Par Charles de Meyer.
Le Parlement européen a été secoué au mois de décembre dernier par un scandale de grande ampleur, rapidement connu du grand public sous le nom de « QatarGate ». L’anglicisme est malheureux mais révèle efficacement l’émotion qui a saisi une institution se parant de toutes les vertus démocratiques contemporaines de probité et de transparence.
Le Parlement européen a été secoué au mois de décembre dernier par un scandale de grande ampleur, rapidement connu du grand public sous le nom de « QatarGate ». L’anglicisme est malheureux mais révèle efficacement l’émotion qui a saisi une institution se parant de toutes les vertus démocratiques contemporaines de probité et de transparence.
Le coup est d’autant plus rude pour l’Union européenne que le Parlement agit souvent comme le bras armé d’une certaine philosophie en vigueur chez les thuriféraires de Bruxelles. Au progressisme moderne, le projet européen ajoute, au moins depuis Maastricht, une conjonction de millénarisme droit-de-l’hommiste et de pseudo-vertu de transparence qui ne lui fait pas que des amis dans les chancelleries du monde, tout spécialement en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Imaginez un peu la délectation avec laquelle Le Caire, Tunis, Damas ou Beyrouth ont reçu la nouvelle de la découverte d’une vérole qatarienne chez leurs critiques les plus acerbes.
L’affaire est d’autant plus exemplaire qu’elle a utilisé deux vecteurs adulés des cénacles européens : les ONG et la société civile. En effet, le continuum de corruption inventé par la gauche socialiste et anticléricale italienne prit forme au moins dans les années 90, transmettant les mêmes réseaux, les mêmes personnalités, les mêmes méthodes jusqu’à leurs héritiers, désormais découverts.
Tout cela, me direz-vous, aurait sa place dans les colonnes de Politique Magazine mais pas forcément ici, où j’évoque régulièrement le sort douloureux des chrétientés orientales. Ce serait méconnaître le rôle abject joué par le Qatar dans l’orchestration des dynamiques politiques nées au lendemain des Printemps Arabes et dont les méfaits se font sentir encore actuellement.
Qatar et soutien aux milices islamistes
Le Qatar a participé au soutien des toutes les milices islamistes dont les activités ont défrayé la chronique depuis une décennie. En Syrie, ils ont poussé la rébellion islamiste, au point que les Émirats leur reprochèrent presque publiquement d’avoir soutenu la milice Hayat Tharir al Cham, et chacun sait quel calvaire subirent les chrétiens dans leur voisinage, comme à Mhardeh ou à Sqelbiyeh. En Égypte, le Qatar fur le promoteur de Mohamed Morsi dont le présidence fut marqué d’un surcroît de persécutions et d’attentats contre les chrétiens coptes. Au Liban, le Qatar joue un rôle insidieux qui participe à la déstabilisation de toute la scène politique via des relais divers.
Comme toutes les populations du monde, les communautés chrétiennes orientales souffrent des effets des politiques quand elles leur sont déplorables. C’est une tare bien ancrée d’une certaine bourgeoisie française de vouloir les soutenir, entre poire et dessert, sauf quand on indique que leurs souffrances objectives ne sont pas le fruit d’une malédiction ou d’une vocation, mais bien la conséquence de plusieurs évolutions, dont les gouvernements français ne sont pas toujours innocents.
Que la commission des droits de l’homme du Parlement européen ait été presque parfaitement silencieuse sur le sort des chrétiens d’Orient depuis dix ans est un fait patent. Que le Qatar ait été le premier servi de ses travaux dans le même temps était connu et sera vite établi. Que cette prime à une dictature islamiste, partie prenante de tous les mouvements de radicalisation ou de sécession islamistes, ait eu un intérêt pour ses monnayeurs tombe sous le sens. Quel fut-il ?
Le Qatar décidait des éléments de langage et des angles de la commission des redresseurs de torts et des mobilisateurs d’opinion sur certaines causes. Comment croyez-vous que les Rohingyas et les Ouighours vous sont devenus familiers ? Demandons-nous maintenant si les chrétiens de Mossoul, de la plaine de Ninive, d’Idlib, de Libye et de Haute-Égypte aurait pu tirer avantage d’une telle exposition.
La corruption n’abîme pas que le cœur des coupables, elle déploie aussi le mal qui accable les innocents. ■
Article précédemment paru dans Politique magazine.