PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ.
Cet article est paru dans Le Figaro samedi 3 décembre. Nous n’avons rien à y ajouter sinon notre accord.
CHRONIQUE – L’inversion de la définition du racisme par la sociologie universitaire est l’une des plus grandes fraudes intellectuelles de notre temps.
Disons les choses brutalement: on tend aujourd’hui vers un racisme légal dans les sociétés occidentales: il vise les hommes blancs, tout simplement
Les programmes de discrimination positive nord-américains s’enrobèrent longtemps d’une forme de précaution rhétorique. Ils prétendaient non pas favoriser en soi les individus issus des minorités, mais les favoriser à condition que ceux-ci soient à «compétences égales» avec un individu provenant du groupe majoritaire. Cette pudeur n’est plus de saison, on l’a vu cette semaine au Canada.
Frédéric Bastien est un historien reconnu. Disposant de toutes les qualifications requises, il a récemment pensé se porter candidat à un poste à l’université Laval, à Québec. Il a constaté qu’il n’en avait tout simplement pas le droit. Pourquoi? Mieux vaut citer l’offre d’emploi: «Seules les personnes candidates possédant les compétences requises ET s’étant auto-identifiées comme membre d’au moins un de ces quatre groupes sous-représentés (femmes, Autochtones, personnes en situation de handicap et personne appartenant aux minorités visibles) seront sélectionnées.»
Traduisons pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce jargon: les hommes blancs ne peuvent tout simplement pas postuler. Leur candidature ne sera plus seulement traitée avec un a priori très négatif et souvent rejetée: elle ne sera pas traitée du tout.
Ces pratiques, connues, sont rarement contestées. Car qui espère malgré tout se faire une place à l’université a tout intérêt à ne jamais les dénoncer, sous peine de devenir un paria. Mais Frédéric Bastien a défié cet interdit et a osé nommer la réalité: en tant qu’homme blanc, il est victime ici d’une discrimination formelle basée sur la race et le sexe. Autrement dit, d’une discrimination raciste et sexiste. Il brise ici un tabou de l’idéologie diversitaire, prétendant que le racisme antiblanc est une impossibilité théorique, comme l’auraient prétendument démontré les sciences sociales. Prétendre le contraire, sans surprise, serait un «marqueur de l’extrême droite». Comme d’habitude.
L’inversion de la définition du racisme par la sociologie universitaire est l’une des plus grandes fraudes intellectuelles de notre temps. Le racisme se référait historiquement à une doctrine visant la discrimination explicite entre les groupes «raciaux», à partir de leur hiérarchisation et de leur essentialisation. La doctrine a changé. La sociologie diversitaire veut plutôt voir aujourd’hui dans la «suprématie blanche» le principe fondateur de l’Occident. Mais elle se dissimulerait derrière l’universalisme.
Il se dissimulerait aussi derrière l’idéal méritocratique. Il importe dès lors d’attaquer l’universalisme pour révéler le «racisme systémique» occidental, que l’on dépistera dès qu’on apercevra la moindre disparité statistique entre la présence d’un groupe identifié par la bureaucratie diversitaire dans la population et sa représentation dans tel ou tel secteur d’activité. Cette théorie se traduit aujourd’hui dans la doctrine «Équité, diversité et inclusion». La logique du privilège ethnique est institutionnalisée. Quant au commun des mortels qui doute de cette nouvelle définition du racisme, il faudra le rééduquer.
Et c’est dans cette perspective qu’agit l’université Laval. Elle entend remplir ses quotas de «racisés» avant d’ouvrir à nouveau certains postes aux «Blancs». L’université s’est cachée derrière les exigences du gouvernement fédéral pour justifier sa politique de discrimination contre les hommes blancs, car il est vrai qu’Ottawa conditionne désormais l’octroi des chaires et des fonds de recherche à une politique de quotas visant une stricte correspondance entre le poids des différents groupes dans la population et leur poids dans le personnel universitaire. Mais sur quelle base élaborer ces statistiques? La composition de la population n’est pas la même à Toronto et à Québec. Le régime diversitaire pousse à une réingénierie intégrale de la vie universitaire. On ajoutera que le savoir lui-même, que ce soit en sociologie, en chimie, en mathématique ou en médecine doit œuvrer à la construction d’une société inclusive. Autrement dit, le savoir est idéologisé.
Pour avoir dénoncé ce racisme officiel, Frédéric Bastien a été pris à partie violemment, et diffamé. Une professeur de science politique à l’université Laval a ainsi dit qu’il était représentatif des «hommes blancs médiocres» engendrés par notre société. Jamais l’université n’a pensé la sanctionner. Quel sort lui aurait été réservé si elle avait parlé ainsi d’une autre catégorie de la population? Disons les choses brutalement: on tend aujourd’hui vers un racisme légal dans les sociétés occidentales: il vise les hommes blancs, tout simplement.
Les autres formes de racisme, touchant les minorités, ne sont pas inexistantes, mais résiduelles, légitimement condamnées et combattues moralement et juridiquement. Ce qui nous oblige à le redire: l’antiracisme diversitaire qui fonctionne à l’obsession raciale aboutit à un racisme antiblanc. ■
Mathieu Bock-Côté
Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l’auteur d’Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois(éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politique, aux éditions du Cerf [2016] – le Le Nouveau Régime(Boréal, 2017) – Et La Révolution racialiste et autres virus idéologiques, Presses de la Cité, avril 2021, 240 p., 20 €.
L’Université Laval a toujours été du côté du progrès donc favorable aux nouveautés idéologiques. Tout comme la plupart des universités américaines qui annoncent clairement le remplacement des blancs par une population colorée dans un avenir proche. Question de démographie. .
Nous sommes prévenus, on en parle on en débat..mais que faisons – nous ?
Frédéric Bastien aurait du s’identifier comme un Canadien francophone : comme c’est une minorité visible (en tous cas en passe de l’être au Canada), il aurait obtenu le poste. ^^