Par Michel MICHEL.
Michel MICHEL écrit ces réflexions fort utiles, à la suite de l’éditorial de Bernard Lugan publié hier dans nos colonnes : Ethnisme et colonisation.
La France est une exception dans le monde : elle n’est pas d’abord « ethnique ». Sur une base gauloise, elle s’est mâtinée d’apports latins, germains, langue d’Oc et langues d’Oïl, Flamands, Corses, Basques et Bretons. Ce qui en fait l’unité c’est une Histoire commune, une façon particulière d’incarner la Chrétienté, et surtout l’œuvre d’art séculaire de la Maison capétienne. En France, la culture n’est pas (ou peu) préalable à l’Etat, c’est le politique qui a modelé la culture de la nation française.
Naïvement, depuis la révolution, les Français ont pensé le monde sur le modèle de la nation française (elle-même réduite, faute de souverain, à quelques « grands principes » abstraits).
Mais la réalité sociale, dans le monde reste essentiellement ethnique c’est à dire liée aux communautés organiques (familiales, claniques, tribales) dont l’histoire propre à ces modèles charnels détermine une culture particulière. Aucune ne saurait prétendre à l’Universalité.
Quelques religions ont prétendu au nom de la Transcendance, à former des communautés trans-ethniques : le bouddhisme, l’islam, le communisme et bien sûr, le christianisme, particulièrement sous sa modalité catholique (c’est-à-dire universelle). Le libéralisme techno-capitaliste prétend aujourd’hui imposer un « Ordre Mondial », le chaos n’en sera que pire : la réalité de la diversité des cultures humaines ne peut être ignorée sans réaction identitaire.
Les ethnies ont toujours réussi à se maintenir, même au sein de ces théocraties : la Perse se maintient à travers le chiisme et le communisme de Cuba n’est pas celui de l’Albanie.
La colonisation à l’anglaise, que nous considérions comme égoïste et dédaigneuse se révèle plus réaliste parce qu’elle ne cherche pas à modifier les identités indigènes ; alors que le jacobinisme français a voulu exporter partout son modèle « national » provoquant des rejets « organiques ». La France, héritière de la fonction normative de la Sorbonne au sein de la Chrétienté, a un penchant pathologique à produire des idéologies qu’elle croit « généreuses »… Sachons avoir l’Empirisme (Organisateur) de nous soumettre à la diversité du réel.
Nous sommes nationalistes français, parce que telle est notre identité historique, nous ne sommes pas des « pan-nationalistes »… Il y a des cités, des empires, des tribus… et quelques nations. Ce sont plutôt des exceptions… ■
Maître de conférence en sociologie
Dernier ouvrage paru …
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Dans une artère parallèle à la veine de ce que dit Benard Lugan et de ce qu’il a inspiré à Michel Michel, je voudrais introduire une «troisième voie» (si j’ose dire) entre les deux leurs :
Dans tous les débats «nationocentrés» ou «ethnocentrés», un phénomène «classique» (pour ne pas dire traditionnel) est généralement oublié : le phénomène d’acculturation (selon son acception plus ancienne). Il s’agissait d' »un processus lié aux pratiques conquérantes (qui inspirèrent évidemment Lyautey). Jadis, l’idée de «conquête» différait radicalement de ce que nous pouvons encore entendre aujourd’hui. C’est ce qui inspirait à Léon Daudet cette réflexion selon laquelle il méprisait ceux qui avaient le toupet de vouloir enseigner la «civilisation» aux peuples du Tonkin qui, en termes de savoir-vivre et de culture étaient des aînés de quelques millénaires…
Il se trouve en effet que, jadis, les Conquérants étaient si peu enclins à la «colonisation» qu’ils s’ACCULTURAIENT aux civilisations conquises. On m’objectera gaillardement l’hellénisation de certaines représentations bouddhiques, évidemment, mais nul ne saurait démêler le fait qu’il puisse parfaitement s’agir d’un témoignage inverse : une «bouddhisation» de Grecs installés sous ces latitudes ; exactement comme, en Inde, quelquefois, on ne saurait démêler l’hindouisme de l’islâm chez certains «saints» acquis aux deux traditions.
Cependant, le temps s’écoulant et les «échanges» se développant, l’entrecroisement des influences a conduit au côtoiement de ce que les Temps modernes ont accompli à partir de 1492 – et ce, en dépit de ce que je conseille d’aller observer au plus près, à savoir les fameuses «missions», tant jésuites que franciscaines, en Amérique latine et non en se satisfaisant du film américain comme documentation.
Bref, traditionnellement, l’«envahisseur» se met à l’école des territoires conquis – question de politesse, en somme… Ainsi, par exemple des jésuites en Chine, la plus belle illustration (et la dernière, sans doute) de ce que les démocraties modernes ont réussi à éliminer… Je rappellerai en vitesse le Grand Dauphin représenté labourant la terre, selon le formidable usage cosmologique que l’Empire du Milieu avait su réapprendre à la France… Comme quoi, en fait, cette acculturation tenait à ce que l’idée de «conquête» intéressait la «remembrance» de ce que le déclin cyclique auquel nous sommes soumis a pu nous permettre de reconnaître ailleurs qu’au plus près de nous.
La Conquête tient à la poursuite du Paradis perdu. Ainsi conçue, on peut alors comprendre tout simplement qu’il y a lieu de s’acculturer à un Éden retrouvé et non à chercher à y introduire les «bienfaits» de notre chute – principalement, la diabolisation (c’est-à-dire «division») entre Bien et Mal. Pensons à ces vers d’«Alchimie de la douleur» de Baudelaire :
«Par toi, je change l’or en fer
Et le Paradis en enfer »
Moyennant quoi, nous devons comprendre l’immigration moderne comme le produit exact de l’exportation de la «raison» cartésienne, de la politique des Lumières et de la guillotine… Les conquérants ont muté en ce «plus triste des alchimistes» («Alchimie de la douleur», toujours), en prenant exemple sur ces malodorants Européens qui, par la coupe imposée des cheveux, l’imposition de prénoms «civilisés» et l’instruction scolaire ont changé l’or peau-rouge en fer étatsunien.
Je termine sur ces mots d’Ananda Coomaraswamy :
«L’exportation de votre “éducation” est bien plus scélérate que tous vos trafics d’armes.»
L’opposition dont Michel fait état entre la France et les autres nations a été théorisée par Renan voici cent cinquante ans. Est-elle pour autant totalement pertinente? L’Allemagne est elle aussi composée d’ethnies différentes malgré sa prétention fichtéenne à être sortie intacte de la préhistoire, et il en est de même de l’Espagne, en fait toutes les grandes nations européennes. Mais surtout, ce qu’il faut bien voir, c’est que ethnies qui composaient la France: celtique, latine, germanique, et (pour faire plaisir à Maurras), grecque, sont toutes des rameaux de la grande famille indo-européenne. La France n’a dans ses peuples originaires ni nilotiques, ni congoïdes, ni mongoloïdes. ni même arabo-sémite. Le danger de cette théorie de la nation-exception est d’en déduire que, par nature hors normes, la France peut assimiler n’importe quoi.
L’humain , je n’ose pas dire « l’homme « est le seul animal doté d’un cerveau qui pense.
Sa migration lui a permis de couvrir la terre entière, Afrique, Asie , Europe, Amériques. Alors inutile de se fixer une date dans cette éternelle migration pour expliquer que certains veulent dominer les autres. Pour être plus concret, mes ancêtres dits en français Bretons, venus très certainement du bas de ce qu’on appelle grande Bretagne se sont installés en Armorique. Ils étaient Celtes et se sont vu imposer le Christianisme( pour ces derniers par le saint « Tugdual). » Leur nom Celte a été Francisé. Sont ils eux et leurs descendant de bons et loyaux Français dits de souches? Il en va tout autant de toutes les provinces Françaises. La chrétienté a imposé par Rome et les papes de penser Grec et Romain, c’est un temps de la grande histoire, dont la page semble se fermer. La révolution Française ni est pour rien. L’homme est arrivé a faire le tour de la question du Dieu tout puissant. L’utilisation du dieu pour nuire aux autres n’est plus crédible. Imaginons que nous sommes dans une gare , tous les trains partent dans différentes directions, pour qu’elles déraisons imposer une direction unique.
Nous sommes en 2022 laissons à chacun le choix de sa pensée à chacun et refusons toute marque de domination intellectuelle de quelques voyous, pour vivre ensemble en respectant l’autre. Le comte de Toulouse acceptait de gérer ses terres avec toutes les pensées , Chrétiennes, Protestantes ,Musulmanes. Comme quoi les gens du Sud semble plus ouvert d’esprit. C’est ce qui se vivait en Occitanie au moyen âge avant l’arrivée des soldats du roi de France fer de lance du pape de Rome, j’impose m’a loi pour faire le monde a ma façon. Que chacun pense à sa façon , mais respecte impérativement les autres, la somme des différences est une fortune collective..
Un détail amusant, nos pseudos journalistes très républicain, anti royaliste, nous imposent la royauté Anglaise sous des angles forts discutables, c’est une contradiction de plus et à peine respectueux de la mort . On est ou on n’est pas? mais on respecte, c’est la moindre des politesses.
En conclusion, l’homme n’a pas encore attient l’intelligence, c’est à dire: la sérénité de la la connaissance bien raisonnée. Je ne te domine pas , je te respecte comme un frère ou une soeur et ensemble bâtissons le monde.
Merci à Michel Michel de son analyse pertinente comme toujours.
Quelques observations en vrac :
– la colonisation à la française (visant à exporter les « valeurs de la république » au monde entier) procède en effet d’une conception universaliste du modèle français, ce qui est éminemment critiquable.
– La France n’est pas d’abord une réalité ethnique, en effet, puisqu’il n’existe pas de race française. Est-ce une exception pour autant ? Après tout, comme l’a rappelé Antiquus, il en va de même pour l’Allemagne, l’Espagne et la plupart des pays européens. Même la Perse n’est pas formée d’une seule ethnie.
– Surtout, il me semble périlleux de considérer la France comme les Etats-Unis : une nation sans base ethnique réelle.
Merci à Michel Michel pour ses contributions à un débat qui sera relancé avec le piods accrus des diasporas dans nos sociétés.
Michel Michel a largement contribué , au-delà d’un apport à la réflexion à la définition d’une pratique politique (en participant à des actions de formation d’élus locaux par exemple) en directions des communautés. Son ouvrage « dix questions posées à la France » (je cite de mémoire) aux éditions de l’Age d’Homme reste une référence. Il faudrait le rééditer. Les communautés – on parle aujourd’hui plus volontiers de diasporas – ce qui montre bien une approche dynamique tenant compte à la fois du lieu d’arrivée (pays du Nord) et du lieu de départ (pays du Sud). De la façon dont ces diasporas évolueront – et se fractureront – répercutant à la fois les fragmentations idélogiques des pays d’accueil et les cassures des pays d’origine dépend en partie l’avenir de notre société (en France et En Europe), l’avenir des pays d’origine, l’avenir de leur relation. C’est beaucoup, suffisant en tout cas pour que la question des diasporaos soir abordées non point comme un sujet pour ethnoloque mais bel et bien comme une interpellation pour les militants politiques. Merci à Michel d’y contribuer.
Di la France n’est sûrement pas une construction éthnique, elle peut reconnaitre les « ethnies » sans verser dans le communautarisme comme elle put reconnaitre les régions tout en préservant et construisant son unité. La perspective fédéraliste est sans doute la bonne. Mais quoi – ou qui – sera le fédérateur ?
On trouvera dans le numéro 2 de « Vivre l’Histoire Ensemble » une étude de Michel Michel intitulée « Pourquoi dénonce-t-on le communautarisme en France ? ». Envoi sur demande à dircas@cas-france.org