L’armistice de la guerre franco-prussienne de 1870 entérine l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine au profit du tout nouvel Empire Allemand.
Ce chant fait référence à la ville alsacienne de Strasbourg, qui a subi un siège de 43 jours sous les bombardements allemands entre août et septembre 1870, et qui fut de fait annexée à la fin de la guerre. Elle témoigne en outre du fort sentiment d’attachement à la France et du sentiment d’inimité à l’égard des Allemands de la part des populations occupées.
Ce n’est qu’en 1918, à la fin de la première guerre mondiale, que la ville redevint française.
Paroles
Petit papa c’est donc la mi-carême,
Car te voici déguisé en soldat
Petit papa dis-moi si c’est pour rire,
Ou pour faire peur aux tout petits enfants ? (bis)
–
Non mon enfant je pars pour la patrie,
C’est un devoir où tous les papas s’en vont,
Embrasse-moi petite fille chérie,
Je rentrerai bien vite à la maison. (bis)
–
Dis-moi maman quelle est cette médaille,
Et cette lettre qu’apporte le facteur ?
Dis-moi maman, tu pleures et tu défailles
Ils ont tué petit père adoré ? (bis)
–
Oui mon enfant ils ont tué ton père,
Pleurons ensemble car nous les haïssons,
Quelle guerre atroce qui fait pleurer les mères,
Et tue les pères des petits anges blonds. (bis)
–
La neige tombe aux portes de la ville,
Là est assise une enfant de Strasbourg.
Elle reste là malgré le froid, la bise,
Elle reste là malgré le froid du jour. (bis)
–
Un homme passe, à la fillette donne.
Elle reconnaît l’uniforme allemand.
Elle refuse l’aumône qu’on lui donne,
À l’ennemi elle dit bien fièrement : (bis)
–
Gardez votre or, je garde ma puissance,
Soldat prussien passez votre chemin.
Moi je ne suis qu’une enfant de la France,
À l’ennemi je ne tends pas la main. (bis)
–
Tout en priant sous cette Cathédrale,
Ma mère est morte sous ce porche écroulé.
Frappée à mort par l’une de vos balles,
Frappée à mort par l’un de vos boulets. (bis)
–
Mon père est mort sur vos champs de bataille,
Je n’ai pas vu l’ombre de son cercueil.
Frappé à mort par l’une de vos balles,
C’est la raison de ma robe de deuil. (bis)
–
Vous avez eu l’Alsace et la Lorraine,
Vous avez eu des millions d’étrangers,
Vous avez eu Germanie et Bohème,
Mais mon p’tit cœur vous ne l’aurez jamais,
Mais mon p’tit cœur lui restera français !
Alsacien pure laine par mes origines, d’une famille francophile mon arrière-grand -père Jean-Baptiste Fleurent royaliste et admirateur du grand avocat Berruyer, démissionna du barreau de Colmar en 1879 quand ll n’eut plus le droit de plaider en français dans l’Alsace annexée. Je reste toutefois dubitatif et réservé sur le sentimentalisme douteux et complaisant de cette fameuse chanson » La Strasbourgeoise »…
Elle fait l’impasse sur nos responsabilités : nous avons déclenché la guerre en 1870 sans aucun motif valable ni sur le fond ni sur la forme. Abréger une entrevue l’Ambassadeur de France n’est pas un motif sérieux et tomber dans le piège de la dépêche d’Ems est d’une rare bêtise. La bêtise est sans honneur. Nous avons suivi une opinion publique surchauffée, travaillée depuis longtemps par la légende napoléonienne, qui voulait prendre sa revanche de 1814. Plutôt que de pleurer sur les conséquences douloureuses de cette guerre perdue il aurait mieux valu opérer un sérieux examen de conscience, un retour sur nous-même pour exorciser cette guerre civile européenne initiée en 1792 et recommençant en 1870, sans parler des conflits suicidaires pour l’Europe qui ont suivi. Faute de l’avoir vraiment fait et de revenir tout de suite au Comte de Chambord nous avons idolâtré la revanche au nom du patriotisme révolutionnaire.
Entièrement d’accord avec vous, Henri. Cette chanson n’est pas ce que l’esprit français a fait de mieux. Elle glorifie la haine, face à un ennemi à qui l’on reproche d’avoir tué à la guerre. Elle parle de la cathédrale de Strasbourg écroulée (?). J’avoue que ce type de rengaine me donne de l’urticaire, et il en serait de même si elle attisait la haine contre les Anglais ou les Espagnols. Remarquez, il y a pire encore dans le genre: la chanson « patriotique » de Villemer et Delormel, intitulée « le fils de l’allemand ». Le thème est le suivant: un officier prussien arrive dans une ferme pour demander de l’aide car sa femme qui allaitait son enfant vient de mourir:
« Femme, dit l’officier, écoute ma prière
Pour lui donner ton lait je t’apporte un enfant
Dis-moi si tu consens à lui servir de mère
Moi je suis un soldat du pays allemand
Ce fils sur la terre Lorraine
M’est né d’hier et sans compter
Je paierais tes soins et ta peine
Vois, sa figure est rose et blonde
Tu peux le sauver du trépas
Sa mère en le mettant au monde
Vient de mourir entre mes bras. »
Mais la fermière rétorque que, son propre fils a été tué pendant la guerre:
« Quand tes soldats saouls de carnage
Mirent le feu dans mon hameau
Et sans pitié pour son jeune âge
Tuèrent l’enfant dans son berceau »
Et la chanson conclut sur ce couplet vengeur:
« Va passe ton chemin, ma mamelle est française
N’entre pas sous mon toit, emporte ton enfant
Mes garçons chanteront plus tard la Marseillaise
Je ne vends pas mon lait au fils d’un Allemand. » Sans commentaire.
Je partage également vos considérations sur le déclenchement de la guerre de 1870. Cela dit, il y a aussi beaucoup à dire sur les conditions dans lesquelles s’est faite l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine. Sur les instances pressantes de Guillaume I° de Prusse, Bismarck s’était contenté (à contrecoeur) de demander la cession de Strasbourg. Et Napoléon III avait signé un accord sur ce point, qui devait permettre le retour des troupes allemandes outre Rhin. Mais le « gouvernement de défense nationale » républicain refusa de reconnaître cet accord et proclama la « guerre à outrance » plutôt que de céder un arpent du territoire. Le résultat, nous le connaissons, et l’ambassadeur de Grande Bretagne commentait cette décision irréaliste: « Ce gouvernement devrait plutôt s’appeler de démence nationale ». D’où une période de six mois de guerre brouillonne perdue d’avance, qui nous coûtera 14.000Km2 et une indemnité de 5.000.000 de francs or. De surcroît, le gouvernement républicain décrète la levée en masse, mais tous les volontaires ne sont pas traités de la même façon. Si l’on est soupçonné d’être royaliste, comme les volontaires de l’ouest, pas question de recevoir des armes ; tels sont les ordres exprès du sinistre Gambetta. Et les volontaires bretons seront parqués au camp de Conlie, dans des conditions épouvantables de malnutrition et d’insalubrité, qui causeront la mort de 1200 jeunes français, bien mal récompensés de leur patriotisme. Dès le départ, la république se défend bien mais défend mal le pays.
D’accord avec les commentaires qui précèdent .
Les républicains , après Sedan , ont voulu l’utilisation de « francs tireurs » contre les troupes régulières prussiennes ; ce fut un jeu dangereux . Ne peut on se demander, d’autre part, si cela ne devait aboutir à l’usage du terrorisme lors des conflits du vingtième siècle et suivant ?
Je suis heureux de voir que je ne suis pas le seul à ne pas porter la Strasbourgeoise dans mon cœur. Aux excellents commentaires de Henri et Antiquus, j’ajouterais que la responsabilité de la guerre de 1870 incombe moins à Napoléon III qu’à l’opinion publique française (curieusement plutôt pro-prussienne jusqu’alors) et que jusqu’à Sedan, les républicains souhaitaient plutôt la victoire des princes allemands coalisés pour faire tomber l’Empire. Comme quoi, la république est décidément le régime de l’étranger.
Merci à Antiquus, Grégoire et Richard de leurs précisions sur cette période bien oubliée.
Merci également ! J’ai appris bien des choses.