Par Aristide Renou.
Il est étonnant que nous soyons étonnés du genre d’actes de vandalisme auquel se sont livrées deux militantes écologistes anglaises vendredi dernier, en aspergeant de soupe à la tomate un tableau de Van Gogh exposé dans la National Gallery.
Et notre indignation – si nous sommes indignés – est assez déplacée.
Ces jeunes iconoclastes sont nos enfants. Ils ne font que ce que nous leur avons appris à faire et ce qui s’est produit à Londres aurait pu se produire dans pratiquement n’importe quelle métropole occidentale.
Leur fanatisme écologique, c’est nous qui le leur avons inculqué, par l’école, par les médias, par les divertissements, par tous les moyens à notre disposition.
Un de mes contacts, enseignant dans le secondaire, écrivait récemment : « J’ai failli devoir sanctionner des élèves parce qu’ils hurlaient et me faisaient la leçon dès que j’allumais une lumière en me disant que moi je m’en foutais mais que, eux ils allaient hériter d’une planète en ruine à cause de moi (…) Je n’ai jamais vu un tel niveau de délire collectif que celui des collégiens sur la planète, on les fait grandir dans une névrose religieuse absolument irrationnelle, ils sont à deux doigts d’expliquer qu’on va aller en enfer si on allume la lumière quand il fait sombre. »
Ayant des enfants d’âge scolaire ou ayant échappé il y a peu aux griffes de l’éducation nationale, je suis bien placé pour savoir que cette description est malheureusement exacte. Au surplus il suffit pour le savoir de regarder autour de soi et d’avoir des yeux pour voir.
Nous leur avons martelé dès le plus jeune âge que « Laplanète » était en danger à cause de nous, êtres humains, que l’apocalypse climatique était pour demain et qu’après-demain ressemblerait à un mélange de Mad Max et de Soleil Vert et que ce serait bien fait pour nous.
Nous avons implanté dans leurs esprits malléables le mépris du passé et plus particulièrement le mépris de leurs ancêtres, que nous leur avons dépeints comme à la fois ridicules par leur ignorance et détestables par leurs préjugés : « avant » les gens croyaient que la terre était plate et ils brûlaient en place publique les femmes qui remettaient en question l’ordre patriarcal, et autres choses du même genre.
Nous leur avons appris très tôt que la beauté, l’intelligence, l’excellence morale et intellectuelle étaient choses subjectives et même suspectes, que toutes les « expressions artistiques » étaient également estimables et tous les « styles de vie » également respectables – à l’exception des mœurs et des opinions de nos grands-parents et de tous ceux qui les ont précédés, pour les raisons énoncées plus haut.
Nous les avons en conséquence soigneusement sevrés de beauté, d’intelligence, d’excellence, à part peut-être le genre excellence que l’on peut trouver sur un terrain de football ; nous avons soigneusement évité de les rendre fiers des grandes réalisations de leur patrie ; nous nous sommes bien gardés de leur donner le genre de discipline nécessaire pour apprécier pleinement l’excellence morale, intellectuelle, spirituelle, artistique, et par conséquent pour apprécier les grandes œuvres et les grands hommes du passé.
Nous les avons laissés absolument démunis face aux escrocs, aux fanatiques et aux démagogues, face à leurs propres passions et à leurs propres préjugés et, pour parachever notre œuvre, nous nous sommes prosternés à leurs pieds lorsqu’ils ont commencé à montrer publiquement les fruits empoisonnés du genre de culture que nous avons pratiqué en eux. Nous nous sommes pâmés devant les diatribes rageuses d’une adolescente manifestement très déséquilibrée, nous nous sommes esbaudis devant les slogans stupidissimes et les raisonnements puérils des jeunes gardes verts sortis de nos écoles et nous avons ainsi levé les dernières inhibitions qu’ils pouvaient avoir à tout détruire au nom de « Laplanète ».
La tentative de saccage d’un tableau de Van Gogh n’est que la conséquence logique de tout ce que nous leur avons appris et elle n’est sûrement ni la dernière ni la plus grave. Pourquoi respecteraient-ils un bout de toile peinte il y a fort longtemps par un mâle blanc sûrement infecté par tous les vices propres à sa race ? Pourquoi trouveraient-ils beaux et précieux ce que nous ne leur avons pas appris à apprécier à sa juste valeur ?
De toute façon, tout n’est-il pas permis à ceux qui ont pour mission sacrée de « sauver Laplanète » ? Si demain nos enfants prétendent rejouer avec nous la ballade de Narayama au motif que le bien de « Laplanète » exige notre disparition, quel droit aurons-nous de nous plaindre ? Peut-être, au moment d’être abandonnés à la mort au nom de la « préservation du vivant », réaliserons-nous bien tardivement que nous aurions dû moins nous soucier du monde que nous allions laisser à nos enfants et davantage du genre d’enfants que nous allions laisser au monde. ■
Précédemment paru sur la riche page Facebook de l’auteur (16 octobre).
Bien dit. Aristide Renou, comme Louis XIV, n’a que du bon sens, mais il en a beaucoup.
Pour autant, ses propos peuvent (malgré les intentions de son auteur) aboutir à un résultat pervers : délaisser la cause écologique à nos ennemis au motif qu’ils la défendent (mal).
C’est la malédiction de l’opposant culturel : se situant en opposition par rapport à tout ce que la société promeut, il peut se croire obligé de combattre tout ce que ses ennemis défendent. Ainsi, voyant que les héritiers de 93 se disent écolos, le royaliste est tenté de se dire climato-sceptique. Mauvaise stratégie, car outre l’incohérence de ce discours par rapport à ses convictions (être climato-sceptique, concrètement, c’est défendre un modèle de société que nous rejetons), notre royco se laisse dicter ses opinions par ses ennemis. Pire : il détermine ses idées par rapport aux leurs, ce qui est une forme subtile de soumission.
D’où l’importance pour les roycos de ne pas laisser l’écologie, la vraie, à leurs ennemis. En disant cela, je prêche à des convertis, car JSF avait eu l’intelligence de publier une série d’excellents articles sur l’écologie authentique.
Il n’empêche, j’espère BIEN que ces 2 crétines, défoncées à l’écologie , seront condamnées, elles ou leur famille, à payer les frais de restauration de l’oeuvre endommagée
Ce ne serait que justice.
J’apprécie au plus au point les textes d’A. Renou. Avec G. Legrand, je proposerais, hypothétiquement, d’explorer d’autres analyses. Pourquoi ces adolescentes ont-elle choisi les Tournesols de Van Gogh dont le lien avec la destruction de LaPlanète et la ploutocratie des jets et des milliards est plus que ténu ? Imaginons qu’elles aient visé, sans vraiment le détériorer, l’un des tableaux les plus chers du monde, au rebours de ses humbles origines, pour protester contre la spéculation et l’accaparement éhontés de collectionneurs-oligarques à fronts de taureaux. J’aimerais aussi l’idée qu’elles aient voulu protester contre une civilisation qui détruit la beauté de la nature, idolâtre à tort et à travers des « créations » monstrueuses (je ne pense évidemment pas aux Tournesols) et couvre la terre d’horreurs, parmi lesquelles, outre les zones commerciales et les architectures brutales, on peut ranger certains musées et autres « Opéra Bastille », séquestrant peu à peu toute beauté dans d’horribles écrins ; contre des musées conçus, non plus pour l’étude et la contemplation mais pour le tourisme de masse et ses profits. Laissons à ces jeunes filles le bénéfice du doute et même la possibilité d’une ironique subtilité : n’avaient-elles pas en main une boîte de soupe Campbell, l’un des thèmes chéris d’Andy Warhol?
Les analyses d’Alexandre Renoux sont tout à fait pertinentes ; là encore à propos de ce que peut inspirer cet acte de vandalisme , non point « acte gratuit » mais accompli au nom de « l’écologie » .
Il faudrait parler de défense de l’ environnement (naturel) , de préservation du patrimoine naturel afin de se démarquer de ces écologistes qui ne préservent rien en fait : dommages
faits au paysage par les éoliennes , élargissement d’autoroutes pour faciliter le transport routier international de marchandises , artificialisation des sols par la prolifération de ronds points en rase campagne , zones commerciales défigurant les entrées de villes et de bourgs ,
concentration urbaines avec densification des villes contrastant avec un véritable désert vert (tout le centre de la France) , abattage des arbres en bord de routes (au nom de la sécurité routière alors que l’on « se traîne »maintenant à 80 à l’heure maximum sur les départementales !) , développement du transport aérien qui semble ne devoir connaitre aucune limite ; et maintenant , en ville , ce sont les piétons qui doivent partager le trottoir avec les cyclistes et les trottinettes électriques -les nouvelles « mobilités »- outre la disparition des bancs pour se reposer un peu en cours de promenade , ce que commencent à remarquer ceux d’un certain âge .
Aristide Renoux et non Alexandre Renoux .
J’ai entendu vanter le fait que ces deux abruties pourries de vanité auraient choisi un tableau «protégé» par une vitre, si bien que, de cette façon, leur acte «gratuit» était bel et bien non onéreux… Et les commentateurs, du coup, de commenter comme il convient la chose, comme quoi, au fond, elle avait peut-être bien «du sens»…
Il s’agit tout simplement de «cinéma», de «comédie», de gesticulations idiotes qui n’ont rigoureusement aucune espèce d’impact polito-écologique mais, en revanche, qui meuble surabondamment le «climat» idéologique… On fait semblant de se réjouir d’une œuvre d’art épargnée – dont tous ces crétins se fichent comme d’une guigne et, d’ailleurs, la franche et honnête place d’une œuvre d’art n’est certainement pas dans un musée, mais chez le particulier qui en a fait l’acquisition auprès du peintre, particulier qui transmet cela à sa descendance ; ou bien, dans l’église qui en a passé commande… Tout le reste n’est que fioritures modernistes.
On s’en va se gargariser de la misère de Van Gogh et verser dans des poches en crocodile sous les yeux quelques bouillons lacrymaux obtenus de deux ou trois histrions à face de fesse… C’est parfaitement répugnant et torture pour mes boyaux.
En fait, cet événement n’est rien de plus ni de moins qu’une guignolade d’information comme une autre… Il importe peu qu’un Van Gogh soit barbouillé de ketchup, parce que c’est exactement le rôle que lui a assigné sa mise au placard muséographique. La sauce tomate ou la sauce «culturelle» sont sensiblement une seule et même tambouille.
Dans la Grèce antique, en face d’une incongruité, on lançait : «Quel rapport avec Dionysos ?!» Par référence à la réflexion d’un poète satyrique (dont je n’ai plus le nom en tête) qui réagissait en ces termes contre Phrynicos et Eschyle qui avaient introduit intrigues et pathos dans le plan tragique.
Par l’ici qui court : «Quel rapport avec l’art?!» «Quel rapport avec la nature?!»
Les écolos bobos en tee-shirts légendés, poils du caillou peinturés, gestique rockeuse, n’ont plus que sauce tomate dans les veines.
Il y a de «bonnes paires de claques dans la gueule» qui se perdent en vains coups de pied cul…
» Toute la question est de savoir si Shakespeare est supérieur à une paire de bottes, Raphäel à un bidon de pétrole. »
C’est dans « les Démons » de Dostoeiveki qui prophétise note époque par sa description du triomphe éphèmere des nihilstes qui ne peuvent rien fonder mais seulement détruire. . Mais aujourd’hui jusqu’où iront-ils ? Très bel article d’Artistide Renoux, qui ne mâche pas ses mots et prévoit suite à nos démissions par couches sucessives – le masque ayant dévoré la personne – notre mise au rancart par nos descendants au nom d’une pure idolâtrie , celle qui sévit actuellement, la planète. .
Pouvons-nous réagir? Oui, bien sür
P.S.
Oui, la place des oeuves d’art ne devrait pas être dans les musées mais plutôt dans les églises pour l’art religieux et dans des lieux vivants pour les ouvres profanes, mais c’est un autre débat,
Pouvons-nous réagir? Oui, bien sûr.