PAR RÉMI HUGUES.
Loin de se calmer, le conflit entre la Russie et l’Ukraine, qui se déroule sur plusieurs plans – militaire, bien sûr, mais aussi économique, médiatique, cybernétique – s’étend ailleurs qu’en Ukraine, plus à l’ouest sur le continent européen.
Pour la première fois, un territoire extérieur à la zone sud-est de l’Europe focalise toutes les attentions : c’est l’enclave de Kaliningrad, lieu associé au philosophe Emmanuel Kant, que l’Allemagne perdit en 1945.
À l’initiative de la Lituanie, État voisin de l’ancienne Königsberg, dans le cadre des sanctions de l’Union européenne (UE) visant la Russie, sont mises en place depuis juin 2022 des restrictions au trafic ferroviaire entre Moscou, Minsk – capitale de la Biélorussie – et l’enclave russe.
Son gouverneur, Anton Alikhanov, dénonce un « blocus ». Mardi 21 juin le secrétaire du Conseil de sécurité de Russie, Nikolaï Patrouchev, s’y est rendu et a assuré qu’il y aurait des « mesures appropriées » qui seront prises suite à cet agissement « hostile » de la Lituanie, qui doit s’attendre à « de sérieuses conséquences ».
Un isolement total de Kaliningrad n’est en réalité pas à craindre puisque ce territoire a un accès à la mer, mais un tel mode d’approvisionnement est plus lent que par la voie terrestre, et possible seulement en « saison chaude », les glaces obstruant la circulation des bateaux le reste du temps.
Une escalade entre la Russie et la Lituanie attiserait les craintes d’une guerre ouverte entre Vladimir Poutine et Joe Biden, en vertu de l’article 5 du traité de l’Atlantique-Nord, la Lituanie étant, contrairement à l’Ukraine, membre de l’alliance militaire occidentale.
Avec le recul, l’on peut voir dans l’affaire Sergueï Skripal un signe avant-coureur de cette nouvelle guerre Ouest-Est. Elle se déroula en mars 2018 sur le sol britannique : à Salisbury, un ancien du GRU (service de renseignements de l’État-Major russe) ayant été un agent double pour le Secret Intelligence Service (SIS) subit, ainsi que sa fille Ioulia, une tentative d’empoisonnement, ce qui provoqua l’ire de la Première Ministre Theresa May, qui en retour décida la suspension des relations bilatérales entre les deux pays.
Nul besoin d’être grand clerc pour deviner que la guerre qui en permanence fait rage entre les services d’espionnage s’est considérablement intensifiée depuis le déclenchement de l’offensive russe du 24 février dernier.
En avril a bruissé la rumeur que des soldats d’élite de la DGSE sont morts en Ukraine, l’hélicoptère dans lequel ils se trouvaient ayant été détruits par des frappes russes. Information révélée par le journaliste préféré des téléspectateurs de TV Libertés, Pierre Jovanovic, et camouflée tant par la « Grande muette » que par nos grands médias.
En revanche ces derniers n’ont pas manqué de nous signaler qu’un espion russe a été identifié et arrêté aux Pays-Bas, autre théâtre d’opérations donc de cette guerre opposant Occident et Russie, très éloigné du sol ukrainien…
Le jeudi 16 juin 2022 l’AVID (les services secrets néerlandais) a publié un communiqué indiquant que Sergey Vladimirovitch Cherkasov, un homme âgé de trente-six ans, a été repéré et intercepté à l’aéroport d’Amsterdam-Schipol quelques jours plus tôt, descendant d’un vol en provenance du Brésil, où il avait été expulsé par les Pays-Bas après une première tentative d’entrée infructueuse.
Feignant d’être de nationalité brésilienne, d’avoir une relation tendue avec ses parents, de détester le poisson, d’être surnommé « Gringo » à cause de sa ressemblance avec les Allemands, il travaillerait en fait pour le GRU, sa mission consistant à infiltrer en tant que stagiaire la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. Son nom d’emprunt était Viktor Muller Ferreira : sous cette fausse identité il devait effectuer un stage à la CPI, lui permettant d’avoir accès au bâtiment et à des informations sensibles de la Cour via les ordinateurs ou des sources-cibles, chose impossible actuellement pour un ressortissant russe.
Cette belle prise de la part du contre-espionnage batave – les arrestations d’un agent d’un tel « calibre » étant rares – vient souligner que la Cour de La Haye est l’un des enjeux de la guerre.
La Russie cherche à influer sur les procédures pénales de la Cour, qui a été chargée d’enquêter sur des crimes en Ukraine imputés à l’armée russe, mais aussi sur le conflit qui avait opposé la Russie et la Géorgie en 2008.
Nous voici comme revenus aux grandes heures des homériques affaires d’espionnage de la Guerre froide, de la mise à mort des époux Rosenberg à Farewell. À ceux que ces histoires passionnent nous ne saurions que conseiller la lecture du roman Le Retournement, publié durant l’année 1979 – quand l’Union Soviétique envahissait l’Afghanistan et l’Amérique déployait ses missiles nucléaires en Europe – et écrit par Vladimir Volkoff, fidèle du rassemblement royaliste des Baux. Sans doute le meilleur récit d’espionnage qui ait été écrit, en tout cas de la trempe de l’œuvre d’un John Le Carré. ■
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source
Au dernier paragraphe de cet intéressant article , ne s’agit il des époux Rosenberg exécutés sur chaise électrique plutôt qu’ assassinés ?
Moi aussi je pense aux ROSENBERG, agents SOVIETIQUES ayant fourni les renseignements sur la bombe » A », pour la petite histoire le procureur fut un certain KOHN, qui deviendra l’adjoint de Joe Mac Carthy et sa commission des activités anti américainees
Vous avez tous deux raison. Nous avons modifié notre texte. Merci. Cordialement. JSF