Comment on nous a trompés sur la mondialisation, l’Europe « aujourd’hui ouverte aux quatre vents », le revers et les coûts de l’écologie érigée en dogme, les effets pervers de la redistribution : Dimitri Pavlenko brise les tabous. Ce journaliste d’une nouvelle génération intelligente, talentueuse et soucieuse de l’héritage dont nous sommes porteurs, ne traite pas du pouvoir d’achat dans une optique démago-électoraliste. Il élargit le sujet, en soi économique, au souci existentiel de la France et des Français actuels.
Marc Baudriller. Les auditeurs et les téléspectateurs vous connaissent. Vous animez la matinale d’Europe 1, vous participez à « Face à l’info » sur CNews et vous publiez Combien ça va nous coûter ? aux Éditions Plon. Tout d’abord, une question personnelle : comment vous organisez-vous au quotidien pour être sur tous ces fronts à la fois ?
Dimitri Pavlenko. Le rythme de vie d’un matinalier est précis. On se lève vers 2 h 30 – 3 h 00 du matin, certains de mes collègues se lèvent encore plus tôt que moi, on arrive assez tôt à la radio. Bien entendu, le soir, on ne fait pas de vieux os, le week-end non plus, car on récupère de la semaine. Et puis, on fait une sieste dans la journée. Cela permet de lisser le temps de sommeil sur la semaine. Les études disent que l’important est de cumuler un certain quota d’heures de sommeil sur la semaine. Si vous dormez huit à dix heures le week-end et six ou sept heures le reste de la semaine, ça va ! Malgré tout, on vit avec une dette de fatigue permanente.
Quant au livre, j’ai lancé le projet avec mon premier éditeur Albin Michel, puis avec Plon, à une époque où je n’avais pas un programme aussi chargé. Je me suis demandé si j’allais l’écrire jusqu’au bout et je me suis dit que ça valait le coup. Quand l’éditeur m’a suggéré de travailler sur le pouvoir d’achat, en janvier 2021, il n’y avait pas d’inflation, la plupart des salaires étaient pris en charge par le gouvernement et le sujet du pouvoir d’achat n’existait pas politiquement. Mon éditrice m’a dit que ce serait le thème central de l’élection présidentielle. Elle a eu du flair.
M. B. Pourquoi vous êtes-vous intéressé à ce thème du pouvoir d’achat ?
D. P. Quand on parlait du pouvoir d’achat dans la presse, ça n’allait jamais très loin. J’avais l’impression d’une étiquette derrière laquelle on ne savait pas trop quoi mettre. Il y avait beaucoup de choses à dire, mais de manière éparpillée : sur le logement, l’alimentation, l’automobile, le coût de la vie et cette impression qu’ont les Français d’un certain déclassement, ainsi que des réflexions sur l’Europe, sur l’identité, sur qui nous sommes aujourd’hui, sur ce qu’est devenue la France. Tout ceci concerne le pouvoir d’achat. J’ai vu que hormis les livres d’économie qui expliquent le ratio entre les revenus et les prix, il n’y avait pas grand-chose. Il manquait un tour d’horizon plus large : sociologique, historique. De fil en aiguille, j’ai réalisé qu’il y avait un livre à écrire sur ce sujet. C’est un thème central dont on a parlé durant l’élection présidentielle et, malgré tout, peu de livres en parlent. Je pense être le seul à avoir écrit « pouvoir d’achat » sur la couverture.
M. B. Vous faites un travail très solide et très chiffré et en même temps très grand public. Vous abordez le thème du déclassement. Pourquoi les Français ont-ils l’impression d’avoir perdu du pouvoir d’achat depuis vingt ans, alors qu’ils en ont gagné ?
D. P. Statistiquement, depuis vingt ans, le pouvoir d’achat des Français a progressé, leurs revenus ont progressé davantage que les prix. Mais derrière cette moyenne se cache de profondes inégalités qui se creusent depuis quarante ans. Pour les plus modestes, les revenus ont peu progressé. De plus, il faudrait revoir la définition de la classe moyenne : il y a beaucoup moins d’homogénéité sociale que durant les Trente Glorieuses, lorsqu’on avait l’impression que nos enfants vivraient mieux que nous, quand on pouvait acheter sa maison et manger à sa faim. C’était cela, la classe moyenne. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus fracturé : quel est le point commun entre des gens qui gagnent 25.000 à 30.000 euros par an et ceux qui en gagnent 80.000 ? À l’autre extrémité de l’échelle sociale, il y a l’élite, les 10 % ou 20 % qui s’en sortent bien. Ils se distinguent socialement du reste de la société par une certaine vision du monde et de l’économie. Ils recoupent assez bien l’électorat d’Emmanuel Macron. Cette élite de masse voit ses revenus progresser beaucoup plus vite que les autres.
M. B. Vous dites en effet que plus on est riche, plus on gagne de pouvoir d’achat, ces cinq dernières années.
D. P. Cela s’appuie sur les chiffres de l’Institut des politiques publiques. Nous n’avons pas la même chanson si on écoute Bercy ! En septembre/octobre 2021, Bercy disait que tous les Français avaient gagné du pouvoir d’achat et que les plus modestes en avaient gagné davantage. Ce n’est pas vrai. Gagner 3 % ou 4 % de pouvoir d’achat quand on a un petit salaire, ce n’est pas pareil que 2 % ou 3 % pour un très gros salaire. Il y a une question de proportion et de volume.
Sur le sentiment de déclassement ressenti par les Français, qui serait contredit par la réalité statistique de gain de pouvoir d’achat, il faut regarder ces inégalités et la manière dont on gagne du pouvoir d’achat, aujourd’hui, en France. Il y a le travail et, de plus en plus, les pansements sociaux qui s’accumulent depuis quarante ans et deviennent « un socle de droits fondamentaux du pouvoir d’achat » qui font que le pouvoir d’achat est perçu comme une forme d’acquis social, de droit qui doit être réassuré par la puissance publique. On l’a vu au moment de la crise du Covid, lorsque le gouvernement a pris en charge les salaires de ceux qui étaient au chômage partiel. Ça continue aujourd’hui avec l’indemnité carburant, par exemple. On ne comprendrait pas, aujourd’hui, une absence d’intervention de la puissance publique en ces temps d’inflation. À la fin des années 1970, cela ne se serait peut-être pas passé de la même manière. Lors de la crise inflationniste, il n’y a pas eu ce réflexe de prendre en charge massivement les pertes de revenu générées par l’inflation.
M. B. N’y a-t-il pas une socialisation de l’économie ? On voit que la part du made in France s’effondre dans les catégories des biens fabriqués…
D. P. Le drame du pouvoir d’achat et de la France durant ces quarante dernières années est celui de la désindustrialisation. À la fin des années 70, après les deux chocs pétroliers, la France résiste assez bien, il n’y a pas d’effondrement massif. Au moment de l’élection de François Mitterrand, on a l’espoir que l’on va continuer sur la lancée des années 70. Or, ça n’a pas marché, le monde a changé, la planète s’est mondialisée, on est en concurrence avec le Japon puis la Chine. À l’heure du chômage de masse, le travailleur a perdu son principal levier de négociation, le plein-emploi qui lui permettait de demander une augmentation en raison de l’inflation.
Cette mécanique s’est arrêtée à partir du tournant de la rigueur en 1983. Cela dépasse la politique de François Mitterrand car il y a la mondialisation, l’émergence des révolutions thatchérienne et reaganienne qui changent complètement le logiciel économique de nos élites. On gérait l’inflation et la croissance du pouvoir d’achat par les salaires. Lorsqu’on cesse d’augmenter les salaires avec l’austérité salariale, on gère cela par les prix. Contrôler les prix est le seul moyen de piloter la croissance du pouvoir d’achat. Pour contrôler les prix, on délocalise, on part à l’étranger et on voit des chiffres dramatiques : l’horlogerie française qui était puissante passe à l’étranger ; dans le secteur automobile, la plupart des constructeurs français fabriquent leurs voitures à l’étranger, à l’exception des modèles sur lesquels ils peuvent marger encore et qu’on peut produire en France. Une petite voiture d’entrée de gamme produite en France serait vendue le double du prix de celle fabriquée au Maroc ou en Europe de l’Est.
M. B. Pendant des décennies, la mondialisation était pourtant présentée comme une source de prospérité…
D. P. Le discours dominant sur la mondialisation consistait à dire, in fine, que les vieilles puissances industrielles allaient gagner car on conserverait un avantage technologique sur les pays vers lesquels on délocalisait. Cette théorie est aujourd’hui remise en question. Avec la mondialisation, la France s’est retrouvée perdante. En revanche, l’Allemagne n’est pas une perdante de la mondialisation car elle a entrepris des efforts pour perpétuer le miracle économique. La France ne l’a pas fait dans les années 2000. Et cela contribue aujourd’hui à la crise du pouvoir d’achat.
Quant à l’Europe, elle a porté ce discours selon lequel l’ouverture était indispensable et apporterait la prospérité. Or, l’ouverture à la concurrence dans le cadre d’un marché strictement européen, pourquoi pas ? Mais on voit bien, en réalité, que l’Europe est un marché ouvert au monde entier, aux quatre vents. Face à l’industrie chinoise ou vietnamienne, l’industrie française ne sera jamais concurrentielle.
M. B. Dans l’alimentation, la France surtranspose les directives européennes. Nous produisons donc trop cher.
D. P. Oui, l’alimentation française est 25 % à 30 % plus chère qu’en Allemagne, par exemple. En effet, le pouvoir d’achat n’est pas l’alpha et l’oméga de toutes nos politiques publiques. Pourquoi la France surtranspose-t-elle les réglementations européennes en matière de normes environnementales ? C’est au nom de la qualité de notre alimentation. Il y a des enjeux contradictoires. Par moment, l’enjeu environnemental s’oppose à l’enjeu du pouvoir d’achat. Et le consommateur lui-même est pris dans ses contradictions : il souhaite manger bio et sainement, mais ça coûte plus cher. Il se retrouve à devoir effectuer des arbitrages qui sont difficiles et douloureux. Et la seule réponse que l’on peut apporter est d’offrir tous les possibles dans la distribution : de l’alimentation à bas coût dont la qualité sanitaire n’est pas exceptionnelle à une alimentation 100 % bio, mais très coûteuse.
M. B. La politique agricole n’est-elle pas prise en otage par l’Europe, notamment avec le programme « Farm to Fork » (« de la ferme à la fourchette ») ?
D. P. Le logiciel européen s’avère souvent problématique : en France, il a toujours quelque chose de dogmatique. « L’ouverture » a été le dogme, des années 80 jusqu’aux années 2000. Aujourd’hui, on est sur l’environnement et l’écologie. « Farm to Fork » (un programme européen qui vise à encadrer la production agricole avec un certain nombre de règles très contraignantes et coûteuses dans le but de verdir l’agriculture) n’est pas un plan aberrant en soi : il veut réduire la part de pesticides dans la production agricole. En regardant les projections faites par des instituts indépendants, et non par l’Europe qui nie les conséquences économiques et productives, on voit qu’il y aura une baisse significative de la production alimentaire européenne. Moins d’offre signifie mécaniquement, à demande constante, des prix plus élevés. Surgit donc cette question : « Notre système agricole mondial est-il en capacité de nourrir la planète, dans le contexte de la guerre en Ukraine ? » Cela paraît donc aberrant que l’on pousse à un tel programme. Même si on saisit l’enjeu environnemental et la nécessité de dépolluer notre alimentation. Nous poursuivons des objectifs contradictoires pour lesquels il faut poser des arbitrages.
M. B. Selon une enquête Ipsos de 2021, les deux tiers des Français estiment que notre pays doit se protéger davantage du monde. Les Français n’en ont-ils pas assez de la mondialisation ?
D. P. Ce sondage est assez limpide. Il révèle la fracture qui existe entre l’opinion publique et l’opinion publiée, soit le discours tenu par la majorité de nos élites qui tentent de s’affranchir du peuple sur de nombreux sujets. Rappelons le référendum de 2005 et le commentaire qui a été fait juste après : c’était peut-être une bêtise de faire ce référendum car le peuple n’a pas apporté la réponse que l’on attendait de lui ! Sur la mondialisation, on le voit aussi. Il y a un échec politique : peut-être la mondialisation a-t-elle été mal expliquée, comme le traité de Maastricht, dont on vient de fêter les trente ans, a-t-il été mal expliqué. On attendait du peuple autre chose que ce qu’il ressent et ce qu’il dit. C’est au cœur du drame français, comme disait Marcel Gaucher, et on le retrouve dans le sujet du pouvoir d’achat. Depuis quarante ans, les politiques ne disent pas ce qu’ils font, ils prétendent faire le contraire de ce qu’ils font réellement. Parfois, des politiques pleines de bonnes intentions s’avèrent des pièges. En 1995, avec la fracture sociale, Jacques Chirac comprend l’inquiétude populaire très forte qui s’exprime, le sentiment de ne pas être prêt pour le nouveau monde qui se présente devant nous. Ce thème de la fracture sociale va aboutir à la concentration de la redistribution sur la frange la plus pauvre de la population française. Quelques années plus tard, on a vu prospérer le thème de la critique de l’assistanat avec les débats sur l’assurance chômage. Pourquoi en est-on arrivé là ? Aujourd’hui, on se demande s’il faut baisser le niveau des allocations : des gens travaillent et voient à côté d’eux des gens qui ne travaillent pas et qui, par le jeu des allocations, arrivent à vivre aussi bien, voire même mieux qu’eux. Cette concentration de la redistribution sur les plus modestes a des effets pervers importants : cela mine le consentement à l’impôt, fait prospérer le thème de l’assistanat, cela génère artificiellement de l’égalité au bas de la pyramide sociale.
Les revenus des 10 % les plus modestes sont de 10.000 euros par an. Sur ces 10.000 euros, 1.500 euros seulement proviennent du travail. Le reste, c’est de la redistribution. Est-ce normal quand, de l’autre côté, vous avez des gens de la classe moyenne qui donnent beaucoup et reçoivent peu et considèrent que c’est une injustice ? Ces phénomènes minent la solidarité nationale et jouent à plein dans le sentiment d’une injustice, d’un dysfonctionnement de la société française. Et pourtant, l’intention de base de Jacques Chirac de lutter contre la fracture sociale et d’aider les plus pauvres était parfaitement saine.
M. B. Mais la réalisation a dévissé…
D. P. Oui, et s’installe dans l’opinion publique l’impression que le pouvoir d’achat est un droit qui doit être régulièrement réassuré par la puissance publique, alors que le pouvoir d’achat est la récompense du travail. C’est la récompense d’une politique industrielle, économique qui amène à la prospérité. Je recommande l’excellent livre de Nicolas Dufourcq sur la désindustrialisation. Il explique ce qui se passe de 1995 à nos jours, avec la perte de plus de la moitié de nos usines en 25 ans.
Nos voisins allemands ont réussi à s’installer confortablement dans la mondialisation en devenant un fournisseur de luxe de la Chine. Le processus mental qui se joue chez les Allemands est très loin de celui que nous vivons. En 2000, ils ont compris que pour se faire une place dans la mondialisation, réussir l’intégration de l’Allemagne de l’Est et revivre ce miracle économique qu’ils ont vécu au sortir de la guerre, il faut se retrousser les manches, accepter des sacrifices qui nous emmèneront à la prospérité dix ou quinze ans plus tard. Les Allemands ont fait ces choix et ça leur réussit pleinement. On retrouve ces efforts que les Français eux-mêmes ont consentis au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Les communistes disaient qu’il fallait mener la bataille de la production main dans la main avec les gaullistes. Il régnait un grand climat d’unité en France. Aujourd’hui, sur le moindre sujet, c’est la fracturation à tous les étages.
M. B. Vous abordez également le sujet des impôts. Vous évoquez les radars automobiles qui sont une véritable machine à cash pour l’État. L’amour des taxes n’explique-t-il pas une partie du mal français ?
D. P. Il faudrait passer une heure entière sur la fiscalité française pour voir toutes les bizarreries ! Les gilets jaunes ont montré à quel point le sujet routier était important, au-delà du prix du carburant. Les radars représentent un impôt caché. De plus, en l’espace de quinze ans, le prix moyen d’un véhicule neuf est passé de 19.000 euros à 27.000 euros. Dans le domaine automobile, l’inflation a fait bondir les prix de 50 % en dix ans. C’est considérable. Et l’on s’étonnera, aujourd’hui, que le marché du neuf se réduit comme peau de chagrin tandis que le marché de l’occasion ne cesse de grossir. Comme la maison, la voiture était un signe extérieur de richesse pour les gens. Aujourd’hui, c’est un outil. Quand le prix de cet outil devient prohibitif, on le ressent comme une vexation. On vit mal de ne pas pouvoir s’acheter le véhicule neuf que l’on pouvait s’offrir vingt ans en arrière. La voiture fait sauter aux yeux des gens la réalité de leur pouvoir d’achat. Les revenus n’ont pas baissé, les prix ont globalement moins progressé que les revenus, mais pour la voiture, vous voyez bien que l’inflation n’a pas démarré la semaine dernière.
M. B. Dans votre livre, vous abordez peu le thème de l’immigration pourtant lié au pouvoir d’achat. N’est-ce pas un élément majeur des défis de la France des années qui viennent ?
D. P. Je déplore que l’on ne puisse pas parler sereinement et de manière apolitique de l’immigration. Il n’y a pas de raison que ce soit un sujet dont on ne puisse pas parler. Je recommande, d’ailleurs, le livre de Stephen Smith La Ruée vers l’Europe qui explique bien les mécanismes en jeu. Le thème de l’immigration est périphérique de ma problématique du pouvoir d’achat. En effet, si vous voulez parler de l’école, il faut parler de l’immigration car elle conditionne les choix éducatifs de manière sectorielle. On n’a pas la même politique éducative dans les quartiers à forte concentration de population étrangère que dans le centre de Paris, où il y a une relative homogénéité scolaire, sociale et même de couleur de peau des élèves. Pour le pouvoir d’achat, j’aurais pu aborder le sujet en demandant si l’immigration était une menace pour les travailleurs français. C’est un vieux sujet dont la gauche s’emparait au XIXe siècle. Elle reprochait au patronat de faire venir des travailleurs de l’étranger car c’était une concurrence déloyale et cela faisait baisser les salaires. En France, nous avons une qualité de population immigrée assez peu diplômée, comparé à d’autres pays comme le Canada qui font le choix de faire venir des gens diplômés. Quelle incidence cette concurrence venue de l’étranger a-t-elle sur le niveau des salaires ? Elle est assez faible. Ce sujet soulève toujours des passions alors qu’en réalité, on devrait pouvoir en parler sereinement. C’est un phénomène socio-économique comme un autre. Quant au rapport avec l’école, l’enjeu dramatique qui rejoint le sentiment de déclassement est qu’aujourd’hui, dans cette société du roi diplôme, la concurrence ne cesse de se déplacer vers le haut. Pour un emploi à bac+3 ou 4, ce sont des gens à bac+5 qui vont postuler, car ceux à bac+5 voient se présenter à leurs emplois des gens à bac+8, etc. Ce phénomène fait que des personnes qui pourraient prétendre à un emploi avec un certain niveau de revenus n’y ont pas accès car ils sont concurrencés par des gens plus diplômés qu’eux. Cela contribue au sentiment de déclassement. Beaucoup le vivent eux-mêmes ou connaissent des gens qui l’ont vécu. Cette course effrénée à toujours plus de diplôme fait qu’il y a une déconnexion entre notre système éducatif et les emplois proposés. Le sentiment de déclassement est le cœur de ce livre. ■
Entretien par…
Dimitri Pavlenko est un des fleurons de l’émission « Face à l’Info » sur C News et ses interventions pertinentes contribuent à l’intérêt de cette émission.
Le sentiment de déclassement est le résultat d’une politique d’emploi basée sur la valeur des diplômes alors qu’aux USA par exemple on favorise la capacité et l’individu qui a fait ses preuves.
En France sans diplômes la réussite est rare et les avancements en grade difficiles , des gens restent au Smig toute leur vie alors que cela ne devrait être qu’une base.