Par Philippe Mesnard.
Macron est tout fier d’annoncer qu’Élisabeth Borne a signé un accord de soutien mutuel avec Olaf Scholz pour garantir leur approvisionnement énergétique.
En gros, la France livrera du gaz à l’Allemagne, ce qu’elle fait déjà, et l’Allemagne vendra de l’électricité à la France, ce qu’elle fait déjà. On comprend qu’il était nécessaire de signer un papier et de se serrer la main en souriant et même de parler d’un couple franco-allemand plus soudé que jamais. Tellement soudé que l’Allemagne, jusqu’ici, d’une part refuse qu’on fixe un prix plafond raisonnable pour l’électricité, absurdement indexé sur le gaz, qui a terriblement enchéri grâce aux achats égoïstes de l’Allemagne, et d’autre part refuse que la France sorte du système énergétique européen, comme l’ont pourtant déjà fait l’Espagne et le Portugal, ce qui permettrait à EDF de vendre à bas prix son électricité aux entreprises françaises, qui vont bientôt périr, cependant que leurs homologues allemandes se porteront à merveille grâce aux mesures prises par Olaf, dont le bouclier énergétique est plus costaud que le bouclier français. Car plus de vingt centrales nucléaires sont à l’arrêt. On comprend donc vraiment que Macron et Borne soient heureux d’avoir signé un papier avec ce bon Olaf qui promet de réfléchir très sérieusement à tout ça et on se revoit dans quinze jours, Élisabeth ?
Rançonner l’Europe
Encouragé par ce si beau succès, Macron est parti pour les États-Unis. À l’heure où nous bouclons (*), il est impossible de savoir tous les beaux fruits qu’il en rapportera. On sait qu’il reviendra avec Bruno Le Maire, qu’il emmène avec lui parce que c’est un homme qui a le sens des formules et qui témoigne d’une véritable intelligence économique. Il emmène aussi le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et celui des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et, pour faire bon poids, les patrons de TotalEnergies et d’EDF… et Claude Lelouch. Ne me demandez pas pourquoi. Il est un peu plus vieux que Joe Biden, je pense que c’est pour impressionner le POTUS. Il y a deux ou trois sujets sur le tapis : la manière dont les États-Unis rançonnent l’Union européenne en lui vendant à prix d’or leur énergie, la manière dont les États-Unis vont subventionner comme jamais leurs propres industries, la manière dont ils attirent les capitaux étrangers grâce à leur énergie 5 à 10 fois moins chère qu’en Europe… L’Élysée a déjà expliqué que ce voyage est un succès puisque c’est la première visite d’État accordée par Biden : alors, c’est bien sûr le signe d’une « relation très spéciale », d’« une alliance extrêmement solide » nourrie par « un dialogue riche et dynamique ». C’est bien simple, on dirait le couple franco-allemand, plus solide, y a pas. États-Unis-France, c’est du soutien mutuel en or massif. On est tellement impatient d’entendre Emmanuel et Bruno vanter leurs succès diplomatiques ! (échéance : 5 décembre et 1er janvier, ça sera rapide). Et encore plus d’en éprouver immédiatement les bienfaits.
Un bouclier tarifaire percé
Mais parlons des vrais problèmes, parce qu’avec Emmanuel et Bruno, les Américains vont plier, c’est sûr. En France, les bouchers-charcutiers manifestent. C’est historique, ça n’était pas arrivé depuis vingt ans. Ils manifestent devant l’Assemblée nationale, parce qu’ils y croient. Le bouclier tarifaire énergétique est en effet un peu troué : 40 % des bouchers-charcutiers ne peuvent en profiter car ils ont plusieurs chambres froides (le bouclier n’en veut qu’une, c’est le type chargé des attestations qui a rédigé les textes, je crois) ou plusieurs établissements. Tant pis pour eux, avec des tarifs multipliés par quatre ou six, tout leur bénéfice s’envolera. Ils feront faillite ou fermeront l’un ou l’autre des établissements en trop. Et Bruno nous expliquera, dans quelques mois, que le bouclier a protégé 100 % des bouchers-charcutiers – ceux qui resteront. C’est bien simple, il n’y a pas de vrais problèmes, dans la France de Macron. C’est parce qu’il a signé un pacte de soutien mutuel avec les Français. Ce sont les Allemands qui lui ont montré comment faire. ■
(*) Nous bouclons, puis l’imprimeur met quatre jours à imprimer, puis le routeur envoie en un jour, puis La Poste achemine avec une aimable fantaisie, mettant ici deux jours, là dix, et renvoyant parfois des magazines en expliquant que personne n’habite à l’adresse qui est pourtant la bonne et depuis des années. Nous sommes désolés et impuissants et pourtant nous ne signerons pas un accord de soutien mutuel avec La Poste.
Si j’avais été Claude Lelouch, je me cacherais à tous les coins de rue pour avoir osé me comporter ainsi en petit chien haletant.
Ou bien le Maqueron est un réel diable séducteur, ou bien tous ces apprentis courtisans ont tout simplement une mentalité de collabos collés à la peau. D’ici à ce qu’ils soient devenus des mouchards, il n’y a que la rue Lauriston à traverser…