PAR RÉMI HUGUES.
Article en 2 parties, publiées hier et aujourd’hui.
La légalisation de la PMA pour les couples de lesbiennes traduit une vision de l’être humain où il est son propre fondement, ainsi que la fin de toute hétéronomie (loi extérieure qui s’impose à lui).
Ce passage du roman met en évidence que le médecin adhère au matérialisme philosophique (et peut-être aussi l’écrivain) :
« L’homme baignait dans un milieu, la nature, qui irritait perpétuellement par des contacts les terminaisons sensitives des nerfs. De là, la mise en œuvre, non seulement des sens, mais de toutes les surfaces du corps, extérieures et intérieures. Or, c’étaient ces sensations qui en se répercutant dans le cerveau, dans la moelle, dans les centres nerveux, s’y transformaient en tonicité, en mouvements et en idées ; et il avait la conviction que se bien porter consistait dans le train normal de ce travail : recevoir les sensations, les rendre en idées et en mouvements, nourrir la machine humaine par le jeu régulier des organes. Le travail devenait ainsi la grande loi, le régulateur de l’univers vivant. »
Les lignes qui précèdent soulignent que la foi scientiste est inséparable de l’athéisme, même si en réalité les savants les plus célèbres, tels qu’Isaac Newton ou Albert Einstein, croyaient en Dieu.
Considérer que de la matière proviennent les idées revient à évacuer la question de l’origine de la matière. Selon le point de vue traditionnel l’existence de celle-ci résulte d’un influx spirituel, appelé généralement Logos, ou Verbe : « la nature spirituelle donne lʼexistence à des forces spirituelles et la rencontre de celles-ci donne naissance à la matière »[1].
À l’opposé, un matérialiste athée comme Karl Marx, disciple de Ludwig Feuerbach, soutenait que notre logos, notre conscience, était une création de la matière : « Les idées ne sont rien d’autre que les choses matérielles transposées et traduites dans la tête des hommes ». La matière est, outre notre corps, notre environnement, desquels sourd la conscience pour soi, c’est-à-dire la subjectivité[2].
« Si Dieu n’existait pas, tout serait permis », écrivit Fiodor Dostoïevski. Dans notre monde marqué par le prééminence du matérialisme athée, corollaire de la suprématie de l’esprit scientifique, les limites sont abolies, seule la dynamique électorale décide in fine de ce qui est possible ou pas.
Car les progrès de la connaissance ont été ces dernières décennies si importants qu’aujourd’hui la limite est principalement morale et non technique. Par exemple en ce qui concerne le clonage humain, que nos scientifiques maîtrisent parfaitement, alors que lorsque dans Faust (1832) Goethe imagine l’homonculus, un humain créé à partir d’une opération alchimique, cela relevait du pur mythe. D’où le rôle de Mai 68[3] : la libération des corps, ou libération sexuelle, consiste en fait en l’affranchissement de toute limite posée par la société traditionnelle.
Nous voici arrivés à l’ère du post-humain, et à voir la joie que suscite parmi beaucoup cette naissance de Zola-le-premier bébé-PMA-pour-toutes nous pouvons doublement dire que nous assistons au triomphe posthume – si l’on peut dire – du Docteur Pascal.
Ceux qui le souhaitent éphémère et se défient du fatalisme porteur de désespoir n’ont plus qu’à – pour résister, pour réagir – aller au-delà de leur appartenance confessionnelle et se constituer en un Parti de la Loi naturelle qui rassemblerait, outre Juifs, chrétiens et musulmans, les néo-païens et les agnostiques avec pour visée de faire cesser ces délires que sait trop souvent produire la démesure humaine. ■ (FIN).
[1]Grégoire de Nysse, La création de lʼhomme, Paris, Cerf, 1943, p. 195.
[2]Dans l’article ci-après, intitulé « Vérité et Matière » j’ai proposé un troisième terme à ce débat idé- alisme/matérialisme : https://vigile.quebec/articles/verite-et-matiere
[3]Cf. cette émission de webradio où j’ai été invité en mai 2018 : https://www.altcensored.com/watch?v=fsFpmIZEHEY ; et sur le transhumanisme une précédente émission (mars 2018) : https://altcensored.com/watch?v=4xluF5WOOJw
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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