Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
La plupart des artisans boulangers sont victimes d’un tarif de l’électricité non « protégé », conséquence de la dérégulation du marché : certains fournisseurs (fournisseurs mais pas producteurs : des intermédiaires parasites en quelque sorte) proposent ainsi des contrats apparemment avantageux, en fait très risqués. Résultat : des factures multipliées par huit ou dix ! M. Le Maire a donc annoncé (6 janvier) un « bouclier tarifaire » à 280 € le MWh. Six cent mille T.P.E. seraient concernées, qui s’ajoutent au million et demi de T.P.E. déjà « protégées ». Toutefois, rien n’est réglé sur le fond et des hausses plutôt (très) importantes restent toujours possibles, si ce n’est probables.
Dans la mesure où elles sont d’ordre conjoncturel et non systémique, les annonces de M. Le Maire paraissent relever d’un calcul politicien visant à acheter la paix sociale. Est-ce crainte ou dédain ? Crainte que la dégradation de leur situation ne pousse les artisans boulangers et d’autres dans une révolte susceptible de jeter dans la rue des milliers de nouveaux Gilets jaunes ? Ne pas oublier en effet que chaque jour douze millions de Français(es) entrent dans une boulangerie, devenue de facto ce que les analystes appellent un « relais d’opinion ». Dédain élitaire pour le vulgaire, le vulgum pecus, déjà gavé de jeux, mais aussi constitué, forcément, de mangeurs de pain ? Version contemporaine donc de l’antique panem et circenses. Peut-être les deux à la fois.
Le danger imminent et mortel pour les artisans boulangers et tous les autres artisans des T.P.E., et au delà pour les P.M.E et en fin de compte pour toutes les entreprises de ce pays, c’est bien la hausse exorbitante des tarifs de l’électricité dans une France qui compte plus de cinquante centrales nucléaires longtemps garantes de notre indépendance énergétique et de la modération des tarifs. Les Français payent aujourd’hui les folies idéologiques de l’euro-libéralisme et de l’écologisme conjugués. Paris a ainsi accepté les directives dérégulatrices de Bruxelles qui ont abouti au démantèlement d’EdF-GdF puis servi les intérêts de la stratégie gazière allemande en alignant les tarifs de l’électricité sur ceux du gaz. De plus, sous la pression des écolos et pour s’assurer de leur soutien, M. Hollande (que M. Macron a imité lors de son premier quinquennat) a planifié et mis en oeuvre le renoncement à la priorité du nucléaire, désorganisant la filière au profit des énergies dites renouvelables, lesquelles ont ce premier et gravissime défaut d’être encore, et sans doute pour longtemps, très insuffisantes.
Une boulangerie française sur trois a fermé définitivement depuis un demi-siècle. Pourtant, en France, vieux pays chrétien et méditerranéen, le pain est, avec le vin et sans doute plus qu’ailleurs, fortement symbolique. D’ailleurs, quand il a eu confirmation de l’inscription de la baguette au patrimoine immatériel de l’humanité (Unesco, mercredi 30 novembre), M. Macron s’est empressé de se féliciter de la reconnaissance de cet « art de vivre à la française ». Il devenait dès lors difficile pour lui de ne rien faire pour les artisans-boulangers menacés de disparition totale par la double hausse des prix des matières premières et des tarifs de l’électricité – sans compter la concurrence déloyale d’une grande distribution qui, souvent, revend à bas prix du « pain » réfrigéré venu d’ailleurs.
Mais le geste de M. Le Maire, même s’il a des effets à court terme, laisse planer tous les doutes sur l’avenir de la boulangerie française. M. Macron et son gouvernement devraient plutôt avoir la volonté politique de s’opposer enfin à l’U.E. et à l’Allemagne réunies : rien n’est moins sûr et la « guerre » pour sauver le pain français semble mal engagée. ■
* Agrégé de Lettres Modernes.
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