Chose promise et chose due aux amateurs et même aux passionnés (et passionnées, nous dit-on) de Félix Leclerc. Voici une autre (et sans-doute dernière) chanson de Félix Leclerc où transparaît la révélation politico-poétique de la figure du roi. Celle-ci est belle, nimbée de la poésie des paysages profonds du Québec et de l’émotion qui naît de la personne du roi mourant. Il y a là trois figures d’animaux qui sont bien-sûr des figures humaines, et des universaux, comme chez La Fontaine. Il y a encore, discret mais évocateur, un sens politique, une allusion triste et rageuse, à la situation québécoise. ■
Où il est question d’aller porter hommage au roi …
La Mort De L’Ours
(Un peu à la manière d’une fable)
Où allez-vous, Papa loup
Chapeau mou, médaille au cou
Vous a-t-on nommé shérif
Des montagnes et des récifs ?
Non, mon fils, j’ai pris un bain
Chaussé guêtres et canne en main
Vais porter hommage au roi
Si tu veux, viens avec moi
N’orignal ni carcajou
Je ne connais roi que vous
Peigne plutôt tes poils fous
Et suis-moi à pas de loup
Ils ont marché quatre lieux
Arrivés près d’un torrent
Sauvage et débordant
De cris et de chants d’adieu
Bonjour Sire, c’est moi, le loup
M’voyez-vous, m’entendez-vous ?
Suis venu à travers bois
Vous saluer, comme ils se doit
Il se tient droit, salue l’ours
Qui a la patte dans le piège
Plein de sang dessus la mousse
Et tombe la première neige
Le petit loup est ému
Et voudrait rentrer chez lui
Le gros ours, le gros poilu
Lui sourit et dit merci
Ils sont revenus de nuit
A travers bouleaux jolis
Le plus grand marchait devant
Et pleurait abondamment.