Par Hilaire de Crémiers.
Et pourtant elle est nécessaire ! Et si elle n’est pas faite, la France y restera.
Les Français qui ont encore le sens de la France – et ils sont plus nombreux que ne le laissent croire les sondages d’opinions – savent fort bien ce qui conviendrait à la France pour assurer son redressement. Ils le comprennent d’autant mieux que ce sont eux qui, un peu partout, font marcher la maison « France », du haut en bas de l’appareil social – et, peut-être, n’en ont-ils pas assez conscience ? –, malgré les ordres absurdes du pouvoir politique et malgré les idées funestes des idéologues qui encadrent de leurs sommations ineptes la vie politique française.
Il est encore des Français conscients, des familles françaises où les traditions et le bon esprit se transmettent ; ce qui fait que la France survit malgré tout, ce qui fait aussi rager tous les partisans de la « déconstruction » familiale et nationale, de la macronie à la mélenchonie. Il ne faut pas, d’ailleurs, s’imaginer que le mal de la déconstruction, du « wokisme » et de « l’indigénisme » nous viendrait purement et simplement des États-Unis d’Amérique. Chez nous, malheureusement, le vice révolutionnaire de destruction continue est fort ancien et s’est constamment renouvelé dans une accumulation écrasante de théories et de théoriciens, et tout autant dans une succession ininterrompue d’activistes et de politiciens.
La République contre la France
Il est vrai qu’aujourd’hui plus encore qu’hier la France historique, réelle, libre, intelligente, spirituelle, réactive et qui se remettait toujours vaille que vaille des attaques qu’elle subissait, voit se déployer contre elle l’ensemble aussi puissant que malveillant des forces qui tentent, en ces temps troublés et par tous les moyens, de pervertir, au-delà même des pays, l’humanité en tant que telle dans une vaste et systématique entreprise de dénaturation des âmes et des corps jusqu’en leur essence, avec la complicité active des autorités en place. En France, c’est même plus qu’une simple connivence ! Elles sont là, – on peut même dire qu’elles ont été disposées à cet effet –, pour faire avancer ce qui est « leur projet », sous couvert de programme politique à réaliser. C’est un aspect de la machinerie républicaine qu’il est maintenant possible de bien saisir, même si ceux qui détiennent les pouvoirs politiques, médiatiques et administratifs crient au complotisme. C’est facile ! Mais le complot est tellement à ciel ouvert que ce n’est même plus un complot : c’est bien la destruction et la dissolution de la France, des familles françaises, de tout ce qui les constitue, qui est programmé, voulu, acté. C’est ce qu’opère sous nos yeux la République française, celle qui tient l’État et se l’approprie au point de s’y assimiler, en se targuant de ses principes, de sa tâche historique, de sa raison d’être. Au moins, les choses sont claires : la République, ce qu’on appelle la République, œuvre contre la France. Reste à en prendre acte.
L’heure est donc grave. Les gens sérieux s’inquiètent. Il serait grand temps d’agir. Chacun y pense. Oui, mais que faire ? Comme il a été déjà écrit dans ces colonnes, apparemment rien ne sert à rien. Aucun moyen efficace n’est à la disposition des Français de bonne volonté. Ceux qui se sont emparés de l’État – et qui s’en sont réemparés – détiennent la réalité de tous les pouvoirs. Ce n’est pas une nouveauté en Ve République : à chaque fois c’est le même schéma. Depuis le début. Et sous les républiques précédentes pareillement. Les batailles pour des succès électoraux – ou ce qui se présente comme tel –, tournent toujours à la déception, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas les mener. C’est une illusion bien française de croire qu’il suffit de prendre le système de l’intérieur en jouant le jeu, pour le retourner en sa faveur et contre ceux qui l’ont façonné et utilisé comme machine de guerre politique et idéologique. Hélas, la machine de guerre marche toujours dans le même sens. Les ralliés du fameux ralliement à la République en ont fait l’expérience et avant eux les réactionnaires de Thermidor et du Directoire. La République élimine tout ce qui pourrait la contredire.
D’ailleurs et pour tout dire, les chambres, même celles qui en leur temps furent considérées comme les meilleures, type chambre « bleu horizon », n’ont jamais changé la donne fondamentalement. Même sous la Restauration, même en 1848, même en 1871.
Le funeste aujourd’hui ne dément pas le triste hier. Le système – et qu’on a bien raison d’appeler système, car il régente toute la mécanique politique, qu’on le veuille ou non –, le système donc fonctionne à sens unique. Et ceux qui savent le faire fonctionner, sont sûrs de leur affaire : maintenant les Macron, les Ferrand, les Castaner, les Kohler et autres Séjourné et Attal. Ça ne change guère des prédécesseurs qui ont tous marché de la même manière. La seule différence est que la macronie s’impose dans une France qui n’a plus de défense. Macron joue sur sa droite et sur sa gauche successivement, à toute allure, sans la moindre gêne, dans l’assurance de gagner à tout coup, même minoritaire dans l’opinion, même détesté, même parfaitement découvert et compris dans ses stratagèmes : se servir de la mélenchonie pour abattre Le Pen ; se retourner contre la même mélenchonie pour attirer dans la macronie le peuple de droite, puis faire du seul Mélenchon son opposant attitré pour mieux faire passer son programme progressiste comme un truc de droite à la satisfaction des vieux conservateurs et des cathos mous qui votent pour lui, le négateur de toute vérité, de toute morale, de toute justice. Et de toute beauté française !
« Un président nouveau pour un peuple nouveau », a-t-il eu le culot d’annoncer. Vieilles ficelles, devrait-on dire, pour aller toujours dans la même voie du déclin et de la mort. La France n’existe plus dans son esprit, sauf comme tremplin électoral. Il ne pense qu’à profiter des événements dramatiques pour dissoudre davantage la France dans une Europe fumeuse qui n’existe que dans son esprit, quitte à prendre tous les risques, y compris sur le plan international dans des engagements qui ne correspondent pas aux intérêts français, et alors que l’influence française a reculé dans le monde entier, en Afrique singulièrement, en grande partie en raison de ses décisions et, plus encore, de ses comportements.
Ce qu’il faudrait
Alors ? Il est assez simple de savoir ce qu’il faudrait à la France pour la sortir de cette crise de confiance politique dans laquelle elle s’enlise et dont Macron ne la tirera pas. Le problème est que ces solutions sont impossibles non seulement à mettre en œuvre, mais même à présenter dans le cadre des institutions actuelles. Il n’est question que de réforme politique à entreprendre mais tout le monde comprend qu’il ne s’agira jamais que de trucs improvisés, référendums, commissions citoyennes, états dits généraux, Grenelle ou Ségur, qui n’apportent rien que des complications au système existant qu’il s’agit de faire perdurer.
Pour la vraie réforme attendue des Français de manière implicite, il faudrait des circonstances qui ne sont pas là. Et il est malheureusement à craindre que, lorsqu’elles seront réunies – vraisemblablement dans l’épreuve qui s’annonce, politique, sociale, économique, financière, morale, policière, sécuritaire, et peut-être même militaire, intérieure et extérieure –, les préoccupations de l’instant soient telles que seront écartées les solutions salutaires qui paraîtront effrayantes dans leur évidence même et que les cliques qui tiennent le pouvoir s’empresseront de rejeter, comme elles l’ont toujours fait depuis près de deux siècles au moindre signe de renouveau français. Tout sauf « ça » qui serait pourtant le salut. Ah ! C’est un mystère que le refus du salut. Et un plus grand encore que son acceptation.
Un chef de l’État qui ne soit pas le chef d’un petit clan vainqueur contre d’autres clans et dont la légitimité n’est liée qu’à la France et à la France seule. Il n’est pas là pour avoir un « projet » ; il se contente d’être le garant de la France et de la France seule, de son indépendance, de sa souveraineté, de sa gloire, de son passé et de son avenir, de son intérêt. Il n’est pas un aventurier de passage qui se croit une mission pour sa gloriole personnelle et en raison de ses idées plus ou moins saugrenues. La France se retrouve en lui sans idéologie. Le peuple français ne tourne plus indéfiniment dans sa cage d’écureuil en quête de l’homme providentiel qui ne vit que de catastrophes.
Une représentation qui représente, non pas des opinions politiques désuètes et qui deviennent de plus en plus grotesques, mais des territoires qui ont tant besoin d’être revivifiés, des Français qui travaillent, qui aiment, qui s’associent et qui savent ce dont ils ont besoin, ce que la République leur a toujours refusé, transformant la juste idée de décentralisation en machine partisane et centralisatrice, multipliant les complications administratives. Bref, non pas une Liberté théorique et une Égalité maladive qui aboutissent logiquement à la tyrannie et à la disqualification sociale. En revanche, des libertés qui visent à l’expression de la diversité et de l’harmonie. C’est possible, c’est un changement radical. Et tout s’ensuivrait : l’éducation, la santé, le travail, la sécurité, le social, tout ce qui, aujourd’hui, constitue le plus formidable échec qui se puisse concevoir et dont, pourtant, se glorifiait la République qui se croyait obligée de s’approprier toutes ces fonctions. Les lois seraient ainsi allégées pour être utiles aux citoyens, et non plus appesanties par des amas invraisemblables de machineries idéologiques.
Une justice qui soit une vraie justice, celle qui devrait être instituée pour rendre à chacun ce qui lui est dû ; et non pas une inconcevable cacophonie de décisions arbitraires selon des critères qui échappent aux citoyens. Bref, que les bons vivent en paix et que les méchants soient punis. L’inverse de ce qui se passe aujourd’hui.
C’est simple. Trop simple, dira-t-on ! C’est pourtant exactement ce qu’attendraient les Français pour être heureux si les consultations avaient un sens. C’est ce que pensent tous les honnêtes gens. Est-ce donc si difficile ? La vérité est, bien évidemment, que c’est impossible en République. Telle est la seule et vraie question. ■
« Il ne faut pas, d’ailleurs, s’imaginer que le mal de la déconstruction, du « wokisme » et de « l’indigénisme » nous viendrait purement et simplement des États-Unis d’Amérique. »
C’est juste. J’irais plus loin : il ne vient pas du tout des États-Unis d’Amérique. Mgr Robert Barron, évêque de Winona–Rochester, remarquait avec pertinence que ce courant a des sources françaises : Foucault, Sartre et Bourdieu.