Cet article de Gilles-William Goldnadel est paru dans FigaroVox hier, 16 janvier. Redisons le tout simplement : 1. Goldnadel est courageux, il a son franc-parler, et, le plus souvent, il dit vrai, 2. Sur la plupart des sujets cruciaux pour le Pays, il est dans la ligne du camp national ou celle qu’il devrait avoir. Nous sommes néanmoins en désaccord avec sa condamnation assez convenue, radicale et sans nuance de l’intervention russe en Ukraine. Nous partageons en revanche son éloge du patriotisme, admiré s’agissant de l’Ukraine, proscrit chez nous, de même que sa critique des institutions européennes et autres sujets, notamment son honnêteté d’esprit envers les racines proprement catholiques de la France. ■
Par Gilles-William Goldnadel.
TRIBUNE – Pour Gilles-William Goldnadel, la sous-médiatisation de la fusillade qui a fait six blessés devant une église à Londres, samedi 14 janvier, et des actes de vandalisme perpétrés dans les édifices catholiques, symbolise le deux poids deux mesures de la gauche médiatique et politique.
Disons-le crûment : sous le mépris pour la vieille religion, le mépris du vieux blanc.
Dimanche 15 janvier, à 8h30, Le Figaro publie un article circonstancié, dans lequel il relate qu’une petite fille de sept ans se trouve dans un état critique après une fusillade samedi contre une église catholique à Londres, qui a fait cinq autres blessés. Les fidèles étaient venus assister à une messe en hommage à une mère et à sa fille décédées en novembre. À 10 heures, la chaîne de service publique France Info diffuse un long reportage sur une prétendue «nouvelle affaire George Floyd» dans la lointaine Los Angeles mais n’accorde pas une seconde aux événements tragiques dans notre plus proche Angleterre. À 13 heures, France Inter consacre de longues minutes à des manifestations à Tel Aviv, mais conserve le même mutisme sur le drame londonien.
Mardi dernier, l’église de Saint-Louis-Roi était vandalisée à Champagne-au-Mont-d’Or. Le père Martin Charcosset, curé de l’ensemble paroissial, publiait dans un communiqué : «Les objets présents dans l’église : cierges, livres, vases, etc… ont été jetés au sol. La crèche installée devant l’autel a été retournée et endommagée. Le chemin de croix et les tableaux du chœur sont pour l’essentiel détruits». Informé tardivement par les réseaux sociaux, je twittais amèrement: «Mon imagination est impuissante à décrire la réaction médiatique si c’eût été une mosquée ou une synagogue». Effectivement, la presse convenue est demeurée taisante. Sans la prétendue «fachosphère», le communiqué paroissial serait resté lettre morte. Ces crèches qui font scandale quand elles sont édifiées dans les mairies, ne font aucun bruit quand elles tombent par terre. Les chemins de croix des chrétiens silencieux, ce sont aussi les agressions physiques quotidiennes, les plus nombreuses en proportion après celles des juifs et bien avant celles commises contre les musulmans.
Autre persécution plus insidieuse dont la chrétienté a le triste quasi-monopole : les initiatives judiciaires et administratives contre non seulement les crèches de Noël, mais les représentations et vestiges du catholicisme, quand bien même il n’y aurait pas d’intention religieuse. C’est ainsi que la cour administrative d’appel de Bordeaux, confirmant la décision du tribunal administratif de Poitiers, a ordonné à la commune de la Flotte-en Ré, sur l’île du même nom, le déplacement hors du domaine public d’une statue de la Vierge Marie située au milieu d’un carrefour de la commune précitée.
C’est l’association La Libre-Pensée 17 qui est à l’origine de cette décision, pour avoir réclamé l’application de la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État. Il n’est pas dans mon intention de discuter le bien-fondé juridique de la décision. Encore qu’il y aurait à écrire. Le premier magistrat de la commune, Jean-Paul Heraudeau a évoqué «une polémique ridicule», soulignant le fait que l’édifice faisait «partie du patrimoine historique» de la Flotte-en-Ré. J’aurais ajouté de son paysage culturel. La cour de Bordeaux a reconnu elle-même que l’édifice litigieux n’avait pas été installé dans un but religieux, mais offert par une famille qui souhaitait seulement célébrer le bonheur immense que ses enfants soldats soient revenus de guerre vivants et bien portants. Voilà qui n’est pas sans rappeler par certains de ses aspects, la destruction ordonnée de la statue de Saint-Michel des Sables d’Olonne, vouée au même funeste sort malgré un référendum populaire très majoritairement favorable à sa conservation.
Mais ce qui m’interroge bien davantage est l’attitude de ces penseurs censés penser librement. Je ne me souviens pas avoir vu une seule fois l’un de ces laïcs militants chercher judiciairement querelle à une religion autrement plus entreprenante et nouvelle dans notre pays vieillissant. Je n’en ai jamais surpris aucun s’en prendre à une prière publique de rue ou à une tenue à connotation religieuse dans une école de la République. La loi de 1905 séparant l’Église de l’État a été votée dans la douleur quand la première s’occupait trop des affaires du second. Je n’ai pas l’impression que ce soit la religion du Christ qui soit aujourd’hui le premier péril qui menace et l’État et la laïcité. Raison pourquoi, il paraît évident que nos prétendus libres penseurs sont les premiers prisonniers de l’idéologie mortifère du temps. Cette idéologie laïque qui, par exemple, ne saurait concevoir sans crier au blasphème qu’un génocide de chrétiens ait pu être perpétré en Vendée. Cette idéologie de dilection pour l’altérité adore le lointain mais abhorre le prochain.
Elle épargne avec une crainte obséquieuse la religion sourcilleuse de «l’Autre» mais méprise les fidèles sans défense de la religion vieille. Elle diffuse partout son fiel. Un exemple récent parmi mille. Daniel Cohn-Bendit était cette semaine l’hôte de l’émission «C à vous» sur France 5. Dans une atmosphère consensuelle, il put sans contradiction expliquer que la France souffrait cruellement d’une pénurie d’immigration. Quand bien même cela ne semble pas être l’avis majoritaire de la population. C’est, expliqua-t-il sans être démenti, qu’il existe un «complotisme», dont les comploteurs en chef ayant pour nom Ciotti et Le Pen dénigrent le phénomène migratoire. Vint enfin et surtout ce morceau de bravoure que je soumets à la sagacité de mon lecteur : «Entre nous, si l’identité française ce n’était que le peuple du RN et de Zemmour, il faudrait fuir le pays, vous ne restez plus là, c’est terrible».
Sous les pavés la plage, et sous ce vilain pavé-là, l’aversion pour le vieux peuple et l’indulgence pour les nouveaux arrivants. Disons-le crûment : sous le mépris pour la vieille religion, le mépris du vieux blanc. ■
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Son récent ouvrage, Névroses Médiatiques. Le monde est devenu une foule déchaînée, est paru chez Plon. Notons-le : Il vient de publier Manuel de résistance au fascisme d’extrême-gauche (Nouvelles éditions de Passy).