Ce grand entretien réalisé par a été publié dans le Figaro, hier 15 novembre. François Lenglet, au fond, poursuit sa réflexion sur « L’échec libéral » objet de son livre paru en 2020, Tout va basculer. Je Suis Français en avait publié et commenté de larges extraits via une série d’articles de juin 2020. On aurait grand intérêt à s’y reporter en utilisant le moteur de recherche. (François Lenglet : « Tout va basculer » … L’échec libéral). François Lenglet emploie le vocabulaire d’actualité mais sans manquer de réalisme et de lucidité. Bien-sûr, l’on peut en débattre.
GRAND ENTRETIEN – Des pénuries à l’inflation, les mauvaises nouvelles qui se multiplient illustreraient un changement en profondeur du monde dans l’ordre politique et économique. Or, une fois une période de transition achevée, argumente le journaliste économique et essayiste, cette transformation pourrait déboucher sur un modèle plus favorable à l’emploi et aux salariés.
« L’essor du populisme traduit l’écart entre la demande politique émanant des électeurs et l’offre des partis politiques traditionnels, qui est encore sous l’influence du cycle libéral et de ses valeurs » François Lenglet
La thèse défendue par François Lenglet dans son nouveau livre, Rien ne va, mais… (Plon), a de quoi surprendre. Et dans ce nouveau modèle plus favorable à l’emploi et aux salariés, où l’État joue de nouveau un rôle central, la France pourrait tirer son épingle du jeu, à condition de ne pas céder à sa passion de la redistribution et de rebâtir une véritable politique industrielle..
LE FIGARO. – Votre livre se veut résolument optimiste. Si nous touchons le fond d’un point de vue économique, ce serait pour mieux remonter demain…
François LENGLET. – C’est vrai qu’on a le sentiment d’une accumulation de catastrophes: l’épidémie, la guerre en Ukraine, le réveil des empires menaçants et autoritaires, l’inflation, les pénuries, avec, en plus, la crise climatique. Comme autant de météores qui seraient tombés dans notre jardin. Mais c’est un sentiment fallacieux. Car nombre de ces phénomènes sont en réalité les conséquences d’une même cause, une crise de transition nous faisant quitter le monde libéral pour un autre, très différent, qui apparaît. Ce monde libéral est né en 1989 avec la chute du Mur, qui avait ouvert une période de mondialisation, car le risque géopolitique avait disparu avec la victoire de l’Amérique sur l’URSS. Une période où le capital, sans entrave, avait pris l’ascendant sur le travail. «Bien sûr que la lutte des classes existe», disait alors le milliardaire Warren Buffett, «la meilleure preuve, c’est que nous l’avons gagnée.»
Une période où la disparition des frontières et l’irruption, sur le marché mondial, de centaines de millions de travailleurs supplémentaires – l’ouverture de la Chine, l’intégration de l’Europe de l’Est – ont fait baisser les coûts de production et les salaires non qualifiés, au point que l’inflation avait disparu. C’est fini. La guerre en Ukraine est le double inversé de la chute du Mur, c’est l’autre borne, terminale, du cycle libéral. La puissance américaine est désormais contestée de tous côtés, l’économie mondiale se fragmente car la Chine et la Russie sont en train de s’en détacher, la géopolitique reprend l’ascendant sur l’économie. Dans ces conditions, bien évidemment, l’inflation revient, d’autant plus qu’on a arrosé d’essence les braises naissantes en créant des milliers de milliards d’argent factice avec le «quoi qu’il en coûte» mondial.
Y a-t-il vraiment de quoi se réjouir de ce nouveau monde ?
Oui, je le pense. Au-delà de la période de transition, qui est désagréable, on voit poindre l’inversion de deux rapports de force. D’abord un rééquilibrage entre le producteur et le consommateur. Ce dernier était le grand gagnant de l’ère libérale, la référence à partir de laquelle s’est ordonnée l’économie mondiale – et les politiques européennes comme celles de la concurrence ou de l’énergie. Les priorités changent. C’est désormais la question de la sécurité des approvisionnements qui prévaut, quoi qu’il en coûte, justement. Pour les médicaments, l’électricité, la chaîne alimentaire. Dans un monde fragmenté, la question clé, c’est la disponibilité des produits, et non plus leur prix. L’inflation n’est jamais que la mesure de ce nouveau rapport de force. Cela devrait être favorable à l’emploi et aux salaires chez nous, car les risques associés à la délocalisation se sont fortement accrus, avec le risque géopolitique.
L’autre couple qui bascule, c’est le capital-travail. Le travail reprend la main, sous l’effet lent mais très puissant du vieillissement démographique, qui raréfie la ressource humaine dans la plupart des régions connectées à l’économie-monde. C’est le mouvement inverse à celui qui s’était produit il y a quarante ans. Et, au sein même du travail, une autre inversion se produit. Le travail qualifié, gagnant de naguère, est plus exposé à la concurrence internationale à cause de l’essor du télétravail, qui a dissocié l’activité de la présence physique. Alors que les salariés qui doivent être sur site, généralement les moins qualifiés, ne sont pas substituables. Ils tiennent aujourd’hui leur revanche. Aux États-Unis, ce sont leurs salaires qui augmentent le plus vite en ce moment, dans la zone euro également. Le prix du réel remonte, tant pour les hommes que pour les produits. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si intervient au même moment le krach boursier du virtuel, celui des cryptomonnaies, des réseaux sociaux ou du métavers. Nous revenons sur le plancher des vaches.
N’assiste-t-on pas à un déclin inexorable de l’Occident ?
Si, mais Oswald Spengler le disait déjà en 1918! C’est le déclin de l’Empire britannique qui a ouvert cette phase, après la Première Guerre mondiale. Le siècle de l’Amérique qui a suivi nous a offert un répit, mais il se termine. Là encore, la logique démographique exerce ses effets impossibles à contrer. Toutefois, gardons en tête deux réserves. D’abord, ceux qui nous ont fait décliner déclinent à leur tour. La Chine est à la veille d’un choc démographique majeur, un vieillissement accéléré qui va mettre à mal ses rêves de puissance. Ensuite, l’Occident conserve, outre ses capacités militaires et technologiques, une forte puissance d’attraction. Le rêve de tout immigré, malmené dans son pays pour des raisons politiques ou économiques, quelle que soit sa nationalité, c’est de s’installer en Amérique ou en Europe. Pas à Moscou ou à Pékin. Regardez ce qui s’est passé lors de l’enterrement d’Elizabeth II. La cérémonie a été retransmise auprès de 4 milliards de Terriens. Quand Xi Jinping cassera sa pipe, il y aura probablement moins de monde devant la télévision. Il n’intéresse personne, son message politique est informe et rudimentaire, même les Soviétiques de Brejnev avaient plus de pouvoir d’attraction que les dirigeants chinois d’aujourd’hui grâce aux relais des partis communistes occidentaux.
J’ajoute que si l’Europe est la principale victime de la crise de l’énergie, elle a jusqu’ici fait montre d’une unité remarquable face à la Russie. Unité qu’on avait observée aussi pendant la pandémie, lorsqu’il a fallu coordonner l’approvisionnement du continent en vaccins. L’Europe avait perdu sa raison d’être lorsque les régimes communistes sont tombés, car auparavant, elle était, en quelque sorte, soutenue par le rideau de fer qui la séparait de l’antimonde totalitaire. Face à la Russie d’aujourd’hui, sa légitimité renaît naturellement. C’est l’expérience du danger qui fortifie la conscience de soi. Cela tempère les considérations sur le déclin bien réel de l’Europe au plan économique et démographique.
Paradoxalement, l’inflation est, selon vous, une bonne nouvelle ?
L’hyperinflation est dévastatrice, mais l’inflation n’a rien de dommageable en elle-même. Dans les années 1960, fortement inflationnistes, les Français étaient-ils plus malheureux qu’aujourd’hui? Les Chinois des années 1990 et 2000, qui connurent aussi une hausse des prix annuelle à deux chiffres, étaient-ils mécontents? Non. Comme tout phénomène économique, la hausse des prix fait des gagnants et des perdants. Tout dépend donc d’où l’on parle. C’est à l’évidence un problème pour les détenteurs de capital et ceux qui vivent de rentes, en gros la population la plus âgée. Parce que l’inflation érode leurs revenus. Et comme ce sont eux qui ont conçu le discours dominant pour servir leurs intérêts, l’inflation est critiquée de toutes parts.
Mais pour un jeune couple qui s’endette pour acheter un logement, l’inflation est une bénédiction car, pourvu que les revenus soient indexés, ça permet de rembourser en monnaie de singe! C’est ainsi que les baby-boomers ont constitué leur patrimoine, en escroquant leurs parents. Les mêmes qui nous chantent la messe sur les vertus de la désinflation sont ceux qui ont le plus profité de l’inflation quand ils étaient jeunes… Soyons sérieux. La vraie question, et la seule, ce sont les modalités d’indexation des revenus, des salaires en particulier. C’est la grande question politique qui nous attend si, comme je le pense, l’inflation est durable. Il me paraît inévitable, et souhaitable, qu’on s’oriente vers une indexation progressive. Dans une économie pour partie démondialisée, la perte de compétitivité sera moindre qu’auparavant.
Cela va-t-il permettre à l’État français d’échapper au remboursement de sa dette ?
Cela semble probable. L’inflation, pour les agents endettés, c’est l’ardoise magique: elle dévalue les créances, en spoliant le prêteur. L’allégement des dettes et l’euthanasie des rentiers, pour reprendre la célèbre formule de Keynes, ce sont les deux faces de la même pièce. On ne peut pas avoir l’un sans l’autre. Vue de Sirius, l’extraordinaire accumulation de dettes au plan mondial, sans précédent historique sinon en temps de guerre, ne peut se régler que de deux façons: la faillite ou l’inflation. Dans le premier cas, le prêteur s’effondre avec le débiteur, c’est toute l’économie qui s’arrête – comme durant la crise des années 1930. Dans le second, le prêteur s’appauvrit, c’est ennuyeux pour lui, mais moins pour les autres. Ça fait beaucoup moins de dégâts.
Dans ce nouveau monde, la France peut-elle tirer son épingle du jeu, notamment en Europe ? L’Allemagne va-t-elle perdre son hégémonie ?
On peut penser que le monde qui vient est plus favorable à la France que celui qui se termine, parce qu’il sera politique plus qu’économique. La France possède encore une diplomatie et des forces armées parmi les plus avancées du monde, c’est l’héritage de son passé prestigieux, exactement comme le Royaume-Uni. Ce sont des atouts dans un univers fragmenté où il faut composer des alliances. C’est l’heure de Talleyrand qui revient, alors que celle des marchands s’efface. À l’inverse, l’Allemagne a plus de difficultés aujourd’hui, car elle était la grande gagnante du cycle paisible qui se termine. D’abord parce qu’elle en a profité pour se réunifier, et ensuite parce qu’elle a pu faire valoir ses atouts commerciaux hors du commun, dans un monde sans aspérités. Mais les deux piliers de son modèle économique, une énergie russe peu chère et un marché chinois sans limite, sont ébranlés. Sans compter la flambée des prix et des salaires dans son hinterland industriel, l’Europe de l’Est, un facteur de perte de compétitivité de plus.
Une Allemagne en insécurité sera-t-elle un partenaire aussi amical qu’auparavant ?
Rien n’est moins sûr. Le «germano-centrisme» affirmé du chancelier Scholz est peut-être le premier signe de cette inquiétude nouvelle. Pour revenir à la France, c’est l’efficacité problématique de l’État qui pourrait constituer la vraie menace. Face aux risques géopolitiques et stratégiques, saura-t-il encore bâtir une politique industrielle qui garantisse l’avenir de la nation? La débâcle du nucléaire français est un exemple inquiétant à ce sujet. Voilà trente ans que notre passion pour la redistribution dévore tous les moyens financiers publics, au détriment des services publics et de l’État régalien, et que les compétences ont pour partie déserté la haute fonction publique. Dans le monde d’hier, le paramètre clé était la compétitivité des entreprises. Dans celui de demain, la compétitivité de l’État sera fondamentale.
Le nouveau modèle qui se dessine répond, selon vous, à une demande d’ordre à la fois politique, sécuritaire et économique, émanant d’une large classe moyenne malmenée quasiment dans tous les pays occidentaux. N’y a-t-il pas un risque que le mouvement de balancier soit trop brutal et s’accompagne d’une réduction des libertés individuelles ?
C’est un vrai risque, car le désir de liberté s’est affaibli au profit du désir de protection. On peut d’ailleurs interpréter le durcissement des «démocratures» telle la Turquie et des dictatures telles que la Chine comme l’expression de cette demande d’ordre qui sourd de tous les côtés et dans tous les pays. Il y a vingt ans, Erdogan représentait l’espoir libéral pour son pays. Il s’est transformé, sous l’effet de cette puissante vague politique. Xi Jinping a parcouru exactement la même trajectoire. Dans nos pays, la demande politique est la même, mais les partis traditionnels ne veulent pas y répondre, parce qu’ils la jugent régressive, sauf au Royaume-Uni, où les conservateurs se sont approprié le Brexit pour y répondre, et peut-être en Israël avec l’évolution du Likoud – c’est un autre cas particulier à cause de l’état de guerre que connaît le pays. Dans les autres pays démocratiques, France comprise, l’expression de cette demande d’ordre est la progression des partis dits populistes, voire leur victoire, comme en Suède ou en Italie ces dernières semaines. L’essor du populisme traduit l’écart entre la demande politique émanant des électeurs et l’offre des partis politiques traditionnels, qui est encore sous l’influence du cycle libéral et de ses valeurs. En Europe, ces partis se sont montrés incapables de rénover leur offre. En ne voulant pas s’intéresser aux frontières, à l’immigration, à l’insécurité, au protectionnisme économique, ils ont offert le monopole de la protection aux extrémistes. ■
Il est tout de même très fort, Lenglet… mais il n’ose pas poursuivre plus loin…
Il est détestable d’opposer les générations comme le fait ce chroniqueur économique ».
Les « baby-boomers ont constitué leur patrimoine, en escroquant leurs parents », selon lui .
A ce compte là, ceux qui suivent et qui attendent le « transfert » (situations ou patrimoines avantageux), sont qualifiés de « hyènes » par les plus âgés de ces « baby-boomers » !
Sur site calculateur d’ inflation depuis début 1901 jusqu’à 2022 .
1000 francs en janvier 1965 correspondent à 1203 francs pour décembre 1969 soit une hausse de 20,3 pour cent pour cette période de 5 ans (et malgré mai-juin 69) c’est cela la « forte inflation des années 60″ ?
L’article parle d’escroquerie de la part de la génération »baby-boom » mais semble favorable à une inflation au bénéfice de ceux qui vivent à crédit . N’y a -t-il contradiction ?
Intéressante mais bien seule dans cet entretien: la remarque relative à la »période où la disparition des frontières et l’irruption, sur le marché mondial, de centaines de millions de travailleurs supplémentaires… » Ajoutons : travailleurs et consommateurs, notamment pour nos « articles de Paris », de luxe ou prétendu tels, ainsi que pour nos géants de la distribution (Carrefour, Auchan…). Leur futur semble en effet moins favorable.
La comparaison avec le papier Christian Saint-Etienne proposé ce17/11 fait ressortir le talent bien connu de M. Lenglet de proférer avec gouaille et aplomb, sinon autorité, des banalités globalement très correctes et assoupissantes.
Vous faites un excellent résumé de cet article, qui contient beaucoup de demi-vérités ; par exemple dire que le consommateur était le grand gagnant de l’ère libérale ne tient aucun compte de la baisse de qualité et de durabilité des produits. De même, affirmer « si l’Europe est la principale victime de la crise de l’énergie, elle a jusqu’ici fait montre d’une unité remarquable face à la Russie. Unité qu’on avait observée aussi pendant la pandémie, lorsqu’il a fallu coordonner l’approvisionnement du continent en vaccins. » est à la fois contradictoire avec l’information que « La puissance américaine est désormais contestée de tous côtés », et contraire à la réalité. Enfin dire que le « populisme » est une demande de protection, passant sous silence la quête d’identité est typique des sociaux-démocrates libéraux.
Je viens de regarder la vidéo ci-dessous. Sur un ton et dans une forme qui peut ne pas plaire, beaucoup de choses cruciales sont dites, exemples et preuves à l’appui. De l’anti-Lenglet, en somme. Un peu longue, certes, mais comment l’éviter. La séquence finale, citant les prédictions d’Emmanuel Todd faites en 2014 offre une savoureuses récompense à la patience.
https://www.youtube.com/watch?v=-o1j3s13SK0
Au temps révélateur du COVID, le professeur Raoult s’est élevé comme on le sait contre les «modélisateurs». Cela nous a permis de comprendre une chose à laquelle nous nous étions fort peu intéressés – parce que, à vrai dire, cela ne présente aucun intérêt. Cependant, ce que nous avons pu comprendre dans le domaine des dispositions politico-sanitaires, grâce au professeur Raoult, il s’agit de le transposer dans les autres domaines et de recevoir les déclarations des analystes politiques et économiques pour ce qu’elles sont : des projections théoriques, raisonnantes, qui reposent sur des «modèles» qui leur ont été appris sur les bancs de l’école, modèles dont ils ne sont évidemment plus jamais totalement départis puisque ceux-ci présentent encore la commodité algébrico-dialectique de donner à n’importe quelle déduction y obéissant le caractère illusoire de tenir debout. Du reste, les «économistes» les plus opposés entre eux, exactement comme les merdecins du temps du Covid, peuvent s’opposer des conclusions rigoureusement contraires en toute impunité d’entendement. Ainsi de ce Lenglet, que j’ai entendu dire aussi bien blanc que bleu marine, mais toujours avec le même aplomb (d’ailleurs un peu sympathique, chez lui). La seule chose que nous devons savoir, c’est que nous ne savons pas. Ce n’est d’ailleurs pas nouveau ; Platon le met assez souvent dans la bouche de Socrate. Le jour où les commentateurs accepteront cet état de leur propre «science», il arrivera qu’ils ne seront peut-être plus les rouages subalternes à quoi ils se trouvent réduits. Il suffirait que les «réseaux sociaux» fassent pour eux comme pour les covidistes, à savoir reprendre leurs déclarations d’hier et de les confronter à celles d’aujourd’hui, mais, comme l’énormité est moins flagrante ici que dans certains ailleurs, l’esprit illusoirement «critique» des internautes (d’ailleurs, tout autant «possédés») ne peut pas tourner au même régime.
Il suffit de se mettre à l’école d’intelligences comme celles de Chesterton ou Ezra Pound, entre autres, pour pouvoir adapter le «sens commun» (selon la noble acception de la locution) à toute espèce de problème exposé et, ainsi, de trouver assez simplement la juste solution. Seulement, les termes des problèmes sont compliqués à plaisir, de telle sorte que, à force de complexité quantitativiste (la fallacieuse «intelligence complexe» que le Maqueron est allé pêcher dans ses livres de seconde ou de première), d’«en-même-temps» de synthèse (au sens physico-chimique du terme) et de vulgaires mensonges, aussi, il faut bien le dire, plus rien n’est appréhendable honnêtement par personne, sauf à se placer à un tout autre point de vue que ceux que l’on veut imposer à «la plèbe [qui] ne sait pas ce qu’elle veut» (selon la formule hegelienne).
Il y a lieu de se re-former intellectuellement ; il y a urgence à se contre-former, c’est-à-dire à se former au contraire absolu du «temps du plastique» que l’on cherche à mettre en musique économique (se rappeler la chanson de Léo Ferré) pour nous spolier du reste. J’ai nommé Chesterton et Ezra Pound, qui ont mis au point des «raisonnements» implacables et, le plus souvent, intellectuellement délicieux dans leurs applications déductives (je pense à la démonstration de Chesterton selon laquelle, au fond, c’est toujours un “fou” qui se montre le plus capable de faire l’application du plus immédiat «bon sens»), ou bien à cette formule d’Ezra Pound, beaucoup plus profonde qu’il n’y paraît : «Ce n’est pas parce qu’un homme construit des digues qu’il est nécessairement un adversaire acharné de l’irrigation.» Ce qui coule de source, si j’ose dire ici.
Je conseillerai, par-dessus le marché, d’aller se plonger dans l’œuvre de René Guénon, parce que, sous nos latitudes occidentales, il n’existe aucune autre entreprise de synthèse intellectuelle embrassant un aussi large panorama et, par conséquent, capable de nous fournir des «techniques» de réflexion immédiatement efficaces. J’insiste : personne d’autre ; pas même l’immensément admirable Joseph de Maistre, pour cette raison que son intelligence exemplaire a agi dans d’autres circonstances et en un temps qui n’était pas encore tout à fait le nôtre.
On se rappelle la formule d’André Breton : «Seule, la beauté sauvera le monde.» Comme le lieu commun de Malraux («Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas.») C’est bien gentil à dire et, surtout, fort décoratif, mais, au point de vue du raisonnement cela ne porte à aucune espèce de conséquence intellectuelle. En vérité, seule l’Intelligence est opérative et c’est elle, et seulement elle, qui est apte à «sauver» ce qui, sans cette intercession, tombe fatalement en perdition. Mais il y a lieu de «cultiver» cette intelligence que nous avons en partage et, pour cela, au point critique où nous sommes rendus, je ne vois que la «haute école» de René Guénon pour remettre en selle les désarçonnés que nous sommes devenus.
Je n’avais pas prévu en commençant de m’en aller jusque-là, mais, ma foi, il est grand temps de sonder sérieusement les reins de notre intelligence et de cesser de s’échiner à vider la mer avec une passoire…
J’espère ne pas avoir été par trop lassant.
Au fait ce sont les électeurs âgés qui votent le plus et les plus jeunes le moins, alors ce plan d’escroquerie visant à spolier les épargnants a t-il une chance ou plutôt un risque d’aboutir??????