Par César P.
Très bon article montrant que l’idéologie de l’Education Nationale ne comprend pas les problèmes de l’école et du collège. En tout cas, un peu surprenant dans un site de gauche comme Huffingtonpost. [30.11.2022]
TRIBUNE – Encore une fois l’Éducation nationale montre qu’elle ne sait pas traiter les problèmes comme il le faudrait. Sous couvert d’efficacité et de reprise en main d’une situation catastrophique, elle ne règle rien et s’ancre encore davantage dans l’idéologie. Selon elle, pour régler un problème, mieux vaut s’attaquer à l’aval qu’à l’amont.
Dans Les Échos du jeudi 24 novembre, il était possible de lire le projet que souhaite mettre en place le ministre de l’Éducation nationale, M. Pap Ndiaye, pour réformer le Collège. Selon lui, cette réforme est primordiale aux vues des résultats des évaluations nationales des élèves de 6e. Mais cette analyse ne choque personne ? Nous avons un ministre qui nous explique que, puisque les élèves entrant en 6e n’ont pas un niveau d’acquisition suffisant en Français et Mathématiques, il faut donc changer la suite de leur scolarité ? Est-ce moi qui ai un souci cognitif ou n’y a-t-il pas une incohérence intellectuelle ?
Si les élèves n’ont pas le niveau minimum requis en sortant du Primaire, où est la faute du Collège là-dedans ?
Fort heureusement, l’incohérence intellectuelle du Ministère ne s’arrête pas là. Une des solutions envisagées est de permettre à des professeurs du Primaire d’intervenir en Collège car « les professeurs de collège ne sont pas formés à apprendre à lire aux élèves ni à leur enseigner certains automatismes en mathématiques » insiste la responsable du copilotage du projet initié par le Ministère dans l’Académie d’Amiens. Donc, solution miracle : faire intervenir des professeurs du Primaire en collège. Ces mêmes professeurs qui en 5 ans obtiennent les résultats publiés par les évaluations nationales ? On veut donc nous faire croire que les professeurs qui ont eu les élèves en charge pendant 5 ans et qui ont donc obtenu ces résultats, sauront comme par miracle résoudre ce qu’ils n’ont pas su faire avant ? Tout cela parce qu’ils vont « entrer » en Collège pour accompagner des groupes d’élèves. Comment le Ministère peut-il penser être pris au sérieux en expliquant que la problématique du niveau des élèves en Primaire sera résolue en réformant le Collège. Ou alors, comme me l’avait dit une Inspectrice il y a 3 ans, les professeurs « s’adapteront » ; comprenez pour les non-initiés au langage EducNat, il faudra revoir nos exigences à la baisse pour ne pas que les élèves soient encore plus en difficultés.
En réalité, nous avons ici une nouvelle fois la nouvelle pierre à l’édifice Blanquer. Rappelez-vous que, les interventions de professeurs du Primaire en Collège, étaient à l’ordre du jour de la réforme du Collège de 2016. L’organisation en cycle visait à lier davantage École et Collège et devait permettre l’intervention de professeurs du Primaire dans les collèges (le Cycle 3 se concentrant sur CM1/CM2/6e). Mais nous n’avons rien vu venir ; peut-être parce qu’à l’époque les professeurs du Secondaire avaient su se mobiliser face à une réforme abracadabrantesque (comme souvent). Ici M. Pap Ndiaye utilise donc la poudre de perlimpinpin pour faire croire que le gouvernement prend les choses en main et fait une proposition innovante. Il fallait trouver un prétexte : le niveau des élèves sortant du Primaire n’est pas bon, réformons le Collège. Ben oui c’est logique !
En quoi le fait que les établissements communiquent entre eux va faire que les élèves vont être meilleurs en Français et en Mathématiques ?
D’un autre côté, aurait-il tort de se priver vu le manque de réflexion et de réaction des collègues. Dans ce même article, on peut lire de la « bouche » d’un professeur de cours moyen que si les élèves n’ont pas le niveau, c’est à cause de l’inefficacité de la liaison École-Collège. En quoi le fait que les établissements communiquent entre eux va faire que les élèves vont être meilleurs en Français et en Mathématiques ? Dans mon établissement, cette liaison fonctionne. Nous avons des réunions tous les trimestres ou presque. Chaque année, on choisit une discipline pour mettre en accord les attendus du Collège et les enseignements du Primaire. Cela ne révolutionne rien car le souci n’est pas dans la liaison mais dans les méthodes d’apprentissage et le fonctionnement du Primaire. La vraie réforme elle est là ! Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre de la collègue de CM2 que le programme de Géographie prévoyait de faire étudier aux élèves les réseaux dans le monde (informations, accès Internet) ; ces mêmes élèves qui ne possèdent pas les connaissances de base de la Géographie. Mais au moins, ils seront où aller pour continuer à s’abrutir sur leurs réseaux asociaux…
M. le Ministre, plutôt que de vouloir faire une tempête dans un verre d’eau, en abaissant encore plus le niveau des élèves, futurs citoyens, reprenez les choses en main dès les fondamentaux du Primaire et revenez aux bases. S’il y a bien un point de convergence entre les pédopsychiatres, les pédagogistes et autres spécialistes ou pseudo-spécialistes de l’enfance, c’est sur le fait que le Primaire est l’étape déterminante des acquis fondamentaux chez l’enfant. Arrêtez les activités diverses et variées, sous prétexte d’ouverture, pour donner aux élèves des bases véritablement solides en Français et en Mathématiques. Comme je le répète souvent, cela ne sert à rien de mettre de l’Anglais ou toute autre langue étrangère tant que les élèves ne maîtriseront pas les mécanismes de leur propre langue qui, elle aussi, leur devient étrangère.
Et les syndicats me direz-vous ? Ils sont occupés aux élections professionnelles pour l’instant. Puis viendra le temps de la négociation de postes avec le Ministre et les recteurs afin de conserver la main sur les quelques miettes qu’on leur accorde, à savoir les mutations ou avancements, leur permettant ainsi de faire passer avant d’autres leurs « amis »…
Vous vous rappelez les démissions massives dans le milieu hospitalier ? Cela ne me surprendrait pas que cette vague touche bientôt l’Éducation nationale et les professeurs quarantenaires. ■