Par Marc VERGIER.
Honneur à Renaud Camus pour sa salubre impertinence, son répondant. Revoyons aussi sa conférence transcrite dans JSF le 17 mai 2022 dont voici quelques perles :
« Pour le Bloc Négationniste-Génocidaire, celui qui promeut le Grand Remplacement tout en niant qu’il survient, le mot race remplit idéalement cette fonction. Le terme est maudit. Qui l’emploie est un homme mort. C’est d’ailleurs un homme mort qui vous parle. «
« Les races ont très mal pris la nouvelle de leur inexistence, d’autant que personne n’a eu la courtoisie de les prévenir.«
« Considérez ce chiasme : puisque c’est l’antiracisme qui est désormais génocidaire, ne serait-ce que par substitution, c’est au racisme qu’il revient d’être protecteur, des hommes, des femmes, des races, des peuples, des animaux, des paysages et de la Terre. »
« Le remplacisme global est une coalition universelle contre le temps. Il veut un présent perpétuel de l’hébétude, un da capo de tous les instants, un incessant grand reset. En témoignent, exemples entre mille, la disparition successive des modes et des temps, futur, futur antérieur, passé simple, imparfait du subjonctif, dans l’usage grammatical ; la substitution générale des prénoms aux noms, aux noms de famille, seuls témoignages des lignées ; la déshistoricisation de tout, et d’abord de l’espace, avec ces régions nouvelles sans queue ni tête, Auvergne-Rhône-Alpes, Paca, Grand-Est, Hauts-de-France, et ces agglomérations de communes aux noms de centres commerciaux, de lotissements ou d’Ehpad. »
En bon élève, j’essaie d’appliquer la méthode du Maître.
Réforme
Je trouve une certaine parenté entre la réforme et le remplacement : écoutez Macron (comme d’autres), il s’est donné pour mission de réformer la France. Réformer, n’est-ce pas déclarer inapte, voire malade ? Le mot remplacement choque, le « reset » inquiète, mais la réforme garde son aura positive. Il faudrait pourtant ouvrir les yeux sur la culpabilisation implicite par quoi la réformite s’ouvre les cœurs des braves gens. Gare à tous ces docteurs Knock, déboussoleurs de patients ; ce sont , à leur façon, des remplacistes, de leur propre aveu !
Théorie du complot
Chacun le constate. C’est l’argument ultime, mécaniquement asséné pour couper la parole et étouffer la réflexion. On peut le rapprocher de l’accusation de racisme. Mais c’est aussi une formulation incorrecte du point de vue de la langue. Sa force de pseudo-argument me semble tenir autant aux mots qu’à leur obscurité, à leur contre-sens (ou non-sens) inhérent. Émettre l’idée, l’hypothèse, qu’un évènement, le suicide de Robert Boulin, par exemple, ne soit pas exactement ce qu’on en dit, ce n’est pas une « théorie du complot ». Écrire un roman n’est pas faire une théorie du roman. Les gens de la pub sont friants de ces barbarismes, les mauvais politiques et les mauvais journalistes aussi. Parmi mille exemples, ils préfèreront, au sujet d’une annonce, parler d’un « effet d’annonce » (qu’ès aco?). Ils préfèreront de même « turnover » à rotation, roulement ou renouvellement des effectifs… Coquetterie, snobisme, intimidation, « knockisme », certes, mais tous ces coups d’épingles finissent par nous convaincre de renoncer aux qualités de notre langue.
Circulation (ou mobilité) douce
C’est un de mes dadas ; je me suis déjà exprimé sur le sujet. Sous cet assemblage de mots mal assortis (voir le paragraphe précédent) on nous impose une confusion, un vivre-ensemble, une prétendue « assimilation » des utilisateurs d’engins avec les tranquilles piétons, promeneurs, flâneurs, badauds et péripatéticiens. On va jusqu’à débaptiser les moteurs en assistance, transformant insensiblement lesdits utilisateurs d’engins en prioritaires, prenant la place des vrais infirmes. L’immémoriale, vénérable et légale spécificité du trottoir est niée au point que les passages protégés deviennent les plus exposés : les engins lancés dans les quatre directions (car on les exempte de toutes les règles, même des feux) s’ajoutent aux omniprésents nids de poule, ornières, crottes, sans parler du vent, du soleil éblouissant, de la nuit et de la pluie. Devant les nouveaux prioritaires (de fait, par leur vitesse, leur sentiment de supériorité ; bientôt de droit par la complaisance des autorités), il n’y a plus d’aveugles, de sourds, de rêveurs, de chalands, d’enfants, de chiens qui soient, mais des gêneurs, des obstacles plutôt. C’est la verte circulation en Douce France. Progrès, réforme, croissance du PIB… ? Exemple de la préférence systématique accordée aux minorités ? Avec Renaud Camus, j’appelle ça une machination, un insolent négationisme-remplacisme. ■