Par Judith Waintraub
Cette bien intéressante enquête – complète, très documentée, utilement illustrée – est parue dans Le Figaro d’hier, 16 décembre. Essentiellement factuelle, elle nous informe sur nombre de points, bons à savoir. Nous la publions sans autre commentaire.
ENQUÊTE – Les gouvernements successifs ont sous-traité l’essentiel de la gestion des migrants à des associations qui militent pour l’accueil inconditionnel des étrangers dans notre pays. Elles les hébergent, subviennent à leurs besoins quotidiens et leur fournissent une assistance juridique dans leurs démarches. Le tout aux frais du contribuable.
Le 11 novembre, l’Ocean Viking entre dans la rade de Toulon avec 234 migrants à son bord ; 66 obtiennent le droit d’asile. La quasi-totalité des autres s’égaye dans la nature, tout simplement parce que la loi française ne permet pas de retenir des mineurs, ou présumés tels, et que les adultes ont obtenu de la justice d’être libérés, l’instruction de leurs dossiers ayant été trop lente. Le 2 décembre, un autre raté de notre politique d’immigration s’étale au grand jour : près de 200 migrants s’installent sous des tentes devant le Conseil d’État, en plein centre de Paris. Ils viennent d’Ivry-sur-Seine, où ils campent depuis six mois, en attendant que les tribunaux statuent sur leurs âges : ils se disent mineurs mais ne sont pas reconnus en tant que tels.
Dans les deux cas, des associations d’aide aux migrants sont à la manœuvre. Au large des côtes libyennes et maltaises où le bateau de SOS Méditerranée est allé chercher ses passagers, comme sur le pavé parisien où Utopia 56, Médecins sans frontières et Médecins du monde ont installé des sans-papiers en attente de jugement. L’installation de campements sauvages sur la voie publique et le squat font partie des méthodes habituelles des militants pour mobiliser l’opinion en faveur de l’amélioration des conditions d’accueil des étrangers.
France terre d’asile ne vit que de fonds publics. IP3/MAXPPP.
Au-delà de ces actions spectaculaires, d’autres ONG comme la Cimade et France terre d’asile prennent en charge les demandeurs d’asile, leur fournissent assistance matérielle et juridique, s’occupent de les héberger et sont censées veiller à leur intégration. Elles aident aussi les déboutés, le tout dans un cadre fixé par la loi. « Le choix de sous-traiter la gestion des immigrés à des associations diverses et variées a été fait depuis très longtemps, rappelle Patrick Stefanini. Pour des raisons idéologiques, sous l’influence de la gauche, mais en partie aussi pour des raisons budgétaires. On s’est dit que ça permettrait d’économiser les deniers de l’État. » Un calcul qui s’est révélé « totalement erroné », précise l’ancien secrétaire général du ministère de l’Immigration, auteur en 2020 d’un livre * qui fait autorité sur la situation migratoire en France.
Accueil inconditionnel
« Le paradoxe de notre politique publique, reconnaît de son côté Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), responsable de l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés sur notre territoire, c’est que des associations postulent à des missions que l’État veut leur confier alors qu’elles sont philosophiquement contre. » L’homme de gauche Leschi et l’homme de droite Stefanini se rejoignent sur un point fondamental : les associations ont pleinement leur rôle à jouer dans la défense des droits des migrants, mais elles n’ont pas vocation à se substituer à la puissance publique.
Tout un écosystème s’est ainsi constitué autour des étrangers qui tentent leur chance dans notre pays. Au-delà de leur idéologie, les ONG qui les aident sont mues par des motifs humanitaires qu’il n’est pas, ici, question de contester, mais force est de constater qu’elles ont financièrement intérêt à ce qu’ils soient les plus nombreux possible.
Ce qui ne varie pas d’une de ces ONG à l’autre, c’est leur conviction qu’un pays n’a pas à choisir qui s’installe sur son sol. AFP.
Quand l’État ne les mandate pas directement, la plupart des associations qui s’occupent des migrants bénéficient de subventions, nationales et/ou versées par des collectivités publiques, dans des proportions variables. Ce qui ne varie pas d’une de ces ONG à l’autre, en revanche, c’est leur conviction qu’un pays n’a pas à choisir qui s’installe sur son sol. Elles militent toutes pour l’accueil inconditionnel, y compris celles qui répondent à des appels à projets pour assumer les missions que l’État leur délègue alors que son objectif affiché est de contrôler l’immigration irrégulière.
Combat idéologique
La tribune sur l’Ocean Viking publiée dans Le Monde par Najat Vallaud-Belkacem, nouvelle présidente de France terre d’asile, illustre parfaitement l’incongruité de cette exception française. France terre d’asile est l’un des principaux acteurs du secteur de l’hébergement des demandeurs d’asile et des mineurs étrangers isolés. L’ancienne ministre s’indigne que le gouvernement ait laissé le navire accoster « à titre exceptionnel ». Elle affirme que « la France, lorsqu’elle le veut, sait décider d’accorder volontairement l’asile, protéger des migrants et organiser l’accueil de réfugiés dans de bonnes conditions », exemple ukrainien à l’appui. En omettant de préciser que la quasi-totalité des Ukrainiens accueillis sont des femmes et des enfants et qu’ils veulent retourner dans leur pays.
Certaines associations ne se contentent pas du combat idéologique contre l’État qui les finance, au moins partiellement : elles l’attaquent aussi en justice. En 2019, huit ONG dont Amnesty International France, la Cimade, Gisti, la Ligue des droits de l’homme et Médecins sans frontières ont saisi le tribunal administratif pour « dénoncer la complicité de la France dans les violations des droits humains en Libye ».
Spécificité française
Elles voulaient empêcher la livraison de six embarcations rapides aux garde-côtes libyens pour leur permettre d’intercepter les bateaux de migrants. Un accord avait été conclu entre la ministre des Armées de l’époque, Florence Parly, et le gouvernement de Tripoli – reconnu par l’ONU. La justice a donné raison aux ONG, qui invoquaient les « conditions inhumaines en vigueur dans les centres de détention » libyens. Le gouvernement a renoncé à livrer les bateaux.
L’année précédente, une trentaine d’associations, dont la Cimade, déjà, et France terre d’asile, avaient déposé un recours en référé devant le Conseil d’État contre une circulaire de Gérard Collomb, alors ministre de l’Intérieur, visant à permettre à des équipes de l’Ofii de contrôler l’identité des étrangers à l’intérieur des centres d’hébergement d’urgence. Ce dispositif d’accueil étant évidemment saturé, le gouvernement voulait faciliter « un transfert ou un retour pour[les étrangers] qui ne remplissent aucune condition de droit de séjour », selon les termes de la circulaire. Les ONG s’opposaient aux contrôles de l’Ofii au nom du principe de l’inconditionnalité de l’hébergement d’urgence – encore une spécificité française – érigé en droit fondamental par un arrêt du 10 février 2012 du même Conseil d’État. Cette fois, elles ont perdu.
« Aide au récit »
La Cimade, qui s’est spécialisée dans l’assistance juridique même si elle fait aussi de l’hébergement, est la principale intervenante auprès des déboutés du droit d’asile dans les centres de rétention administrative (CRA) et au-dehors. Elle défend les demandeurs lors de leurs entretiens avec les différentes instances et juridictions qui statuent sur leurs cas et produit une abondante documentation à destination des candidats à l’asile en France. L’expertise de ses juristes – excellents – lui permet d’informer les étrangers en situation irrégulière des – innombrables – moyens légaux de se maintenir sur le territoire même après la délivrance d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et d’y bénéficier de prestations sociales.
En 2021, près de 1350 associations ont été subventionnées ou rémunérées, pour plus de 750 millions d’euros, au titre des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. EPA/MAXPPP.
Parmi les missions officielles des associations figure « l’aide au récit » : elles mettent en forme et en français le dossier que les demandeurs d’asile devront présenter aux différentes instances et juridictions devant lesquelles ils vont plaider leurs cas, de l’Office français pour les réfugiés et apatrides (Ofpra) à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Précisons que ce service est fourni indépendamment de l’aide juridictionnelle, qui permet de payer des avocats – une manne pour une myriade de cabinets spécialisés.
Complexité et opacité
Les juges de la CNDA traitent quelque 70.000 affaires par an. Dans une configuration qui n’a pas d’équivalent chez nos voisins, puisque nous sommes les seuls à faire siéger dans une instance qui rend la justice au nom du peuple français des représentants d’une organisation internationale, et pas n’importe laquelle : le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), qui dépend de l’ONU. Un bon connaisseur du droit des étrangers raconte que « curieusement, il semble souvent n’exister qu’un récit par nationalité » : « Au Nigeria, ce sont presque exclusivement des femmes, qui racontent qu’une amie immigrée en Italie leur a dit “tu devrais venir, ils cherchent des coiffeuses”. Une fois sur place, elles s’aperçoivent que l’amie est en fait tombée aux mains d’un réseau de prostitution, alors elles passent en France. En Somalie, ce sont des hommes menacés d’être enrôlés de force par les shebabs (groupe islamiste). Au Bangladesh, on voit défiler des pauvres jeunes gens victimes d’un méchant oncle qui veut faire main basse sur le terrain… Les récits se ressemblent au détail près, comme s’ils étaient fabriqués à la chaîne ! »
Le camp des sans-papiers à Ivry, avant son transfert devant le Conseil d’État. EPA/MAXPPP.
Le budget de la Cimade est alimenté à plus de 50% par l’argent des contribuables. Le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), qui ne fait pas de défense des migrants au cas par cas mais mène un combat judiciaire pour « instaurer une véritable égalité de droits entre Français et étrangers », se contente modestement d’un quart de fonds publics pour son fonctionnement. France terre d’asile, elle, est financée quasiment exclusivement par l’État. Contactée, elle n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
En 2021, près de 1350 associations ont été subventionnées ou rémunérées, pour plus de 750 millions d’euros, au titre des crédits de la mission Immigration, asile et intégration. En tête des 30 qui ont touché les sommes les plus importantes, Coallia, qui gère des résidences pour publics précaires, avec un peu moins de 98 millions d’euros. L’hébergement des demandeurs d’asile et des mineurs non accompagnés ne représente qu’une partie de son activité. Elle a été présidée par le préfet Jean-François Carenco jusqu’en juillet dernier, date à laquelle il a été nommé ministre délégué chargé des Outre-mer. Une ancienne ministre du Logement écolo, Emmanuelle Cosse, dirige la filiale de Coallia qui gère l’essentiel de son important patrimoine immobilier.
Le projet de loi sur l’immigration qui doit être adopté en janvier n’aborde pas, dans sa partie connue, la question de la mainmise des associations sur l’hébergement et l’accompagnement des migrants. Freddy Muller/Saif Images.
Deuxième au palmarès, France terre d’asile, présidée donc par Najat Vallaud-Belkacem, a touché un peu plus de 57 millions d’euros au titre de la mission Immigration, asile et intégration. On trouve aussi dans cette liste des associations les mieux dotées Equalis (12,6 millions d’euros), qui gère des centres pour migrants entre autres activités. Son ex-directeur général Arthur Anane a eu les honneurs du Canard enchaîné en septembre 2021 pour son très confortable salaire – il aurait gagné plus de 200.000 euros brut en 2020 – et les rémunérations généreuses de plusieurs membres de son équipe, assortis d’avantages matériels conséquents. Visé par une enquête judiciaire, il a été licencié en juin. La nouvelle direction d’Equalis redoute qu’elle se retrouve en cessation de paiement en février, après une gestion pour le moins chaotique dont aucun représentant de la puissance publique ne semble s’être ému.
Le financement public des ONG se caractérise par sa complexité et son opacité. « On peut en effet parler d’écosystème », estime la sénatrice centriste de l’Orne Nathalie Goulet, qui déplore une « réelle difficulté à appréhender l’ensemble des subsides de l’État versés aux associations dans le domaine de l’immigration » et une « insuffisance de contrôle préoccupante », alors que les textes prévoient la vérification du bon usage des fonds publics.
Missions régaliennes
Quant à tracer les aides et subventions versées au niveau local – villes, départements, régions – aux ONG qui s’occupent des migrants, c’est carrément mission impossible ! L’affaire de l’Ocean Viking a permis de découvrir que la Ville de Paris allouait chaque année depuis 2016 une subvention à SOS Méditerranée (100.000 euros pour 2023) mais il faudrait éplucher les budgets de chaque collectivité et de chaque association pour mesurer l’ampleur de la contribution involontaire des Français à la sape systématique de tout effort de réduction de l’immigration. Et que dire de l’agrément donné par l’Éducation nationale à SOS Méditerranée ou, encore, à la Cimade pour répandre la bonne parole en milieu scolaire ?
Les associations ne sont pas près de perdre la main sur la question migratoire dans notre pays. La faute en incombe à l’incapacité des gouvernements successifs, de gauche comme de droite, à assumer les missions régaliennes de l’État. « Après ma nomination à la tête du comité interministériel de contrôle de l’immigration, en 2005, j’ai essayé de raboter dans tous les coins pour qu’au moins l’argent dépensé le soit à bon escient, mais c’est vrai qu’on n’a pas remis en cause fondamentalement le système », reconnaît Patrick Stefanini. Il a néanmoins obtenu une petite victoire en cassant le monopole d’intervention dont jouissait la Cimade dans les centres de rétention administrative. Un « combat homérique », de son propre aveu, qui n’a sans doute pas incité les responsables de l’époque, Nicolas Sarkozy compris, à aller plus loin.
Le projet de loi sur l’immigration qui doit être adopté en janvier n’aborde pas, dans sa partie connue, la question de la mainmise des associations sur l’hébergement et l’accompagnement des migrants. Gérald Darmanin se fait fort de « rendre impossible la vie des OQTF » grâce à son texte. Les ONG ont déjà prévenu le ministre de l’Intérieur : elles utiliseront tous les moyens à leur disposition pour s’y opposer. ■
La maison était riche et on vient alégrement la pilier. Les défenseurs du temple abandonnent leur postes.
Il y a150 000 ans nos ancêtres vivaient dans le grotte de Bruniquel, depuis ils ont été submergé par les Africains, le processus est de retour.
Mais cette fois nous allons subir un choc de culture. Les Français comme des brebis bêlantes attendent encore de leurs dirigeants d’être sauvé. Sauvé de quoi, et par qui, parce qu’ils s’en moquent. Demain avec le processus en marche, le pays que l’on appelle « France » aura disparue de la carte géopolitique mondiale. Nous sommes incapables de comprendre la guerre en Ukraine, alors l’immigration nous dépasse.
Basta comme disent les Corses.