PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Figaro du 28 mai. Mathieu Bock-Côté y évoque l’absurde projet de remplacement de la Fête des mères par une méchante et sotte « fête des gens qu’on aime » ! Mathieu Bock-Côté a raison de porter le fer contre ce genre de folies d’apparence mièvre et de réalité destructrice. L’aspect d’une cinglerie supplémentaire, en réalité cette volonté déconstructiviste farouche et déterminée de type révolutionnaire que la France a déjà connue. On se souvient que sous la Terreur, Marseille s’est appelée « Ville sans nom ». Pour la punir d’être royaliste. Elle est assez vite et pour toujours, redevenue Marseille. L’amour porté aux mères depuis des temps immémoriaux ne devrait pas être facile du tout à éradiquer…
CHRONIQUE – Dans un nombre croissant d’écoles, la Fête des mères est remplacée par une étrangement nommée « fête des gens qu’on aime ».
« Quand la figure de la mère est effacée, quand l’idée même de la femme est déconstruite, c’est bien le signe que la révolution culturelle écrase tout sur son passage ».
La presse nous apprenait cette semaine que, dans un nombre croissant d’écoles françaises, la Fête des mères est remplacée par une étrangement nommée «fête des gens qu’on aime». La raison donnée est souvent la même: la Fête des mères serait discriminatoire à l’endroit des enfants issus de familles monoparentales ou homoparentales, ou, plus encore, pour ceux qui seraient victimes de maltraitance parentale. Pourquoi dès lors enfermer l’amour dans une figure exclusive à laquelle tous n’auraient pas accès ?
Derrière ce pragmatisme sentimental revendiqué, se dévoile un tout autre mouvement, que nous avons pris l’habitude d’associer à la déconstruction. Il s’agit, au nom de la diversité, d’effacer tous les symboles culturels ou anthropologiques clairement marqués, pour les remplacer par des termes plus généraux, souvent flottants, et même insaisissables, jugés plus «inclusifs» et moins contraignants. C’est dans cet esprit qu’en 2019, en France, certains ont voulu, sans y parvenir cette fois, substituer à la référence au père et à la mère la référence aux parents 1 et 2. La modernité avancée culmine à la fois dans le mythe de l’indifférenciation des sexes et de l’interchangeabilité des fonctions.
En fait, il ne s’agit plus seulement de s’en prendre à la mère, mais à la figure même de la femme. On le voit notamment avec la radicalisation de l’idéologie trans, qui vide le référent femme de toute dimension corporelle objective, pour permettre à tous ceux qui se «ressentent femme» de s’identifier légalement ainsi. C’est ce qu’on appelle l’autodétermination de genre. La novlangue diversitaire s’y met: on n’utilise plus le terme «femme», mais celui de «personne avec un utérus», ou encore, de «corps qui accouche». Dans certains hôpitaux britanniques, on ne parle plus du vagin mais du «trou d’en avant» (sic) et les maternités sont renommées services périnataux. La femme est «décorporée», transformée en idée spectrale, pour que tous ceux qui le souhaitent puissent se l’approprier.
Je ne peux m’empêcher de noter qu’il y a quelque malveillance à associer la sublime figure de la mère à un symbole d’exclusion. Cela dit, ce mouvement d’indifférenciation dépasse largement la seule question de l’identité sexuelle. On se souvient ainsi que la Commission européenne, il y a quelques mois à peine, avait proposé d’en finir avec la référence à Noël, jugée discriminatoire pour les populations non chrétiennes s’installant en Europe. Peut-être est-ce aussi pour cela qu’une partie de la classe politique sacrifie aisément la référence à la France pour se vouer exclusivement à la République, comme si la première était trop charnelle, à la différence de la seconde, qui serait déchargée d’un substrat identitaire trop particulier ?
Le régime diversitaire aseptise la culture, il la désymbolise, comme s’il était pris d’une ivresse nihiliste. Rien ne doit lui résister. Il repose en quelque sorte sur une anthropologie de l’indifférencié, et, finalement, sur une forme de culte du néant, comme si l’homme, arrivé au terme de la déconstruction, pouvait retrouver sa liberté originelle, antérieure à toute formation culturelle, antérieure à toute incarnation aussi, comme s’il pouvait ainsi renaître en se donnant le rôle de démiurge, pour recommencer le monde à zéro, en lui prêtant la signification qu’il souhaite, sans être orienté par un héritage dont il se sera enfin débarrassé.
L’être humain a toutefois besoin de vivre dans un monde structuré, et la déconstruction, qui arrive à son terme, exige une reconstruction inversée de l’ordre social et symbolique. Le point d’aboutissement de cette logique est déjà connu: on trouve aujourd’hui des femmes de naissance, s’identifiant désormais comme homme, sans avoir subi d’opération de changement de sexe et qui prétendent accoucher. En 2022, dans le monde occidental, il est désormais considéré comme possible qu’un homme soit «enceint» et qu’il accouche. Il serait même urgent de combler le «vide juridique» entourant leur statut. Plus encore, ceux qui contesteront cette possibilité seront comme il se doit suspectés de transphobie.
On comprend ainsi la nature de ce vaste mouvement qui va de l’abolition de la Fête des mères à la reconnaissance de la possibilité pour un homme d’accoucher. L’abolition du monde symbolique qui était traditionnellement le nôtre conduit moins à l’extinction du sens qu’à son renversement. La marge devient la norme, et la norme la marge. On devine la réaction de certains: cet effacement de la Fête des mères est bête, mais ne faudrait-il pas se garder de surinterpréter sa signification? Cette prudence est une forme sophistiquée d’aveuglement. Quand la figure de la mère est effacée, quand l’idée même de la femme est déconstruite, c’est bien le signe que la révolution culturelle écrase tout sur son passage. Encore faut-il savoir la nommer pour y résister. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Sélection photos © JSF
Les sociétés occidentales sont profondément, intellectuellement et idéologiquement malades et l’on comprend que dans certaines parties du monde on nous regarde comme des sociétés décadentes et pitoyables qui de plus prétendent donner des leçons morales au monde entier. On ne se lasse pas de ces ONG qui dans les camps de réfugiés syriens donnent des cours de parité ou en Afrique chantent les louanges de la théorie du genre (Cf l’article de Bernard Lugan d’il y a quelques jours). Ces délires idéologiques partent du principe que toute distinction est une discrimination potentielle, au sens politiquement correct du mot. Dans un autre domaine, mais finalement très proche, l’historien anglais Ward-Perkins, auteur d’un bel ouvrage sur la chute de l’empire romain, nous apprend qu’aux USA, certains historiens s’interdisent de parler de civilisation à propos de la Rome antique, parce que l’usage de ce terme pourrait laisser supposer que certains peuples seraient moins civilisés. Ils ne parlent plus que de culture romaine, étant entendu qu’elle ne vaut pas plus que celle des Bambaras ou celle des Nambikwara des plateaux du Mato Grosso. L’idéal de ces idéologues est l’indistinction, l’indifférencié, le règne de l’identité de tout avec tout, ce que les Grecs de l’antiquité appelaient le chaos, ou ce que les scientifiques appellent entropie maximum, ce qui dans un organisme signifie la mort.
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Une fois de plus ces inepties se passent dans les écoles. Cela n’a rien d’étonnant quand on constate que celles-ci sont devenues des fabriques à crétins (cf Jean-Paul Brighelli)
Il faut aussi être conscient que dans le pays réel personne ne connaît ces théories fumeuses et que, souhaiter bonne fête à sa Maman fait partie des priorités de nos chères têtes blondes.