Par Front Populaire, La Rédaction.
Article intéressant qui prête d’abord à sourire mais qui est surtout significatif de la prévalence des réalités sur l’idéologie en matière géostratégique comme dans les autres. – ici face aux conséquences de la crise ukrainienne. Il nous a paru utile de reprendre pour les lecteurs de JSF ce texte du 20 juin signé par la rédaction de Front Populaire.
ARTICLE. Sous la pression russe, le gouvernement allemand se voit contraint d’accorder un prêt d’une dizaine de milliards d’euros à Gazprom Germania, antenne allemande du géant russe des hydrocarbures, pour éviter la faillite de l’entreprise et sécuriser l’approvisionnement du gaz.
L’Allemagne n’a pas fini de payer son pacte faustien avec le gaz et son allégeance énergétique à la Russie. Dans un communiqué publié mardi, le gouvernement fédéral allemand a annoncé que sa banque publique de développement KfW allait accorder un prêt d’un montant situé entre 9 et 10 milliards d’euros à Gazprom Germania, afin d’éviter sa faillite. Une nécessité vitale pour la chancellerie, car cette aide financière permettra à l’Allemagne de conserver un contrôle sur « cette partie de l’infrastructure énergétique critique » et empêcher « la sécurité énergétique d’être mise en danger ».
S’agit-il pour autant d’accorder un crédit de 10 milliards à la Russie ? En réalité, pas vraiment. Depuis avril, le gouvernement fédéral a confié le contrôle de la filiale allemande de l’entreprise publique russe Gazprom à son Agence fédérale des réseaux. Ce qui lui a également permis de s’assurer la gestion de ses filiales, dont le négociant en gaz Wingas, qui approvisionne notamment les services publics municipaux et les entreprises industrielles, mais également la société de stockage de gaz Astora, plus grande exploitatrice d’installations de stockage de gaz en Allemagne.
En guise de réplique, la Russie de Vladimir Poutine a imposé de nombreuses sanctions à Gazprom Germania ainsi qu’à presque toutes ses filiales en mai. Il a également interdit aux entreprises russes de faire affaire avec son ancienne émanation allemande ainsi que ses filiales. Prise à la gorge par sa dépendance à la Russie, confrontée à l’augmentation des prix du gaz sur le marché, Gazprom Germania était au bord de la faillite et le réseau allemand en danger. L’argent prêté par le gouvernement allemand sera consacré à sécuriser la trésorerie de l’entreprise ainsi qu’à l’achat de gaz de remplacement.
Gazprom Germania à un disc-jockey et vendeur de voitures moscovite
Dans son communiqué, le gouvernement jure que l’argent prêté ne servira pas à l’achat de gaz russe. Juridiquement, il demeure tout de même quelques zones d’ombre. Euractiv rapporte les propos datant d’avril de Klaus Müller, chef de l’agence fédérale des réseaux et administrateur de Gazprom Germania : « Comme le gouvernement allemand n’a pas encore exproprié la filiale de Gazprom, elle continue d’être légalement détenue par un inconnu quelque part en Russie ». D’après le journal allemand Der Spiegel, le groupe aurait transféré le contrôle de Gazprom Germania à un disc-jockey et vendeur de voitures moscovite. Côté Allemand, on considère que ce transfert de propriété viole la loi allemande sur le commerce extérieur.
Pour éviter tout risque de soupçons de proximité avec le Kremlin, l’Allemagne a décidé de renommer Gazprom Germania en « Securing Energy for Europe GmbH ». En plus de ce prêt coûteux, l’Allemagne reste toujours sous la menace énergétique russe. Gazprom a annoncé ce mardi qu’il allait réduire de 40 % les livraisons maximales de gaz à l’Allemagne via le gazoduc « Nord Stream 1 » de la mer Baltique. Officiellement, en raison d’un problème technique qui nécessite des réparations. Officieusement, les autorités gouvernementales évoquent un chantage pour faire payer l’Allemagne en rouble. Aujourd’hui l’Allemagne rémunère la Russie via un compte spécialement créé par la banque d’État russe Gazprombank, où l’argent est converti en roubles.
Bien que l’Allemagne ait cherché à diversifier ses fournisseurs, il n’en reste pas moins dépendant du gaz russe à hauteur de 37 % – contre 55 % de ses importations avant la crise. Vladimir Poutine conserve un puissant levier de pression et il n’est pas sûr que 9 à 10 milliards d’euros suffisent à sécuriser l’Allemagne, si d’aventure la Russie venait à couper totalement le robinet de ses oléoducs. Pas sûr non plus qu’un changement de nom fasse oublier l’ancienne complaisance teutonne vis-à-vis de son fournisseur russe. ■
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