L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers. [Le Figaro du 17 juillet 2022].
Quant à attendre que l’État dans sa forme actuelle prenne – vite ou pas – le réel par les cornes, nous prenons ce souhait pour une figure de style évidemment irréaliste, elle aussi.
La douceur angevine n’est plus qu’un poème. Trois jeunes Français (dont deux venus d’au-delà des mers) sont morts, dans la chaleur d’une nuit d’été, sous les coups de couteau d’un réfugié soudanais. C’était à Angers, une des villes les plus sûres de France.
L’information, une fois encore, a rejoint la catégorie des faits divers. Fait divers, un médecin militaire tué à coups de couteau «au nom de Dieu» à Marseille au mois de mai alors qu’il accompagnait ses enfants à l’école ; fait divers, ce retraité tranquillement assis sur un muret poignardé à mort, en plein après-midi, le 10 juillet à Trappes ; fait divers, cette vacancière blessée à l’arme blanche sur une terrasse de café de Montpellier, le 11 juillet. Fait divers, ce jeune homme de 22 ans mort à Metz, poignardé par deux individus la nuit du 14 juillet ; fait divers, ce Tunisien mort vendredi à Amiens par la lame d’un de ses compatriotes… Fait divers, fait divers, fait divers! À chaque fois, les mêmes mots: rixes, antécédents psychiatriques… À chaque fois, le même embarras devant cette barbarie d’atmosphère.
«La France n’est pas un coupe-gorge», lançait Éric Dupond-Moretti en 2020. Le pénaliste aimait alors à rappeler la part sombre de l’humanité contre laquelle aucune société ne peut se prémunir. Certes, l’assassinat est vieux comme Caïn et Abel, mais un esprit honnête doit reconnaître que ces attaques au couteau (plus de 100 agressions par arme blanche par jour en France!) deviennent un véritable fait de société, voire de civilisation. Elles sont la conséquence extrême de démissions en chaîne: désarmement symbolique de l’autorité légitime, sentiment victimaire entretenu depuis l’école jusqu’aux représentations médiatiques, faiblesse judiciaire, immigration anarchique, séparatisme culturel. Les riverains épuisés par les tirs de mortier, les touristes détroussés au Trocadéro, les supporteurs britanniques agressés au Stade de France éprouvent, en mode mineur, cette menace diffuse.
À chaque fois, des grandes métropoles aux places de village, l’État abandonne les honnêtes gens à des délinquants livrés à leurs instincts. S’il ne prend pas vite le réel par les cornes, le retour du refoulé sera dévastateur. ■