Par Bernard Lugan.
Dans les années 1950, juste avant les indépendances, le monde en perdition n’était pas l’Afrique, mais l’Asie qui paraissait alors condamnée par de terrifiantes famines et de sanglants conflits : guerre civile chinoise, guerres de Corée, guerres d’Indochine et guerres indo-pakistanaises. En comparaison, durant la décennie 1950-1960, les habitants de l’Afrique mangeaient à leur faim, étaient gratuitement soignés et pouvaient se déplacer le long de routes ou de pistes entretenues sans risquer de se faire attaquer et rançonner.
Ce temps lointain était celui des colonies, époque dont il est impossible de parler d’une manière objective et au sujet de laquelle il est obligatoire de dire que ce fut l’enfer sur terre…
Or, soixante-dix ans plus tard, le contraste est saisissant avec des dizaines de milliers de migrants qui se livrent au bon vouloir de gangs qui les lancent dans de mortelles traversées en direction de la « terre promise » européenne. Les crises alimentaires sont permanentes, les infrastructures de santé ont disparu, l’insécurité est généralisée et la pauvreté atteint des niveaux sidérants. Quotidiennement, les journaux et les divers organes d’information font état de famines, d’épidémies, de massacres qui montrent que le continent africain s’enfonce chaque jour un peu plus dans un néant dans lequel surnagent quelques îlots pétroliers.
Que s’est-il donc passé pour que, malgré ses immenses richesses naturelles et en dépit des océans d’aides aveuglément déversées par les pays dits riches, l’Afrique connaisse un tel naufrage, ne parvenant même plus à nourrir sa population ?
Et que l’on ne vienne pas nous parler des aléas climatiques car le continent possède certaines des terres les plus fertiles de la planète sur lesquelles jusqu’à trois récoltes annuelles sont possibles. De plus, l’agriculture africaine n’est pas paralysée par un long hiver, par un tapis neigeux ou par les glaces. Avec ses de 9.000.000 km2, le Sahara représente certes environ 25% de la superficie du continent, mais proportionnellement moins que la toundra eurasienne ou nord-américaine où l’on ne parle pourtant pas de malédiction.
Le problème est que le continent africain s’auto-suicide avec sa démographie, car, chaque année, l’écart se creuse entre le nombre de bouches à nourrir et les productions alimentaires. La catastrophe est donc programmée. Un exemple : au Sahel, les 10 à 20 millions d’habitants d’avant la colonisation sont aujourd’hui 180 millions. Voilà qui explique pourquoi la subtile alchimie de ce fragile milieu de 3 millions de km2 a été détruite. Au même moment, les 40 millions de Sibériens sont à l’aise sur plus de 13 millions de km2 d’une nature hostile.
La réalité est que les Africains n’étant pas des Européens pauvres à la peau noire, parce que le corps social africain n’est pas celui de l’Europe, ou celui de l’Asie, nos modèles politiques n’y ont pas réussi.
Or, si la greffe européenne n’a pas pris sur le porte-greffe africain, c’est parce que, comme le dit le proverbe congolais : « Ce n’est pas parce qu’il pousse au bord du marigot que le manguier devient crocodile. » ■
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Remarquable (comme toujours) et piquante analyse du cher Bernard. Voilà des réalités – des évidences – qui ne sont jamais évoquées par la doxa et le mainstream médiatique…
De la même façon que ne sont jamais évoqués (mais je change de sujet, d’une certaine façon) la tranquillité des « Chinatowns » parisiennes et la violence des cités africanisées. Je ne me fais aucune illusion sur Belleville et les avenues d’Ivry et de Choisy mais au moins leurs voyous n’emmerdent pas le monde.
N’oublions pas cependant que l’Ethiopie a connu tout au long du XXème siècle (et du XIXème!) des famines récurrentes qui ont fini par couter son trône au Négus. Il est vrai que l’Ethiopie n’a jamais été colonisée et que les régimes pseudo marxistes qui ont succédé au Négus n’ont pas fait mieux mais on bénéficiés de l’aide internationale des « démocraties ».
Bernard Lugan déroule les analyses les plus intelligemment exposées, ce, parce que, non seulement, elles sont très honnêtement réfléchies, mais, qui plus est, courageusement développées. Franchement, ce n’est pas rien.
Je me demande si Bernard Lugan a fait entrer dans ses réflexions le fait que l’exportation des «bienfait» occidentaux est la cause de cette démographie, démographie décuplée qui débouche sur la catastrophe programmée, dont les merveilleux progrès scientifiques sont parfaitement capables, un beau jour prochain, de faire des inoffensifs manguiers de voraces crocodiles…
Un de mes patrons – qui ét ait bien loin , très très loin – d’être un imbécile et qui savait quelquefois, entre initiés, montrer le cynisme inhérent aux hommes d’État, m’a dit un jour « Le Sida est une grande chance pour l’Afrique ».
Glaçant, non ? Mais tellement. juste !