Par Pierre de Meuse.
Le cas d’Alexis Corbières n’est qu’une résurgence de plus d’une vieille itération mensongère.*
La théorie selon laquelle l’Action Française aurait guidé le bras de Villain est en effet répétée inlassablement depuis un siècle, sans jamais apporter la moindre preuve, ni même d’indices si vagues soient-ils. Ainsi Marcelle Auclair, dans sa biographie de Jaurès, insinue que son assassin aurait adhéré « secrètement » à l’AF qui l’aurait armé. En fait, tout ce que l’on sait, c’est qu’il était membre de la « ligue des jeunes amis de la ligue de l’Alsace–Lorraine », et du Sillon de Marc Sangnier. Un de ces électrons libres vibrionnant autour des partis politiques, passant sans cesse d’un extrême à l’autre, comme tous les militants politiques en ont connu, ce type d’individus étant la plaie d’un chef de section. Le dossier d’accusation contre l’AF est donc totalement vide. Comme le montre l’article de l’AF écrit immédiatement après le drame, Maurras était hostile à Jaurès, mais dépourvu de haine à son égard. L’information selon laquelle des camelots du roi accompagnaient Villain rue du Croissant est une pure invention, le sergent de ville Marty, de Mazamet, qui l’arrêta, certifia d’ailleurs jusqu’à sa mort qu’il était seul. Quant aux pistolets en possession du meurtrier, la preuve a été donnée dans le dossier d’instruction qu’il les avait achetés quelques jours avant les faits. Enfin Raoul Villain revendiqua du début à la fin sa fierté d’avoir agi seul et de son propre chef. À son procès, il alla même jusqu’à plastronner de manière assez vulgaire.
La question qui se pose donc est celle de savoir par quelle aberration inique cet homme est sorti libre du tribunal. et c’est là, à notre avis, que la vraie leçon doit être administrée aux faussaires d’aujourd’hui. Car sa culpabilité personnelle ne faisait pas de doute, puisqu’il déclarait deux mois après son crime: « J’ai abattu le porte-drapeau, le grand traître de l’époque de la loi de trois ans, la grande gueule qui couvrait tous les appels de l’Alsace-Lorraine. Je l’ai puni, et c’était le symbole de l’ère nouvelle, et pour les Français et pour l’Étranger ». Une chose importante est de rappeler que le procès eut lieu fin mars 1919, donc après l’armistice, et non pendant la guerre. L’avocat de la partie civile n’était autre que Joseph Paul-Boncour, un ténor du parti socialiste, donc. De plus, ni la femme, ni la fille ni le frère de Jean Jaurès ne furent présents lors du procès, ce qui n’est pas anodin.
C’est qu’en fait la Gauche a voulu faire, non le procès d’un homme, l’assassin, mais celui d’une opinion politique. Paul-Boncour écarta donc d’emblée la responsabilité pénale de l’assassin, soulignant que Jaurès, hostile à la peine de mort, ne pouvait approuver l’exécution de son assassin. En revanche il insiste néanmoins sur la »responsabilité morale de l’Action française et de ses animateurs dans l’acte de l’assassin ». Il cite de longs extraits de la presse d’avant-guerre hostiles à Jaurès (L’œuvre, ,Paris-Midi, L’Action française, Le Temps…).
Et c’est également l’essentiel de la plaidoirie du second avocat, Ducos de la Haille. En fait, comme le reconnaît Paul-Boncour lui-même: nous avons été « moins préoccupés de l’assassin, assez pauvre hère, dont l’esprit faible et exalté avait été troublé par ses lectures, que de défendre la mémoire de la victime. Contrairement aux habitudes de la partie civile en matière criminelle, nous nous étions moins occupés de l’indignité de l’assassin que de la grandeur de la victime ». En fait dans ce procès, la Gauche voudrait voir condamner Maurras, contre lequel aucune charge n’existait ni n’existe aujourd’hui, plutôt que l’assassin contre lequel les charges sont écrasantes. Ce qui est extraordinaire, c’est que les avocats de Villain Mes Géraud et Bourson sont eux-mêmes socialistes, le second étant ancien député de ce parti, mais d’une autre tendance. Les jurés, en acquittant Villain, ne vont donc que déférer aux vœux apparents des avocats. Et le président du tribunal, bon radical socialiste, n’hésitera pas à honorer l’assassin pour son patriotisme! La Gauche est donc victime comme toujours de son mépris de la vérité.
Qu’est-il arrivé ensuite à Villain? Si l’AF l’avait téléguidé secrètement, elle lui aurait fourni un point de chute au moins pour un temps après sa libération. Il n’en est rien, car il se lie au contraire à la pègre en faisant de petits trafics, qui l’amènent à nouveau au tribunal, qui le condamnera à des peines légères. Il faut noter que Villain était sans doute mentalement dérangé, comme sa mère, internée depuis vingt ans à Châlons et sa grand-mère et comme elles, atteint de délire mystico-religieux. Après une vie d’errance et de petits boulots , il se fixe aux Baléares, à Ibiza, où il est rattrapé par l’Histoire au moment de la guerre civile, et les anarchistes le fusillent entre le 13 et le 14 septembre 1936. Son acte criminel initial n’eut aucune utilité, il était motivé par des ressorts personnels et pathologiques. ■
(*) Étude reprise des commentaires reçus hier (4 août) dans JSF. Évidemment, plus qu’un commentaire et qui devait être mis en valeur auprès de tous nos lecteurs – comme des « amis » qui nous suivent sur nos pages Facebbok. Tandis que malheureusement même sur CNews, les propos anti AF continuent de prospérer…
Se reporter à l’article …
La preuve qu’Alexis Corbières dit n’importe quoi lorsque (entre autres sottises) il accuse Maurras d’avoir été « l’insulteur de Jaurès qui a sans doute armé la main de celui qui l’a assassiné”.
Texte remarquable de Pierre de Meuse !
Il écroule l’une des nombreuses fakenews de la maurrasiphobie.
Merci à lui pour ce « touché, coulé ! »
Un texte remarquable de Pierre de Meuse, brillant comme à son habitude.