Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
Jeudi 27 octobre, au lendemain de sa piètre prestation télévisée (France 2) où il est apparu comme un vulgaire politicien un peu retors et rien moins que jupitérien, c’est en chef des armées que M. Macron s’est rendu dans le département du Cher où les sites industriels militaires sont nombreux. Un président attendu car on savait déjà qu’il devrait prononcer un discours « important » sur la défense le 9 novembre à Toulon. Et, de fait, il a évoqué à Bourges l’impérieuse nécessité d’une « économie de guerre ».
On l’attend donc, à nouveau, après-demain sur les options stratégiques françaises et la loi de programmation militaire 2024-2030. Le document remis à l’A.F.P. présente la liste d’une dizaine d’objectifs stratégiques : nous avons noté avec intérêt l’importance accordée à la dissuasion nucléaire et à l’action dans les champs hybrides (numérique, espace, fonds sous-marins) ; avec scepticisme la référence à l’espace euro-atlantique et à l’autonomie européenne.
Pour ce qui est du financement, il convient d’abord de rappeler quelques chiffres. Le budget annuel de la Défense nationale est allé en décroissant continûment de 2009 à 2014 (d’environ 35 à 31 milliards d’euros) avant de croître régulièrement jusqu’à une quarantaine de milliards en 2022 – une rallonge de 3 milliards ayant été décidée pour le budget 2023. Quant à l’exercice 2024-2030, il devrait bénéficier d’une augmentation relativement importante puisque la moyenne annuelle se situerait dans une fourchette d’une cinquantaine à une soixantaine de milliards. Il va sans dire que le montant retenu donnera une idée du sérieux des ambitions élyséennes – d’autant qu’on doit s’attendre à une forte hausse de tous les coûts durant les prochaines années.
La guerre en Ukraine aura eu le mérite de souligner l’état de dénuement de nos propres forces armées. L’aide directe de la France en matériel militaire a pu sembler limitée (par exemple, quelques canons Caesar). Or, c’est bien cela qui a fait prendre conscience de la gravité de la situation : ce peu (18 canons) est en fait beaucoup (25% du parc), et même trop puisqu’il a fallu se hâter de passer commande pour les remplacer. « Nous sommes à l’os » disait le général de Villiers quatre mois après sa démission (Paris Match, 21 novembre 2017). Certains spécialistes de la chose militaire sont ainsi allés jusqu’à affirmer qu’en cas de conflit conventionnel, nos troupes n’auraient pas les moyens de tenir une ligne de front supérieure à 80 ou 100 km. Il est donc grand temps de retrouver un niveau suffisant en matériels et de reconstituer des réserves. Si M. Macron l’a enfin compris, c’est tant mieux.
Cette guerre a par ailleurs été l’occasion, pour l’U.E. et la quasi-totalité de ses membres, de confirmer leur attachement à l’Otan – l’Allemagne, ayant même fait le choix explicite de geler ou d’abandonner les divers projets de défense franco-allemands et d’annoncer que son réarmement n’aura d’autre but que de renforcer la défense transatlantique. Cette Europe-là n’est donc pas et ne veut pas être maîtresse de son destin, s’en remettant en fait, pour le meilleur ou pour le pire, aux États-Unis d’Amérique. En clair : l’Union européenne ne sera jamais une véritable puissance politique et militaire. Mais une autre Europe reste toujours possible – et souhaitable. Pour y jouer pleinement son rôle, la France doit absolument conserver une défense nationale suffisamment forte et crédible. M. Macron n’en est manifestement pas encore là mais on ne peut qu’approuver tout ce qui pourra être fait pour maintenir et améliorer nos capacités militaires.
Enfin, l’économiste Pascal Perri, revenant sur la sanctuarisation du budget de la Défense nationale (L.C.I., 27 octobre) a prêté au président la formule « quelle que soit la situation économique ». Comment ne pas rappeler encore ici les propos du général de Villiers ? Le 13 juillet 2017, encore chef d’état-major des armées, il demandait avec fermeté dans Le Figaro « le respect scrupuleux des engagements pris à l’égard du budget de la Défense nationale », c’est-à-dire ne plus recourir à des coupes dans les budgets en cours et, ipso facto, les sanctuariser. Ce ne devait pas être à l’époque l’avis de M. Macron puisque le général de Villiers a démissionné six jours plus tard, soit trois mois seulement après l’élection présidentielle. S’il en allait désormais autrement, ce serait une bonne nouvelle. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
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