Par Gabrielle Cluzel.
Ce pertinent et juste papier de Gabrielle Cluzel – que nous saluons volontiers – est paru le 13 juin dans Boulevard Voltaire.
Triomphalisme, hourras, et gros bras du côté de NUPES. Ils ont gagné, ils sont les plus forts, il sont les plus beaux. Peu importe que le succès relève plus d’une addition astucieuse de lignes comptables que d’un déferlement dans les urnes, le résultat est là. Au moins le prétendent-ils. Car, en réalité, comme le souligne le journaliste Olivier Truchot, « attention à l’effet loupe. La gauche rassemblée fait un score historiquement bas autour de 25/26 ».
Foin des rabat-joie, on ne parle plus que de l’affrontement entre NUPES et le parti du gouvernement. Il ne resterait donc en France que deux nuances de gauche, une gauche policée et une gauche excitée, dont la différence – ténue, ce n’est qu’une question d’outil et de temps – s’apparente à celle existant entre la déconstruction et la destruction. Mais sur l’identité, la sécurité, la culture, la transmission, la justice, l’enracinement… les divergences ne sont que de degré, pas de nature.
La droite se retrouve exsangue. LR est en chute libre. Le RN, qui, lui, a progressé, peut espérer enfin constituer un groupe, mais le nombre de ses députés sera bien dérisoire comparé à ceux de NUPES. Et pour Reconquête, la partie est semble-t-il terminée. Et pourtant, les sondages de ces mois derniers disaient tout le contraire… s’agit-il du même pays ?
– 84 % des Français affirment avoir confiance dans la police (CSA, juin 2022) ;
– 73 % des Français sont opposés au port de la burka (CSA, mai 2022) ;
– 61 % des Français sont favorables à une loi interdisant le port du voile dans l’espace public (CSA, avril 2022) ;
– 60 % des Français pensent qu’il y a trop d’étrangers (IPSOS, mars 2022) ;
– 60 % des Français estiment la situation sécuritaire « mauvaise » (IPSOS, février 2022) ;
– 61 % des Français estiment que l’islam est un danger pour la République (CEVIFOP, janvier 2022) ;
Et ne parlons pas des 47 % des sondés qui se déclarent favorables à la peine de mort…
Une nouvelle « Chambre introuvable », autant qu’improbable : comment une France majoritairement à droite peut-elle confier les clés du pouvoir législatif à une Chambre des députés (plus que) majoritairement à gauche ?
Mode de scrutin tordu à des fins partisanes, refus d’alliance à droite, cordon sanitaire tendu comme un piège par le magistère moral de gauche, les raisons de l’incongruité parlementaire sont multiples. En attendant, la participation n’a jamais été aussi faible et la démocratie française sombre gentiment dans une oligarchie de fait : gouvernée par une minorité, restreinte et élitaire. L’électorat privilégié d’Emmanuel Macron à côté de celui de NUPES, qui n’a jamais été moins « prolo ». Comme l’analyse le journaliste Renaud Pila, prenant l’exemple de la circonscription Neuilly-Puteaux-Courbevoie Sud, la « coalition mélenchoniste attire, contrairement aux idées reçues, des jeunes électeurs aux revenus élevés appartenant au “bloc bourgeois” ».
Les « déplorables », comme dirait Hillary Clinton, sont repoussés, démocratiquement, aux périphéries de l’Agora, comme géographiquement, aux périphéries des grandes métropoles.
Alors que le moindre achat de pot de fleurs ou de peinture pour le hall d’entrée, dans une copropriété, requiert un quorum, le vote de nos lois pourrait se faire en comité restreint ? Si Emmanuel Macron était un vrai démocrate, c’est au chantier du scrutin législatif qu’il s’attaquerait en premier au début de ce quinquennat. ■