PAR RÉMI HUGUES.
Article en 5 parties, publiées à dater d’aujourd’hui, puis les jours suivants.
En 1524, des dames du peuple marseillais se soulevèrent contre l’Empire de Charles Quint. Pour le roi de France. Comme pour enfoncer le clou de l’épopée de Jeanne d’Arc, brûlée vive pour s’être dressée contre un autre impérialisme, celui des Anglais.
N’oublions pas Alain Chartier – qui au XVe siècle composait des poèmes pour Charles VII, le « Bien Servi » par l’envoyée de la Providence, la Pucelle de Domrémy –, ni Pierre de Ronsard au siècle suivant et ses Discours sur la misère de notre temps, dédiés à cette grande dame florentine attachée à l’Église de Rome, Catherine de Médicis : la France est une Femme.
Et c’est en tant que telle qu’elle n’a pas supporté de voir s’y réfugier en son sein – si l’on nous concède cette redite – la mère maquerelle Maxwell à partir de la deuxième moitié de l’année 2019, alors que le F.B.I. la traquait et que le Sun promettait 10 000 £ à qui aurait des informations sérieuses sur sa planque[1].
Ghislaine Maxwell est l’incarnation de l’Occident moderne dans tout ce qu’il a de pervers, de cynique et de machiavélique. En un mot de méphistophélique. Elle est l’Empire étatsunien dans toute sa pureté ; pilier d’un programme conjoint CIA-Mossad, fille de l’ un des agents secrets de l’État d’Israël les plus influents du monde, qui ne fut pas moins que député travailliste et magnat d’un gigantesque groupe de presse, à tel point qu’il inspira un personnage de James Bond, l’inhumain Elliot Carver, dans Demain ne meurt jamais (1997) de Roger Spottiswoode.
« Ghislaine Maxwell, une femme inhumaine »… ou mieux : « Ghislaine Maxwell, une femme monstrueuse ». Voilà de bien meilleurs titres pour l’essai que lui a consacré Laurence Haïm, journaliste française expatriée aux États-Unis, paru chez Robert Laffont en septembre 2022.
Celui que l’ancienne de Canal+ et d’I-télé a choisi est un crachat au visage de toutes ses victimes : Ghislaine Maxwell, une femme amoureuse. En outre, le sous-titre, « La liaison dangereuse », inspiré du titre célèbre roman épistolaire de Pierre Choderlos de Laclos manque d’originalité : Journal du Hard Power aurait été beaucoup plus percutant, ainsi qu’un clin d’œil à son ancien employeur, la première chaîne à péage de France.
Ce titre suggère que livre traite d’une personnalité vertueuse, aimante, alors qu’il s’agit de raconter le parcours d’une pédocriminelle.
Dans « Les Animaux malades de la peste » le fabuliste et poète Jean de La Fontaine avait déjà tout dit en la matière : « Selon que vous serez puissant ou misérable »…
La mondaine démonique Maxwell est ainsi pratiquement lavée de ses fautes – elle a été condamnée à vingt ans de prison par le tribunal fédéral de Manhattan – par l’« enquête » menée par une journaliste ayant fait campagne pour Emmanuel Macron en 2017, laquelle se fait la voix de l’entre-soi, du sérail.
C’est pour cette raison qu’elle a livré une pseudo-enquête journalistique, n’informant guère sur le sujet qu’elle aborde, n’exploitant nullement les « carnets noirs » – qu’elle a pourtant pu consulter, lesquels carnets révèlent les liens qu’entretenait avec la classe politique le trio tragique qu’elle formait avec Jeffrey Epstein et Jean-Luc Brunel –, et masquant l’appartenance de Maxwell au monde du renseignement tout en feignant ne pas connaître les bruits évoquant la cavale de Maxwell en France. Ce qui suit se borne à exposer ce que ne dit pas Laurence Haïm.
Dans ce volume cette dernière fait plonger son lecteur dans un univers fascinant, celui des happy few, de la « Jet-Set », ces grands de ce monde que l’on connaît par l’intermédiaire des écrans ou des feuilles de papier glacé des magazines ; comme Times, qui en mars 2011 dans son édition de Londres mentionnait la protagoniste du livre, citant une source de la haute société new-yorkaise tenant à conserver son anonymat : « Ghislaine Maxwell est une geisha moderne du monde capitaliste. Elle vit dans un univers rempli des gens les plus riches du monde, qui se croient au-dessus des lois. » (p. 16) ■ (À suivre).
[1]https://www.thesun.co.uk/news/10381601/ghislaine-maxwell-reward-10000/
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source