Par Régis de Castelnau sur Front Populaire.
Cet article publié le 22 juillet dans Front Populaire mérite d’être connu et lu par les lecteurs de JSF. Il en émane cette forme de radicalité qui est la marque de la réflexion de Régis de Castelnau. Mais avec la précision et la cohérence qui révèle la logique de l’avocat qu’est Régis de Castelnau. Voyons ! La matière est grave ! Elle n’a pas à être enrobée de sucrerie, de gentillesses, de circonlocutions et de concessions. La lucidité assez féroce de Régis de Castelnau est un service rendu au Pays et à se habitants.
OPINION. Didier Lallement a quitté la préfecture de police de Paris ce jeudi et laisse sa charge à son remplaçant Laurent Nuñez. Il part avec « le sentiment du devoir accompli ». Un sentiment que ne partage pas du tout Régis de Castelnau.
Didier Lallement s’en va. Ce pourrait être une bonne nouvelle de voir que quitte la scène le symbole de la répression brutale des mouvements populaires, du refus d’affronter la délinquance des quartiers, et le responsable déshonoré de la catastrophe du Stade de France. Mais lorsque l’on voit qui est son successeur, un ancien secrétaire d’État à l’Intérieur, tout autant amateur de violences policières contre les couches populaires, on comprend que Macron garde sa méthode, celle de mettre des gardes chiourmes pour le protéger de la colère du peuple. Et, lorsque l’on voit les formes que Didier Lallement met à son départ, on est obligé de constater le goût du président pour les hommes de main sans principes, dévoués à sa personne et n’hésitant pas à piétiner les principes républicains.
On connaît mieux aujourd’hui le personnage dans ses caractéristiques de proche du Parti socialiste et de protégé du macroniste acharné Jean-Pierre Chevènement. Caractéristiques qui le rapprochent des Gustav Noske, Jules Moch, et autres Robert Lacoste, ses prédécesseurs en répression soi-disant de gauche et capables d’utiliser la pire des violences pour préserver l’ordre établi. Alain Juppé alors maire de Bordeaux s’était frotté à Lallement qui occupait le poste de préfet, pour le qualifier de nazi…
On sait ce qu’a été la stratégie de maintien de l’ordre de l’homme à la grande casquette, à base d’éborgnages, d’amputations, de violations grossières des libertés, et de rodomontades inacceptables. Se réjouissant par exemple, en mode « bien fait pour eux » des gens admis en réanimation lors du premier confinement.
Le compte Twitter de la préfecture de police nous apprend une grande nouvelle le 20 juillet : « Aujourd’hui, le préfet de Police Didier Lallement a fait don de sa casquette d’uniforme au musée de la préfecture de Police : un symbole à destination du #patrimoine. » Un symbole effectivement ! Ce couvre-chef qu’il portait de façon trop souvent grotesque, le symbolise dans le pire de ses aspects, celui du haut fonctionnaire avide de répression. Didier Lallement ne mesure même pas le ridicule absolu de ce « cadeau ».
Le briseur d’« insurrection »
Mais il y a pire. Il faut lire ce qui semble être son communiqué interne de prise de congé de ceux qui furent sous ses ordres pour mesurer à qui nous avons affaire. Nous retiendrons deux phrases qui caractérisent le personnage passant son temps à invoquer la République pour en piétiner en permanence les principes.
« Pour faire le bilan de mon action, seul comptera votre avis et celui de mes chefs. » Pardon ? Vous êtes au service de qui Monsieur Didier Lallement ? De la République ou d’un personnage temporairement à la tête de l’État ? Les véritables mandants, c’est-à-dire les citoyens, ceux qui vous payent, vous vous en moquez ?
L’aveu du fait qu’il se considère comme un chef de bande est encore plus net avec cette adresse à ses services : « vous êtes le roc qui secoure et qui sécurise, sur lequel s’est brisée l’INSURRECTION, et qui fait reculer la délinquance. » Nous y voilà ! On trouve ainsi avec ce sinistre personnage l’expression achevée de la confiscation de la république par le système Macron.
Outre qu’en matière de délinquance, Lallement n’a rien fait reculer du tout, au contraire, il donne là une extraordinaire vision de l’ordre républicain. La protection des populations contre l’insécurité et la délinquance est parfaitement secondaire par rapport au maintien d’un ordre de domination injuste. Considéré comme étant en danger dès lors que des citoyens utilisant leurs libertés constitutionnelles osent s’exprimer. On retrouve là le sinistre personnage lançant « nous ne sommes pas dans le même camp » à une passante évoquant sa solidarité avec les « Gilets jaunes ». Pour lui, les mouvements sociaux ne peuvent recevoir d’autres qualification que celle « d’insurrection ».
Il ne s’agit pas de nier que certains des épisodes du « moment Gilets jaunes » aient pu être violents, voire qu’ils aient pu basculer dans l’émeute. Mais ce ne fut qu’une faible partie du vaste mouvement social qui a secoué notre pays et qui avait pour origine la politique mise en œuvre par un président impopulaire. Et force est de constater que c’est la stratégie même du préfet de Paris qui a visé à faire dégénérer des manifestations comme celles des 1er mai et 17 novembre 2019 par exemple.
À ces occasions, la collusion avec l’appareil judiciaire est apparue de façon criante. Non seulement les magistrats ont lourdement condamné et en cadence, à des peines parfois délirantes, les gens que les services de police sous les ordres du préfet de police leur fournissaient. Mais alors même que les comportements de Didier Lallement dans la gestion des manifestations auraient mérités des interventions judiciaires, les parquets sont restés soigneusement muets. Ne parlons même pas de ces fameux « éléments incontrôlés » chargés de faire dégénérer les manifestations et soigneusement préservés de la répression.
Emmanuel Macron durant son premier mandat a démontré qu’il ne supportait pas la contradiction, toute opposition étant illégitime et constituant une injure personnelle. Il a bénéficié avec Didier Lallement d’un homme de main au service de sa façon autoritaire d’exercer le pouvoir. ■
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