Par Renaud CAMUS
[Discours condamné par la XVIIe Chambre, par la cour d’Appel et au matin du 20 septembre par la Cour de cassation.] Le contenu de cette remarquable allocution mérite en tout cas d’être connu et médité, le cas échéant discuté.
Mesdames, Messieurs,
La Nocence, instrument du Grand Remplacement : le titre que j’ai choisi de donner à cette allocution peut paraître obscur. Le Grand Remplacement, pourtant, j’imagine que vous ne comprenez que trop bien ce dont il s’agit. C’est en fait la triste réalisation en acte de la fameuse boutade de Berthold Brecht. Vous connaissez sa version originale : « J’apprends que le gouvernement estime que le peuple a « trahi la confiance du régime » et « devra travailler dur pour regagner la confiance des autorités ». Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ? » Vous connaissez plus sûrement encore sa version courante : « C’est bien simple, il n’y a qu’à changer de peuple ».
Robert Redeker, le philosophe que des menaces de mort ont obligé à vivre caché pendant des mois, s’est interrogé dans un livre récent, Egobody, sur les implications philosophiques du corps moderne, dont tous les membres peuvent faire l’objet de remplacement. C’est ainsi que les remplacistes voient le peuple : on peut en changer indéfiniment toutes les pièces, ce sera toujours le même peuple, en tout cas il gardera le même nom. Inutile de préciser que la condition indispensable à la mise en œuvre de ce remplacisme, c’est ce que j’ai appelé ailleurs la Grande Déculturation, l’enseignement de l’oubli, l’effondrement des systèmes de transmission : un peuple qui connaît ses classiques ne se laisse pas mener sans regimber dans les poubelles de l’histoire. Il faut qu’il ne sache plus qui il est, ce qu’il est, ce qu’il a été, pour accepter d’être remplacé.
La nocence, maintenant. Je parle ici au nom d’un parti, le parti de l’In-nocence, qui a un nom difficile à porter, j’en conviens, puisqu’il a fait le pari, difficile, lui aussi, qu’il pouvait répandre dans le public un concept, l’in-nocence, en deux mots, qui n’est pas du tout la même chose que l’innocence en un seul. L’in-nocence en deux mots pose que la nocence, c’est-à-dire la nuisance, le fait de nuire, d’attenter à la vie ou de la gâcher, de la salir, de la rendre insupportable, que la nocence, donc, est première, qu’elle est toujours déjà là, qu’elle est ce contre quoi il convient de lutter, en nous et en dehors de nous. La nocence c’est bien sûr la nuisance, au sens écologique du terme, les atteintes à la nature et à la qualité de la vie, qualité de l’air, qualité de l’eau, qualité du paysage, du patrimoine. Ce sont aussi toutes les atteintes aux personnes et aux biens, des fameuses incivilités, si délicatement nommées, jusqu’au crime organisé. Le grand avantage à nos yeux du concept d’in-nocence c’est qu’il permet d’envisager ensemble ce qui est de l’ordre du politique, de l’écologique et du quotidien, de la vie quotidienne, de la vraie vie, des rapport entre les individus, les citoyens, les voisins, les concitoyens, les compagnons de planète et les compagnons d’immeubles, de quartier, de banlieue, de ville, de nation.
Or, envisager ensemble, c’est précisément ce dont le complexe politico-médiatique est incapable. C’est exactement ce qu’il ne veut pas faire. C’est ce qu’il s’ingénie à ne pas faire, dans le cadre de cette grande entreprise d’obscurcissement du réel qui est indispensable à sa propre survie parce que s’il montrait le monde comme il est, comme il l’a fait par imprévoyance, par incompétence, par calcul, par le jeu d’obscurs intérêts, les citoyens ne manqueraient pas de lui demander des comptes. D’où cette langue qu’il a inventée pour ne pas dire, pour ne pas montrer, pour cacher ce qui survient et qui est déjà survenu : les jeunes pour les délinquants, les quartiers populaires pour les quartiers que les couches populaires indigènes ont dû fuir, les quartiers sensibles pour les zones de violence et de non-droit, le multiculturalisme pour la grande déculturation, la diversité pour le triomphe du même, pour la disparition des identités, pour la banlieue universelle. Etc. D’où aussi cette séparation constante qu’il impose entre des problèmes qui du coup paraissent flotter dans l’air en toute indépendance de la réalité et qui n’ont pas la moindre chance de trouver jamais de solutions parce qu’ils n’ont pas d’explications, parce que leurs explications sont cachées et qu’elles doivent rester cachées : la crise de la transmission, l’effondrement du système scolaire, la crise du logement, la surpopulation carcérale, la délinquance, la violence, l’insécurité.
Il faut lutter contre la violence, disent-ils, il faut lutter contre l’insécurité, il faut lutter contre la délinquance des jeunes dans les quartiers populaires. Mais toujours ils séparent, ils isolent, ils euphémisent, ils essaient de rendre incompréhensible — sauf aux victimes, bien sûr, sauf aux protagonistes de la ligne de front, qui eux savent à quoi s’en tenir. Il séparent soigneusement le quotidien, l’école, les cages d’escaliers, les problème de voisinage, les casseurs, les vitrines brisées, les pillages, la drogue, les trafics de drogue, la nocence, en somme, l’énormité de la nocence, d’un côté, et d’un autre côté la politique proprement dite, l’histoire, le destin de la patrie, le sort du peuple français c’est-à-dire, j’y reviens, et j’y arrive, le Grand Remplacement, le prétendu multiculturalisme, et, nous y voilà, la présence croissante de l’islam, l’emprise croissante de l’islam sur le territoire et dans le paysage, l’islamisation progressive du pays.
Ceci et cela n’auraient rien à voir, ceci et cela devraient rester soigneusement séparés, il serait même criminel, un mot que le complexe adore, de faire un rapprochement entre l’insécurité et l’immigration, entre la violence et le prétendu multiculturalisme, entre la surpopulation carcérale et la contre-colonisation, entre les difficultés de la transmission scolaire et le fait que la France est à présent comme une vieille fille qui élève les enfants des autres, des enfants qui sont étrangers à sa culture et bien souvent à sa langue et qui dans de nombreux cas sont appris au sein de leur famille, dans leur milieu d’origine, à détester cette culture et cette histoire et cette langue qu’on s’étonne ensuite d’avoir du mal à leur inculquer. Je ne dis certes pas que toute la crise du système d’éducation est liée uniquement à l’immigration et au Grand Remplacement. Je ne dis certes pas que toute la nocence a là son unique source. Je dis qu’il faut être aveugle ou bien d’une mauvaise foi sans nom pour ne pas voir et pour ne pas dire, pour ne pas vouloir qu’on dise, que la nocence a partie liée à la conquête. Mieux, et c’est le point auquel j’ai voulu consacrer cette allocution, qu’elle en est, avec la démographie, mais c’est un autre sujet, un des principaux instruments, un des moyens, et qu’on peut appeler militaire : son bras armé.
Les responsables politiques me font bien rire qui pour essayer de modérer ou de contrôler ces flots de nocence, cette violence permanente, cette insécurité insupportable, cette détérioration précipitée des rapports sociaux et humains sur des parts qui vont sans cesse s’élargissant du territoire qu’on ose à peine appeler encore national, font appel, ces responsables politiques, ces maires, ces préfets, ces ministres, aux responsables religieux des conquérants, en espérant que leur influence, la foi, la religion, l’effet adoucissant de la religion sur les mœurs, vont calmer leur agressivité et les rendre doux comme des agneaux. Ces responsables laïques se trompent de religion. Ils confondent avec la leur, celle de leurs ancêtres. La religion à laquelle ils ont affaire, et en laquelle ils mettent tant d’espérance pour restaurer la tranquillité publique, ne prêche pas au premier chef, à l’égard de ceux qui lui sont étrangers, les incroyants, les infidèles, elle ne prêche pas au premier chef, à leur endroit, la douceur, la bonté, l’in-nocence. Ce n’est pas du tout sa préoccupation première. Sa préoccupation première, et c’est bien là pour elle une préoccupation morale, et c’est précisément ce qui nous abuse, c’est son propre triomphe, c’est la plus grande gloire de son dieu, c’est l’établissement toujours plus ferme et toujours plus large de son emprise sur le monde, soit par la conversion, soit par la conquête, et de préférence les deux en même temps. Tout ce qui va dans le sens de cet idéal est bon, moralement bon, religieusement bon. Rien de ce qui va dans le sens de cet idéal ne saurait être mauvais. C’est ainsi que s’explique la faiblesse insigne, qui dans notre naïveté nous étonne chaque fois, des condamnations religieuses, toujours prononcées du bout des lèvres, dans le meilleur des cas, des attentats terroristes et des crimes commis au nom de la religion conquérante. C’est que la question des moyens est parfaitement secondaire, pour cette religion-là, comme d’ailleurs pour la plupart des religions dans leur phase ascendante, qui ne sont que très secondairement des morales. L’essentiel de leur morale c’est de vaincre, de gagner, de soumettre, de s’étendre. Sinon elles trahiraient leur raison d’être. Elles ne seraient pas ce qu’elles sont.
Cette religion-là n’est d’ailleurs pas séparable d’une civilisation, d’une civilisation qui a connu des moments merveilleusement brillants, qui a atteint de hauts accomplissements et produits de grandes œuvres, dans le domaine de l’architecture, de la poésie, de l’art du récit, de la mystique, de la musique. Cette civilisation n’a jamais oublié ses origines nomades et le lien étroit, la quasi-confusion, qui existe dans son esprit entre la lutte et la prise de possession, entre le combat et la mise à sac, entre la guerre et la razzia. Voyez ce moment caractéristique et presque inévitable des manifestations politiques récentes où l’intervention directe des présumés « chances pour la France », qui une fois sur deux, deux fois sur trois, trois fois sur quatre, appartiennent à la mouvance de cette civilisation, se traduit immédiatement par les vitrines brisées et le pillage des magasins. Je leur demande pardon de parler ici de leur violence, car je sais qu’ils ne supportent pas ce reproche. Il leur paraît terriblement injuste. Il les met hors d’eux. À peine l’entendent-ils que de fureur ils cassent tous, ils pillent, ils incendient, ils posent des bombes.
Ne vous y trompez pas, cependant. Ce n’est pas à des voyous que vous avez affaire : c’est à des soldats. Enfin si, ce sont bien des voyous, mais ces voyous sont une armée, le bras armé de la conquête. Peu importe qu’ils en soient conscients ou pas, et d’ailleurs je pense qu’ils le sont bien plus qu’on ne le croit. La nocence, que ce soit le bruit, que ce soient les déprédations, que ce soient les occupations de halls d’immeubles et les exigences de regards baissés au passage, que ce soient les vols, les arrachements de sacs de vieille dame, les rackets au sein des écoles, les cambriolages, les attaques à main armée, le trafic de drogue, l’ensemble de ce qui est pudiquement appelé désormais le grand banditisme ou bien les formes nouvelles, ultra-violentes, du crime organisé, la nocence est l’instrument du Grand Remplacement, du changement de peuple, de la contre-colonisation, de la conquête, de l’élargissement permanent des zones de territoire déjà soumis aux néo-colonisateurs. En rendant la vie impossible aux indigènes, les nouveaux venus les forcent à fuir, à évacuer le terrain — c’est ce que les Anglo-Saxons appellent le White Flight, la fuite des blancs. Ou bien, pis encore, à se soumettre sur place, à s’assimiler à eux, à se convertir à leurs mœurs, à leur religion, à leur façon d’habiter la terre et ses banlieues, qui sont l’avenir de la terre.
Je me suis fait taper sur les doigts, j’en ai l’habitude, pour avoir parlé de nettoyage ethnique, à ce propos. Très bien, nous ne voulons fâcher personne : parlons simplement de ménage, de ménage militaire. Ces colonisateurs qui sans cesse reprochent aux indigènes de ne pas les accueillir suffisamment ni assez bien, ils semblent n’avoir rien de plus pressé, une fois dans la place, que de se l’assurer tout entière et, comme tous les colonisateurs, ils ne rêvent que d’être entre eux, les indigènes n’étant bons, éventuellement, qu’à faire tourner l’entreprise, à tenir le magasin, quitte à ce que le magasin soit pillé de temps en temps. Le fameux métissage, la dite mixité sociale à laquelle il fut tant fait appel, c’est parfait pour la phase intermédiaire, aujourd’hui largement dépassée sur le larges pans du territoire. Les attaques dont font l’objet les policiers, les pompiers et même les médecins dès qu’ils s’aventurent dans les zones déjà soumises le montrent assez : c’est en termes de territoire, de défense et de conquête du territoire, que se posent les problèmes qu’on réduit quotidiennement à des questions de délinquance, de lutte contre la délinquance.
Je ne dis pas, évidemment, que tous les nouveaux venus pratiquent la nocence. Je ne dis pas non plus, bien loin de là, qu’il n’y a que les nouveaux venus pour pratiquer la nocence. Ce que je dis est qu’une proportion stupéfiante, invraisemblable, incroyablement disproportionnée, de cette nocence est leur fait, et qu’en de pareilles proportions la nocence n’est pas un phénomène qu’on peut abandonner à l’action policière ou à celle des tribunaux, dont on connaît d’ailleurs la mollesse, engluée qu’elle est dans un réseau de lois, de règlements, de directives européennes et même de traités internationaux qui laissent la Nation sans défense et qui font de la Cité une ville ouverte, une sorte de Troie où les chevaux de bois seraient sur toutes les places, acclamés par les faiseurs d’opinion en joie, par les amis du Désastre en délire, par les collaborateurs impatients du Grand Remplacement. Le système pénal, qu’il soit policier ou judiciaire, est impuissant face à ce qui relève au plus haut degré de la pensée et de l’action politique, et de l’action politique la plus pressante, la plus urgente, la plus essentielle à la survie de l’État et du peuple. Chaque fois qu’un indigène est sommé de baisser le regard et de descendre du trottoir, c’est un peu plus de l’indépendance du pays et de la liberté du peuple qui est traîné dans le caniveau. ■
On ne peut que recommander la lecture de l’essai de Renaud Camus intitulé la dépossession, du remplacisme global, très riche en analyses pertinentes sur ce que devient notre pauvre monde remodelé par la mondialisation libérale appuyée par le gauchisme culturel. Une oeuvre que tout le monde devrait avoir dans sa bibliothèque.
Belle trouvaille que ce texte .