PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cette chronique est parue dans Le Journal de Montréal de ce 23 juillet. Nous la reprenons comme bien d’autres depuis assez longtemps, de cette publication d’Outre-Atlantique où Mathieu Bock-Coté semble s’ébrouer avec une liberté et une simplicité de ton peut-être plus grandes qu’à Paris. Le sujet évoqué ici nous extrait au moins en apparence du souci politique au quotidien et c’est tant mieux. Ce denier n’est pas entamé mais au contraire vivifié, aéré, élargi par le souci d’ordre « existentiel » et au-delà ! Même si, hormis par la foi pour qui l’a, les questions posées demeurent in fine sans solution. Elles relèvent de la curiosité humaine, elle aussi une énigme. Bienfaisante à notre avis.
Les images obtenues grâce au télescope James Webb sont époustouflantes. Elles nous permettent de plonger vers les origines de l’univers, pour peu que cette formule veuille dire quelque chose, pour peu qu’on soit capable, mentalement, de nous la représenter.
Car si l’univers a un jour commencé, surgit immédiatement la question la plus angoissante qui soit : qu’y avait-il avant le moment originel, qu’y avait-il avant ce commencement ?
Science
On dira avec raison : vive la science ! Au fil des prochaines décennies, elle nous permettra d’approcher toujours plus ce point d’origine. Elle demeurera pourtant incapable de répondre à la question du « pourquoi ». Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Schématiquement, la question se formule ainsi : cet univers, le nôtre, a-t-il été « créé », « voulu », ou est-il le fruit d’un processus aléatoire qui aurait bien pu ne jamais advenir, et qui, en dernière instance, n’aurait aucun sens ?
Ces questions sont de nature à susciter un effrayant vertige.
Ce en quoi, contrairement à ce que croient certains, les progrès exceptionnels de la science ne viennent pas abolir les réflexions métaphysiques ou religieuses, mais les réanimer autrement.
Ces dernières reposent toutes sur le mystère de l’existence, auquel elles cherchent à donner un sens, non pas sur le mode de la seule fascination cosmique, mais à partir de cette énigme qui s’ajoute à celle des origines de l’univers : je parle évidemment de l’existence de la vie sur terre.
Oui, sur ce caillou a jailli un miracle : la vie, et plus encore, la vie humaine, qui se déploie depuis des millénaires, en faisant apparaître des civilisations qui se déploient, avant de disparaître, et que d’autres ne naissent et prennent le relais.
Que représente-t-elle ? Nous n’en savons rien.
Les uns diront : elle ne représente qu’une note de bas de page vaniteuse de l’histoire du cosmos.
Les autres diront : elle représente tout. L’homme, sur terre, poursuit une aventure exceptionnelle, toujours plus consciente d’elle-même. Peut-être sera-t-elle balayée un jour lointain. C’est même probable. Et pourtant, tant qu’elle est là, elle est tout ce que nous savons.
L’homme cherche à immortaliser son passage en ce monde. C’est ce qu’il fait en se reproduisant, en assurant la continuité des générations, en construisant des monuments qui ont pour fonction de lui survivre, de traverser les siècles, en créant des œuvres qui posent la question du sens de notre présence sur terre. Il veut laisser une trace.
Religion
Devant cela, je l’ai dit, la religion (d’autres préfèrent parler de spiritualité), pour peu qu’on ne s’en fasse pas une vision étriquée, autoritaire, étouffante, n’est pas une capitulation de l’intelligence, mais une forme d’enquête symbolique et métaphysique dont l’humain a besoin, qui ajoute à l’essentielle question du comment, appartenant à la science, la question du pourquoi.
La religion, ainsi pensée, révèle le refus de l’humanité de consentir à l’absurde, qui la pousserait à voir dans sa propre existence un fait divers biologique à l’échelle de l’histoire de l’univers, et consentant dans l’indifférence à son retour au néant une fois sa traversée terrestre terminée. ■
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
Sélection photos © JSF
Confer Pascal . C’est il encore au programme des collèges et à dose suffisante ?