etats-Unis. Le tout pour s’étendre jusqu’aux rives du Pacifique et, accessoirement, d’étendre l’esclavage.