Par Front Populaire, La Rédaction.
Article intéressant, concis, lucide et vigoureux publié le 8 juillet dans Front Populaire. Sur l’importance du sujet et sur le cadre général où il se situe, voir, si nécessaire, notre introduction à l’article précédent dans JSF ce matin. Front Populaire nous conseille de ne pas bouder notre plaisir et, en même temps, de garder prudence et réserve. Il a raison.
ARTICLE. ’État entend nationaliser EDF, a déclaré le Premier ministre Élisabeth Borne. Un projet qui vise à rassurer les marchés et garantir la pérennité de l’entreprise, que l’État, répondant aux oukases de Bruxelles, a lui-même pourtant largement contribué à mettre dans le rouge.
Ne boudons pas notre plaisir : l’État qui souhaite nationaliser EDF, c’est une bonne nouvelle. Cela ne nous empêchera nullement de rappeler l’immense responsabilité de l’État dans la situation financière actuelle du groupe français, dont il est pour le moment actionnaire à hauteur d’environ 84 %. C’est ce mercredi 6 juillet, lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, que le Premier ministre Borne a fait cette annonce, expliquant que « cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener (…) des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique ».
Mais avant de parler de projets — qui sont, il est vrai, nombreux et ambitieux — il faut évoquer le présent. Et il n’est guère reluisant : EDF est lourdement endetté. Fin 2021, son endettement financier net atteignait 43,2 milliards d’euros, une somme importante et difficile à amortir. Et c’est l’État lui-même qui a contribué à creuser drastiquement ce gouffre en obligeant EDF à vendre davantage d’électricité à bas prix à ses concurrents en relevant de 100 à 120 TWh le plafond de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Le gouvernement estimait alors le coût de cette mesure entre 7,7 milliards et 8,4 milliards d’euros pour EDF. Tant et si bien que l’endettement dépassera le seuil des 50 milliards d’euros. Un cabinet d’analyse mandaté par le CSE central (CSEC) d’EDF l’évaluerait même à plus de 60 milliards d’euros. Vertigineux.
La direction d’EDF remplacée
Fin mai, l’agence de notation Standard & Poor’s a placé l’énergéticien en surveillance négative. L’entreprise craint une dégradation de sa note financière ces prochaines semaines, qui aggraverait la difficulté à se vendre auprès des investisseurs privés pour financer ses projets. Et ils sont pharaoniques. Alors que ses EPR (Hinkley Point au Royaume-Uni, Flamanville en France et Taishan en Chine) enchaînent les déboires et les surcoûts, EDF s’apprête à se lancer dans la construction en France de six nouveaux EPR, et peut être huit supplémentaires. Il faudra investir au minimum 50 milliards d’euros, sans compter la poursuite du grand carénage. EDF évaluait l’ensemble du projet à 49,4 milliards d’euros, tandis que la Cour des comptes, envisageait dans un rapport de 2016, un coût plus élevé qui avoisinerait les 100 milliards d’euros.
Cette nationalisation se fera sans Jean-Bernard Lévy. L’actuel patron d’EDF – qui avait vertement critiqué le rehaussement du plafond de l’Arenh – n’ira pas au bout de son mandat, . « Il y a une nouvelle page à écrire, début de quinquennat, nouvelles orientations, c’est bien d’avoir une nouvelle direction pour donner un nouvel élan à l’entreprise »,a expliqué ce jeudi 7 juillet sur Europe 1 le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. « Avec les organisations syndicales, avec la Commission européenne, il va falloir qu’on trouve tous un compromis sur la transformation de cette entreprise », a-t-il ensuite averti.
Un avertissement peu anodin tant il demeure une question particulièrement cruciale pour l’avenir de l’industrie : quid de l’Union européenne ? Le projet (initialement appelé) « Hercule » proposait la scission du groupe en trois entités : nucléaire, renouvelable et hydraulique. Mais un bras de fer opposait la France et Bruxelles sur la privatisation des concessions des barrages hydroélectriques, ce dont Bercy ne voulait pas. Mis de côté depuis avril 2021, le projet n’en reste pas moins dans les cartons. Quelle sera la position de la Commission sur cette nationalisation ? N’exigera-t-elle pas à nouveau une privatisation des concessions des barrages hydroélectriques en contrepartie ? C’est l’une des inquiétantes inconnues de ce dossier. ■
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