PAR RÉMI HUGUES.
Les Frey étaient membres de la secte de Jacob Franck qui professait la doctrine du « péché sacré » (avera lismah), qu’en 1714 le Rabbi Moshé Hagiz dénonçait ainsi : « Une secte considère toute personne impure qui se déshonore par des transgressions plus légères et plus graves, comme un saint […], que quiconque commet un péché et fait le mal est bon et honnête aux yeux de Dieu. »[1]
Cette justification du mal porte un nom : l’antinomisme, qui eut en 1789 comme porte-parole Danton, homme-lige de la secte franckiste et de son agenda ontologiquement peccamineux.
Le Mal s’immisçait au sein de notre patrie, au sommet du Pouvoir, ce qui fit dire à Joseph de Maistre la chose suivante : « Il y a dans la révolution française un caractère satanique »[2].
Jacques Bainville a souligné que la République, fille de la Révolution, a fait perdre sa vitalité à notre nation : « Nous sommes aujourdʼhui un de ces peuples à qui manque le ressort de la vie : une ambition directrice. Dans le courant de l’existence, les hommes privés de cet élément dʼactivité dʼabord, de fortune et de satisfaction ensuite, se sentent abaissés devant eux-mêmes et dʼailleurs méprisés par leur prochain. »[3]
Mais cette ambition destructrice, aurait pu faire remarquer René Girard, ne peut que reposer sur le principe mimétique. La France, au fond, c’est un projet monarchique de duplication de la Gaule, comme l’as mis en évidence Bainville : « le vieux programme national » consiste à « revenir aux limites de lʼancienne Gaule »[4]. Il soutient en effet que ce but « avait gouverné pendant près de mille ans, son existence : celle de conquérir ses frontières naturelles. Cette ambition nʼavait rien de chimérique, elle était précise, on pouvait en indiquer le dessin sur la carte, elle correspondait à toutes les réalités, à tous les besoins de la France. Pendant des centaines dʼannées, à travers toute sorte dʼobstacles, nos rois lʼavaient consciemment servie, et elle habitait obscurément la nation formée par eux »[5].
Et la République d’être une copie dégradée, une parodie, de ce dessein : « cʼest un des plus beaux titres de gloire dʼAlbert Sorel dʼavoir montré que volontiers ou non, poussés par une sorte dʼinstinct, sinon par lʼeffet de la vitesse acquise et du coup de barre donné, les conventionnels eux-mêmes reprirent la politique des Capétiens et obéirent au principe des frontières naturelles. »[6]
À l’époque où Bainville écrivait ces lignes, le régime républicain concentrait son attention non pas sur la poursuite de ce projet, qui aurait pu consister par exemple à chercher à récupérer la rive gauche du Rhin, mais seulement sur la volonté de recouvrer les provinces perdues, l’Alsace et la Moselle.
Le fil conducteur de cette histoire multi-millénaire est de surcroît la centralisation du pouvoir, d’une intensification croissante : la Gaule était totalement décentralisée ; « les rois de France ont centralisé, mais, nous dit [Maurras] ils laissent cependant subsister des entités capables de se défendre alors que le pouvoir républicain les anéantit », explique Pierre de Meuse.[7]
Mais cet affrontement, ou du moins cette tension, dont nous parle Roche-Noël en exergue de son essai, au lieu de concerner l’Un et le Commun, autrement dit le roi et son peuple, ne porterait-il pas sur la nature du projet, dans le sens où deux desseins coexisteraient voire s’opposeraient ?
Éric Zemmour, dans Mélancolie française (2010), insiste sur une autre ambition directrice, celle de restaurer l’Empire romain. Effectivement, dans notre histoire contemporaine, il y eut les deux Empires napoléoniens, puis l’Empire colonial, et, dernier avatar de ces processus mimétiques, l’Union européenne. Vous remarquerez que c’est quand la France a décolonisé qu’elle a en même temps construit l’Europe, au mitan des années 1950[8].
Terminons par un conseil au lecteur : ne perdez pas votre argent à acheter le dernier livre d’Alphée Roche-Noël ni votre temps à le lire, il n’en vaut le peine. ■ (Suite et FIN).
[1]Cité par David Banon, Le messianisme, Paris, PUF, 1998, p. 84-85.
[2]Joseph de Maistre, Considérations sur la France, Paris, Garnier, 1980, p. 56.
[3] Jacques Bainville, Journal, Paris, Plon, 1948, 18 août 1906.
[4]Idem.
[5]Idem.
[6]Idem.
[7]Pierre de Meuse, Idées et doctrines de la Contre-révolution, Poitiers, DMM, p. 90.
[8]Concomitance relevée par les historiens Pieter Lagrou (cf. son article « Europe in the world : imperial legacies », 2009) et Laura Kottos, auteur d’« Europe ou Empire ? Un choix difficile à la veille du Traité de Rome » (2008).
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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J’aime bien les analyses de Rémy Hugues, mais, pourquoi ce détour par Jacob Franck, c’est stupide, cela ne concerne que le judaïsme, et que viens faire Danton ds cette histoire ??
C’est un parallèle déplorable !