PAR PÉRONCEL-HUGOZ.
Retour à l’actualité d’une suite de 7 articles savoureux et instructifs sur les origines de la Françafrique, une histoire – vécue par l’auteur – dont l’actualité nous rappelle que – quoi qu’on en ait dit – elle n’est pas finie.
AU ROYAUME DE BONGO.
MAÇONNERIE EN TOUT GENRE.
Heureux au jeu, malheureux… bien, vous vous souvenez peut-être que la capricieuse Marie-Joséphine Kama (genre dompteuse au fouet) ne fut jamais digne des sentiments de son mari qui, pourtant, les lui prouva dangereusement en faisant assassiner dans le Lot-et-Garonne, en 1979, un de ses amants, un méchant décorateur asiatique, crime à propos duquel Paris faillit – mais faillit seulement – se fâcher pour de bon.
Les francs-maçons, toujours prompts à défendre la veuve, l’orphelin, les valeurs démocratiques et humanistes, et tout le tremblement, remuèrent cette fois ciel et terre, non pas pour secourir la famille de la victime et révéler au grand jour ce forfait bongonesque qui était loin d’être le premier, ni le dernier, commis par des mercenaires français, marocains ou autres (jamais africains, soit par respect pour eux, soit par manque de confiance, Dieu seul le sait), mais pour étouffer l’affaire.
Un chef d’Etat étranger qui provoque en personne du tapage dans un hôtel parisien où il vient de surprendre sa femme en compagnie de son petit ami puis qui fait liquider celui-ci, en public, sur le territoire français , c’est tout de même assez énorme… Ayant des hommes aussi bien à droite qu’à gauche, la franc-maçonnerie parvint à empêcher le scandale* [Photo : le livre de Pierre Péan qui évoque l’affaire].
Cela dut provoquer un des légendaires éclats de rire d’Omar Bongo qui, bien qu’initié dans sa jeunesse à la loge d’Angoulême et laissant s’épanouir à Libreville deux loges, L’Equatoriale et Dialogue, est surtout un fidèle du Ndjobi, fraternité fétichiste africaine (Photo). Sa franc-maçonnerie, comme son christianisme d’hier ou son mahométisme sunnite d’aujourd’hui, ne sont que d’utiles et pittoresques habillages avec lesquels « le frère Omar » joue comme une jolie femme use de ses toilettes et ses parfums selon le partenaire à qui elle a affaire. Cette façon moins cynique que charnelle, animale presque, de gouverner est d’ailleurs, avouons-le, l’un des charmes les plus capiteux du numéro un gabonais.
Une dizaine d’enfants naturels ou adoptés, soit tout de même un peu moins, remarque-t-on à Libreville que l’archevêque de la capitale, consolèrent l’époux bafoué. Le jeune Alain Bongo, devenu Ali Ben Bongo ainsi autonommé, tandis que son géniteur le bombardait, en 1987, « haut représentant personnel de Son Excellence le président de la République, chef de l’Etat, etc », puis en 1989, ministre des Affaires étrangères, a été très vite l’ornement familial le plus remarquable, avec ses rondeurs apoplectiques frappées dans des étoffes islamisantes (Photo). On devenait un émirat afro-oriental. On avait bien eu tort de n’aspirer qu’à être une préfecture franchouillarde…
Et pour couronner le tableau (qui serait devenu sans coup férir dynastique si cet imbécile, cet ivrogne, ce soudard de Bokassa Ier (Photo) n’avait pas rendu insortable pour longtemps en Afrique noire la dignité monarchique), Delly et Barbara Cartland, après Ian Flemming, virent leurs personnages s’incarner sous les palmes éternellement molles de Libreville : en 1989, au lieu de se contenter de célébrer 1789 comme les autre capitales africaines, le Gabon maria, selon le mode coutumier, son président musulman à une mutine chrétienne de vingt-six ans, venue du voisinage : Mlle Edith Sassou Nguesso, docteur en médecine, mention « très honorable » de l’Université congolaise, fille du militaire régnant à Brazzaville […] (À suivre, demain samedi). ■
* Seul le journaliste Pierre Péan, dans Affaires africaines (Fayard, 1983), a mis à nu le système Bongo, y compris l’assassinat du Lot-et-Garonne.
Photo en tête d’article et en page d’accueil : Marie-Joséphine Kama.
Repris de Villes du Sud (Payot, Genève, 1990).
Publié le 22.02.2021 – Actualisé le 5.08.2022