Par Jean-Paul Brighelli.
Cet article est paru le 17 septembre dans Causeur. Faut-il ajouter quoi que ce soit ? Le lecteur le fera, jugera, commentera s’il le souhaite ! Le sujet est délicat et capital puisqu’il s’agit de notre existence en tant que peuple historique. Nous nous contenterons de réitérer notre conseil prosaïque : acheter et lire le second et donc dernier tome de La Fabrique du Crétin où Jean-Paul Brighelli déploie tout son savoir, son expérience, son aptitude à surprendre, son esprit d’analyse en éveil, et son talent qui n’est pas mince.
Douglas Murray pense mal. Après L’Etrange suicide de l’Europe (2018) puis La Grande déraison (2020), le journaliste anglais s’attaque cette fois avec Abattre l’Occident à l’ensemble du discours woke qui s’est imposé aux Etats-Unis et qui chaque jour conquiert des territoires en Europe. Rendre compte d’un tel livre était une gageure que notre chroniqueur a brillamment relevée, selon son habitude.
Douglas Murray, « Abattre l’Occident »
L’Amérique, c’est loin, pensez-vous…
Pourtant, les délires générés par le mouvement Black Lives Matter, avec tous ces sportifs blancs agenouillés pour demander pardon à leurs co-équipiers noirs — pardon pour la traite atlantique, l’esclavage, les coups de fouet, la ségrégation and so on —, sont arrivés chez nous dans le sillage de l’affaire George Floyd (2020), anticipée ici sous le nom d’Adama Traoré (2016). Et les médias font une piqûre de rappel chaque fois qu’un voyou menaçant est abattu par les forces de l’ordre — ou par cette vieille dame qui a poignardé avec l’opinel accroché à son porte-clefs le malfaiteur qui agressait son époux octogénaire. Quelle brutalité chez ces personnes âgées blanches !
Nous n’avons pas attendu George Floyd pour procéder à nos propres génuflexions. La loi Taubira (2001) interdit pratiquement d’évoquer un autre esclavage que celui issu de la traite atlantique, comme le rappelle cette semaine un article sur la fabrique (aventureuse) de l’Histoire. Que la traite transsaharienne ait fait bien plus de morts, que des Noirs aient mis en esclavage d’autres Noirs, que les Musulmans aient continué la traite alors que toutes les nations « blanches » y avaient renoncé, USA compris, ce sont là des faits qui n’apparaissent pas dans nos manuels scolaires. Et qui, si vous les évoquez en classe, provoquent immédiatement un scandale majeur et un déni massif.
Le déni même qui est celui de la Gauche la mieux pensante et la plus écologique, aujourd’hui regroupée autour de la NUPES et de Jean-Luc Mélenchon, lider maximo comme Castro et grand conducător comme Ceauşescu.
Douglas Murray, avec la patience obstinée des journalistes anglo-saxons, accumule les exemples. Du côté des Blancs est l’horreur, « comme si le monde extra-occidental avait été un jardin d’Eden peuplé de parfaits innocents. » Que les Hutus aient génocidé les Tutsis n’intéresse pas nos modernes penseurs de la « fragilité blanche » — pour reprendre le titre de Robin DiAngelo (White Fragility, 2018), livre à succès cité par tous ceux qui veulent culpabiliser les Blancs, leurs enfants et leurs bébés à naître. Ni les partisans de la Théorie Critique de la Race, qui fait de la suprématie blanche, telle qu’elle s’exprime à travers la colonisation, le ressort de l’Histoire. Un bon moyen d’évacuer la lutte des classes, camarades…
C’est que « l’identité blanche est consubstantiellement raciste ; les Blancs n’existent pas en dehors du système de la suprématie blanche. » On aura remarqué le caractère tautologique d’une telle remarque : le Blanc est raciste parce qu’il est blanc, ce qui explique qu’il soit raciste. Le Noir, en revanche…
Et puis si l’on peut grappiller au passage des dédommagements… Ils veulent mettre la race au centre de la dialectique, mais le facteur économique se rappelle à leur bon souvenir, hein…
Même chose en géo-politique. « Les pays extra-occidentaux bénéficient ainsi de l’absolution pour des crimes contemporains qui n’ont rien à envier en matière d’horreur à tout ce que l’Occident aurait commis par le passé », écrit Murray. Il n’y a pas d’entorses aux Droits de l’Homme en Arabie Saoudite, ni au Qatar où nos bonnes consciences applaudiront bientôt un mondial de foot bâti avec le sang des milliers de travailleurs étrangers traités comme des bêtes.
Et puis il y a le ressenti d’individus chauffés à blanc (c’est le cas de le dire) par des médias complaisants. Peu après l’affaire Floyd, on sonda les Américains pour qu’ils disent selon eux combien d’Américains noirs sans armes auraient été tués par la police en 2019. « Chez les Américains qui se considéraient comme « très libéraux », explique Murray, 22% déclarèrent que la police avait tué au moins 10 000 noirs sans armes au cours de l’année précédente. Chez les simples libéraux, 40% des gens pensaient que les chiffres étaient compris dans une fourchette allant de 1000 à 10 000 personnes. Les chiffres réels plafonnaient à 10. »
Le conditionnement commence au berceau. Dans un ouvrage d’apprentissage de l’alphabet intitulé finement A is for Activist, Innosanto Nagara propose un L comme LGBT, T comme Trans ou X comme Malcolm. Les éditeurs français embauchent aujourd’hui, sur le modèle américain, des sensitivity readers chargés de traquer dans les manuscrits qu’on leur propose tout ce qui pourrait heurter l’exquise sensibilité de tel groupe de pression, telle communauté qui à 67% place l’islam au-dessus des lois de la République. Voltaire, Montesquieu, passez votre chemin.
Et les enseignants français se mettent au diapason des pédagogues américains de Buffalo, qui contraignent les jeunes enfants « à regarder des vidéos d’enfants noirs morts afin de leur inculquer la brutalité policière. » Après tout, des profs recrutés en quatre jours feront eux aussi de Zola l’auteur intouchable de « J’accuse », sans se soucier de savoir si L’Argent, par exemple, n’est pas un sommet de l’antisémitisme, et Nana un ramassis de complaisances sexistes.
Douglas Murray sillonne ainsi tout le champ de l’idéologie anti-raciste, qui est en train d’élaborer en toute bonne conscience, et sans que cela n’émeuve un quelconque juge, un racisme à l’envers qui est encore et toujours du racisme. Il passe ainsi en revue le discours sur l’Histoire (nous apprenons ainsi que Churchill est la cible préférée de cette cancel culture qui empêche Anne Hidalgo de réinstaller la statue de Montaigne au bas de la rue de Seine, et a imposé un référendum aux Rouennais pour savoir s’ils souhaitaient vraiment que l’on remette sur la place du Général-De-Gaulle la statue de Napoléon démontée « pour restauration ». Sans tambour ni trompettes, note Le Figaro. Dame : Bonaparte n’a-t-il pas rétabli l’esclavage aboli par la Révolution ?
La France, après tout, est ce pays où Houria Bouteldja, qui n’est pas du tout raciste, a publié en 2016 un essai qui n’essentialise pas du tout les groupes humains, intitulé Les Blancs, les Juifs et nous. Sous-titré « Vers une politique de l’amour révolutionnaire », il suggère de n’avoir de relations sexuelles qu’avec des racisés. Peur sans doute que la peau blanche ne déteigne sur les indigènes de la République — qui ne dédaignent pourtant pas faire de jeunes Blanches les esclaves de leurs ébats : voir blacksonblondes.com, site parfaitement répugnant et sommet du racisme décomplexé.
Sauf que le sperme qu’éjaculent ces malabars est blanc — fatalitas ! Pas un hasard : combien de Noirs — des Oncle Tom disait-on autrefois — participant aux activités blanches (par exemple le juge américain Clarence Thomas, qui a fait basculer la Cour Suprême du côté conservateur) sont de mauvais Noirs, blanchis de l’intérieur… Comme chantait Nougaro :
« Armstrong, un jour, tôt ou tard
On n’est que des os
Est-ce que les tiens seront noirs ?
Ce serait rigolo… »
Ça, c’est sûr que nous n’avons pas fini de rire — jaune. ■
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Nous entrons dans un monde où le racisme anti-blanc va être très tendance dans les milieux progressistes. Comme le disait la gauchiste américaine Susan Sontag dès les années 70 » la race blanche est le cancer de l’humanité ». Il ne faut pas manquer de lire les très importants essais de Douglas Murray ainsi que l’ouvrage du philosophe professeur à La Sorbonne Jean François Braunstein « la religion woke »