Par Aristide Renou.
La condamnation de Salah Abdeslam n’est pas satisfaisante.
Ceux qui me lisent régulièrement savent que je suis favorable à la peine de mort.
J’y suis favorable car elle me parait le seul châtiment proportionné à la gravité de certains crimes.
J’y suis favorable car il me semble que tous les arguments avancés contre la peine de mort (risque d’erreur judiciaire, absence de caractère dissuasif, etc.) sont, lorsqu’on les examine de près, sinon faibles du moins réfutables.
J’y suis favorable car je suis arrivé à la conclusion que le but essentiel de la justice pénale devrait être la rétribution et que la peine de mort est la clef de voute d’une justice rétributive.
J’y suis favorable car, au fond de la plupart des dysfonctionnements révoltants de notre justice, je trouve une même et unique cause : le refus de la rétribution, que l’on appellera de manière péjorative « la vengeance ». Par conséquent il est erroné de parler de dysfonctionnements lorsque, comme aujourd’hui, la plupart des délinquants échappent à la justice et que ceux qui ne lui échappent pas sont, presque toujours, condamnés à des peines bien inférieures à ce que prévoit la loi, et par surcroit libérés bien avant la fin théorique de la peine qui leur a été infligée : il s’agit du fonctionnement normal, voulu, d’un système pénal qui considère que sa fonction essentielle est de réhabiliter les criminels, et non pas de les châtier à la hauteur de leurs crimes. Pire, qui considère que demander un châtiment pour les méchants est l’expression de passions tristes et obscurantistes qui devraient être éradiquées.
Par conséquent, la condamnation de Salah Abdeslam à la « perpétuité incompressible » ne saurait me satisfaire. Cette peine ne me parait pas proportionnée à ses crimes.
Mais il y a plus. Car au fond de la peine censée se substituer à la peine de mort, à savoir la détention à perpétuité, on trouve encore et toujours cette même conception thérapeutique de la justice, qui empoisonne tout.
Il est désormais, me semble-t-il, bien connu que la perpétuité en France n’existe pas. Elle n’existe pas telle que le grand public la comprend et la demande, ou en tout cas la demandait au moment de l’abolition de la peine de mort.
En France, une peine de détention « perpétuelle » signifie simplement que le tribunal, au moment où il vous condamne, ne pose pas de limite temporelle à votre détention. Elle ne signifie pas que vous ne sortirez jamais de prison. Car la conception thérapeutique du châtiment, et le dogme de « l’individualisation des peines » qui en est la conséquence logique, exigent que tout condamné ait l’espoir de sortir un jour, et donc puisse demander à être libéré.
Par conséquent, en France, la durée maximale assurée en prison pour un condamné, c’est trente ans. Cela correspond à ce que le code pénal appelle une « période de sûreté illimitée », appellation aussi trompeuse que le terme de perpétuité, puisqu’au bout de trente ans de cette période de sûreté soi-disant illimitée le condamné pourra demander qu’il y soit mis fin, puis à bénéficier d’un aménagement de peine.
Dans trente ans (moins, en fait, si l’on prend en compte la durée de sa détention provisoire), Salah Abdeslam pourra donc entamer le processus qui, peut-être, conduira à sa libération. Je ne dis pas qu’il sortira un jour, je dis simplement que cette possibilité existe. Or cette simple possibilité est un déni de justice.
Car ce que l’opinion publique demande, lorsqu’elle réclame la perpétuité, c’est que certains ne puissent jamais sortir car ils ne méritent pas de jamais sortir. La perpétuité en tant que substitut à la peine de mort, la perpétuité réelle, repose sur l’idée de rétribution : sur l’idée que certains crimes sont tellement graves que ceux qui les ont commis ne méritent pas de revenir jamais au sein de la société, qu’ils méritent de souffrir jusqu’à la fin de leurs jours pour ce qu’ils ont fait.
Autrement dit, ce que l’opinion publique demande avec la perpétuité, ce n’est pas seulement que certains ne sortent jamais de prison, c’est que certains crimes soient flétris, désignés publiquement comme impardonnables. Cette demande est une demande morale, autant qu’une demande matérielle.
Cette demande n’est pas satisfaite avec l’actuel code pénal.
Mais ce n’est pas tout.
Ce que le grand public, dans sa naïveté, ignore, c’est que, d’une certaine manière, plus votre crime est grave, plus votre condamnation est lourde, et plus vos conditions de vie en prison sont agréables. Ce sont nos maisons d’arrêt, là où s’exécutent les courtes peines, qui sont surpeuplées et dans les couloirs desquelles courent parfois des rats. Dans les maisons centrales existe un numérus clausus de fait et chaque prisonnier a sa cellule. Les conditions de vie y sont bien meilleures, et d’ailleurs, signe qui ne trompe pas, les surveillants préfèrent largement travailler en maison centrale qu’en maison d’arrêt. Les détenus y sont en général paisibles, les relations peuvent devenir presque cordiales.
Pire vous êtes, mieux vous êtes traité. Voilà la réalité de notre système carcéral. Ce qui, en fait, est la définition même de l’injustice, car la justice demande que chacun soit traité selon ce qu’il mérite.
Salah Abdeslam, durant sa détention, aura la télévision, sur laquelle il pourra brancher une console de jeux. Il aura sans doute un accès contrôlé à internet, il pourra fréquenter une bibliothèque si cela l’intéresse. Durant la journée, il pourra sortir de sa cellule. Il fera du sport régulièrement. Il sera bien nourri, il pourra cantiner et cuisiner dans sa cellule. Il bénéficiera sans doute à un moment ou l’autre, s’il le demande, de « parloirs familiaux » (en clair, il pourra baiser). Etc.
De telles conditions de détention sont sans doute la norme, mais elles ne sont pas normales, entendez : pas morales.
Certains estiment la détention à perpétuité excessive car elle ne laisserait pas « d’espoir » au condamné. Mais c’est à peu près comme de dire que la peine de mort est excessive car elle fait perdre la vie au condamné. Le but de la détention à perpétuité est précisément celui-là : faire du reste de la vie du condamné une condition lugubre et sans espoir. Car c’est ce que demande la particulière gravité du crime qu’il a commis.
Une détention perpétuelle qui satisferait les exigences de la rétribution (c’est-à-dire, à strictement parler, les exigences de la justice) devrait non seulement être réellement perpétuelle – jusqu’à la fin de la vie du condamné, sans aucune possibilité de sortie autre que la reconnaissance du fait que sa condamnation a été une erreur judiciaire – mais aussi morne et dépourvue de plaisir autant que possible : pas de possibilité de cantiner ou de cuisiner, visites réduites au minimum et sans jamais aucun contact physique, possibilité de travailler (d’un travail manuel et répétitif) mais pas de se distraire, pas de télévision ni d’internet, pas de salle de sport, etc.
Bien sûr, tout comme la peine de mort, cette peine perpétuelle devrait être réservée à ceux qui l’ont réellement mérité par leur perversité ou leur insensibilité meurtrière et pas infligée par défaut et sans discernement, comme l’est aujourd’hui trop souvent la fausse perpétuité (précisément parce que tout le monde sait qu’elle n’est pas une vraie perpétuité).
Pour toutes ces raisons, la condamnation de Salah Abdeslam à la « perpétuité incompressible » n’est pas satisfaisante, même si, malheureusement, elle est le mieux que nous pouvions espérer dans l’état actuel de notre système pénal. ■
Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur (30 juin).
Nous sommes ligotés par les institutions européennes. La Cour européenne des droits de l’homme dénonce la possibilité de l’emprisonnement à vie. Quant au rétablissement de la peine de mort, à laquelle je suis également favorable, n’en parlons même pas, on verrait les droitsdelhommistes se mettre à pleurnicher en coeur. Il serait possible de les mettre dans l’embarras en leur rappelant que deux des penseurs les plus républicains du siècle des lumières, Kant et Rousseau, étaient partisans de la peine de mort.
« La peine de mort infligée aux criminels peut être envisagée à peu près sous le même point de vue : c’est pour n’être pas la victime d’un assassin que l’on consent à mourir si on le devient. D’ailleurs tout malfaiteur attaquant le droit social devient par ses forfaits rebelle et traître à la patrie, il cesse d’en être membre en violant ses lois, et même il lui fait la guerre. Alors la conservation de l’État est incompatible avec la sienne, il faut qu’un des deux périsse, et quand on fait mourir le coupable, c’est moins comme citoyen que comme ennemi. Les procédures, le jugement, sont les preuves et la déclaration qu’il a rompu le traité social, et par conséquent qu’il n’est plus membre de l’État. Or comme il s’est reconnu tel, tout au moins par son séjour, il en doit être retranché par l’exil comme infracteur du pacte, ou par la mort comme ennemi public ; car un tel ennemi n’est pas une personne morale, c’est un homme et c’est alors que le droit de la guerre est de tuer le vaincu ». Jean-Jacques Rousseau. Du contrat social. Chapitre V. Du droit de vie et de mort.
Qu’en disent-ils, les droitsdelhommistes quand une de leurs références affirme la légitimité de la peine de mort ?
Il faut noter que les plus chauds adversaires de la peine de mort sont en même temps les plus chauds partisans du prétendu droit à l’avortement, c’est-à-dire à l’assassinat d’un être innocent. Ces féministes qui ont manifesté ce weekend en clamant que le « droit » à l’avortement était un droit fondamental ne paraissent pas réaliser que l’exercice d’un droit n’est légitime que s’il ne nuit pas à autrui. La liberté d’expression ne vous donne pas le droit de diffamer, la liberté de déplacement ne vous donne pas le droit d’entrer dans la propriété d’autrui sans son consentement. Or ce prétendu « droit » à l’avortement nuit à un être que l’on met à mort. L’appellation même d’IVG est fallacieuse, il ne s’agit pas d’interruption. Lorsque vous interrompez la diffusion d’un film, vous pouvez le reprendre etc. Lorsque vous « interrompez » une grossesse il n’est pas possible de la reprendre. Cette appellation a pour seul but de donner bonne conscience en euphorisant ce qui est un simple assassinat. L’argument selon lequel les femmes auraient un droit à la libre disposition de leur corps est spécieux. Si elles avortent, ce n’est pas de leur corps dont elles disposent mais du corps d’un autre, l’enfant qu’elles portent. De plus le droit français ne reconnaît pas ce prétendu droit à disposer de son corps. Ce dernier est dit en terme juridique indisponible, c’est-à-dire qu’on ne peut en vendre une partie, sang ou organe, qu’une convention par laquelle on se mettrait à la libre disposition d’autrui est nulle et non avenue. Raison pour laquelle la prostitution n’est pas légale. Etc etc. On pourrait multiplier à l’infini les arguments pour démonter ce sophisme du « droit » à l’avortement.
On peut prolonger ces argumentations exemplaires avec ce texte publié par Boulevard Voltaire sur « les incohérences du statut de l’embryon ».
https://www.bvoltaire.fr/les-incoherences-du-statut-de-lembryon/
Je suis bien sceptique sur ces questions. Indépendamment de toute question morale, sans quoi je me refuse à entrer, je pense que la peine de mort ne peut être exemplaire qu’à deux conditions :
– la fréquence : aux derniers temps de sa possibilité, la guillotine fonctionnait à peine et chaque exécution suscitait à la fois débats, indignations, polémiques. Finalement, on avait l’impresson que le condamné avait tiré le mauvais cheval et qu’il payait pour tous les autres qui, passant devant une Cour d’assises plus clémente avaient échappé au châtiment.
– la publicité : la retransmission en direct de chaque exécution serait un spectacle édifiant et très suivi : je ne doute pas que les chaînes de télévision se battraient à coups de millions pour retransmettre ces événements, fussent-ils diffusés de très bon matin.
Ces deux conditions non réunies, je ne vois pas très bien ce que ça changerait au cloaque où nous sommes plongés.
Voilà une excellente réflexion, à laquelle je ne puis que souscrire.
Je voulais dire « en euphémisant » et non en « euphorisant ». La vie est parfois difficile avec les correcteurs d’ordinateur
Je ne suis pas pour la peine de mort mais on ne va pas refaire le débat ici. En revanche un acte terroriste est un acte de guerre, donc réponse de guerre. Tribunal et militaire et la suite.
Plutôt que de les nourrir aux frais du contribuable pendant 50 années.
La perspective pour le condamné de l’imminence de sa mort l’obligera à revenir sur ses actes et le sens de sa vie et peut-être induira un véritable repentir, une demande de pardon et une réconciliation avec son créateur , voir à ce sujet le film magnifique « Dead man walking » (la dernière marche) de Tim Robbins.
L’enfermement » à perpétuité » n’aura pas les mêmes effets et enfermera aussi le coupable dans l’amertume, le ressentiment, la haine; sans compter que ses « camarades » seront tentés par une prise d’otages sanglante pour procéder à un échange, auquel aucune des « bonnes âmes » ne s’opposera, le scénario s’est déjà produit.
«Tu ne jugeras pas; C’est de la mesure que tu auras mesuré que tu seras mesuré […]», dit l’Évangile… À ce titre on ne peut qu’être contre la peine de mort. Non pour des raisons «morales», mais à un point de vue métaphysique. De son côté, Villiers de L’Isle-Adam y était opposé, au chef, notamment, qu’il pensait avoir reçu la démonstration que le condamné souffrait postérieurement à la décapitation (j’ai oublié le titre du conte qui l’illustre). Premier aperçu…
Pour le quidam Abdeslam, la peine prononcée est absurde au regard de la «proportionnalité»… En effet, il n’a pas tué ; du coup, il ne saurait encourir la peine «maximale» car, dans ce cas, à quoi condamner celui qui s’est rendu coupable des mêmes «intentions», de la même «complicité», etc. et, de surcroît, de la commission assassine ?
Un commentaire évoque ici la pertinence d’un tribunal militaire, ce qui suppose l’éventualité de fusillade, car la justice militaire peut ne pas être soumise aux lois civiles. Seulement, il ne peut y avoir de tribunal militaire qu’en cas de trahison (les auteurs doivent donc être français) ou en cas de «crimes de guerre»… Seulement, comment définir honnêtement ce qu’est un crime de guerre ? Les guerres modernes ne connaissant plus aucun honneur ne sont, finalement, que des dérogations légales au savoir-vivre. Je ne ferai pas la liste des actes emplis de bonté démocratique à Hiroshima et Nagazaki, aux assauts de générosité humaine à coups de napalm au Vietnam et aux merveilles de la paix européenne au Kosovo et ailleurs. Sans parler des sanctions économiques et autres commerces lucratifs d’armement qui ne seraient pas des actes belliqueux…
La justice moderne est tellement controuvée qu’elle n’a plus aucune légitimité et, moins qu’aucune autre, ne saurait savoir mesurer la proportionnalité de telle ou telle autre peine… Rappelons-nous les tribunaux expéditifs guillotinesques de 93, le génocide vendéen, n’oublions jamais que notre monde actuel descend directement de cela, mâtiné des lendemains qui chantent communistes, millionnaires en nombre de morts, que tout ce beau monde délicieux faisait assaut de procès, de «justice» et de peines proportionnées. TU NE JUGERAS POINT !!!!
Et l’on s’en va discuter entre la poire et le fromage de la mise à mort «légale» des uns et des autres… Non ! Nom de Nom, c’est non ! N’allons pas nous compromettre avec la salope Gueuse et discutailler ses arrêts divers et, d’ailleurs, avariés. Il ne nous reste que la loi du talion, que l’œil pour l’œil et la dent pour la dent, certainement pas «les deux yeux» et «toute la mâchoire» léninistes. Ne nous montrons pas plus républicain que la république et restons plus royaliste que le roi : Grâce ! Grâce ! Grâce !
Quant aux actes «terroristes», ce n’est pas à un vieux Chouan dans l’âme que l’on va expliquer lesquels seraient licites et lesquels ne le seraient pas.
Le «terrorisme» est-il plus odieux que la guerre ? Assurément, mais seulement au regard des guerres anciennes. Eu égard aux guerres modernes, le «terrorisme» n’est qu’une forme d’entre elles, plus ou moins odieuse selon celles auxquelles on en viendrait à comparer celle-ci ou celle-là.
Vive Dieu, la France et le Roi ! Et mort aux vaches, seulement (sauf les Limousines).
Ce serait un mauvais exemple d’application de la peine de mort : les aviateurs qui envoient des bombes sur les populations civiles (confer la seconde guerre mondiale) pourraient être considérés comme des terroristes d’ Etat .
La seule possibilité dans les attaques terroristes »amateurs » telles que l’on peut les voir actuellement , en temps de paix , est d’abattre dans le feu de l’action . Après c’est trop tard : qui a fait quoi et à quel niveau de responsabilité ? C’est trop l’embrouille comme on dit maintenant ; nonobstant le coût du procès .
Pour les « droits communs » , la peine de mort pour les cas les plus grave , est (serait) moins cruelle que l’enfermement à vie et économiserait les frais d’hostellerie et gardiennage .
Les exécutés peuvent toujours s’expliquer devant Saint Pierre si l’on veut y mêler la religion .
Oui sur ce qu’écrit David Gattégno.
Dans le monde contemporain, la guerre de terrorisme, après la guerre de guerilla est une guerre parmi d’autres. Envers ses ennemis, on les élimine, on les retourne, ou on traite avec eux.
L’échelle des peines relève de la Cité et ne vaut que pour les citoyens…