PAR RÉMI HUGUES.
Article en 5 parties, publiées à dater de mardi 17 janvier, puis les jours suivants.
La France, c’est incontestable, a été le théâtre de la « fugue » de Maxwell. Plus particulièrement le Périgord noir[1]. Cette information est totalement effacée par l’auteure, qui pose page 146 qu’elle n’a probablement pas quitté les États-Unis, après avoir fait montre de plus de certitude en soutenant page 13 que « dans le grand silence, la femme la plus recherchée du monde s’est retirée pendant des mois » à Bradford, dans le New Hampshire.
Ce point précis vient mettre en relief le manque de sérieux de ce qui est présenté comme une enquête de terrain, et qui en définitive est une œuvre de journalisme de connivence, qui vise à avaliser une version officielle riche en contre-vérités.
Idem concernant les assassinats d’Epstein et de l’autre élément du versant français de l’affaire, Jean-Luc Brunel, qui a été arrêté à Roissy-Charles-de-Gaulle fin décembre 2020 en partance pour le Sénégal. Il est important d’insister là-dessus : ces deux hommes sont morts exactement comme le colonel Hubert Henry en 1898, durant l’affaire Dreyfus, et Eugène Vigo, dit Miguel Almereyda, en 1917, en pleine Grande Guerre. Le commando chargé de leur assassinat dut le maquiller en suicide.
Laurence Haïm se révèle timorée quant à cette question, se contentant de suggérer, comme en atteste ce passage : l’autopsie d’Epstein indique au niveau du cou « une fracture de l’os hyoïde », « statistiquement plus fréquente dans les cas de meurtre par strangulation », « les caméras de surveillance ne fonctionnaient plus », « les gardes n’étaient pas présents » (p. 179) Au lecteur de se débrouiller pour savoir quelle interprétation il faudrait en tirer.
Ainsi Ghislaine Maxwell est une rescapée de la terrible férocité de la raison d’État. Son père et ses deux compères ont été tués par les services secrets. Peut-être que c’est sa féminité qui l’a sauvée : les « services » n’ont-ils pas osé mettre à mort celle qui était persuadée qu’ils avaient tué son père ? Page 74 l’auteure rapporte ce que Maxwell avait dit à des journalistes : « Je pense que papa a été assassiné. » Alors qu’il est censé être mort accidentellement, en tombant de son yacht[2]. « Comme beaucoup, elle dira souvent ne pas croire à cette version officielle », avance Haïm à la même page.
Au contraire, dans sa plaidoirie l’avocate de Maxwell Maître Bobbi Sternheim avait argué que sa cliente souffrait d’un manque d’indulgence parce qu’elle est une femme, allant carrément jusqu’à aborder l’épisode du péché originel du livre de la Genèse : « Depuis qu’Ève a été accusée de tenter Adam avec la pomme, les femmes ont été blâmées pour le mauvais comportement des hommes, et les femmes sont souvent plus vilipendées et punies que les hommes. » (cité p. 54)
Tout serait la faute de Jeffrey Esptein, qui aurait eu une mauvaise influence sur Ghislaine Maxwell, laquelle est en réalité la grande victime de l’amour qu’elle éprouvait pour son Jeffrey : telle est la thèse de Laurence Haïm, quelque peu inspirée des discours des avocats de Maxwell qu’elle a pu attentivement écouter lors du procès, qui vient la dédouaner de ses crimes.
L’auteure est clairement magnanime vis-à-vis de Maxwell. Son livre, semble-t-il, a comme fonction de clore cette affaire. Or aussi bien les membres de l’administration américaine et du gouvernement israélien qui ont piloté cette « Opération Lolita » que les autorités françaises, qui pendant qu’elles confinaient les Français protégeaient la fugitive Maxwell, confinée elle aussi, mais pour d’autres raisons, et dans des lieux luxuriants tels que les hauteurs du château de la Malartrie, donnant sur la Dordogne, prenant soin d’empêcher ceux qui en savaient trop de diffuser cette information ultra-sensible – sans succès –, doivent rendre des comptes[3].
En octobre 2019, chargé de couvrir l’affaire Epstein pour JSF – qui venait de sortir de sa coquille – j’avais repris le titre d’un essai de Pierre Boutang pour exprimer ce qu’à mes yeux signifiait cette affaire : l’« Apocalypse du désir »[4].
Maintenant qu’a eu lieu « le jugement de la grande Prostituée assise au bord des grandes eaux » (Manhattan, New York City), les grands de ce monde ayant été les amis de Ghislaine Maxwell feignent ne jamais l’avoir connue… ou à peine… ; « c’est avec elle qu’on forniqué les rois de la terre, et les habitants de la terre se sont enivrés du vin de sa fornication » (Ap. XVII : 1-2), désormais ces rois et habitants tiennent à ce que soit oublié le temps où c’était du plus grand chic d’avoir son nom dans le carnet d’adresses de la mondaine Ghislaine Maxwell. ■ (Suite et fin).
[1]https://vigile.quebec/articles/ghislaine-maxwell-mondaine-ou-demone
[2]J’ai abordé cela dans l’article suivant : https://vigile.quebec/articles/l-affaire-epstein-ou-l-apocalypse-du-desir-7414
[3]La D.G.S.E. a-t-elle participé, conjointement avec la D.G.S.I., à la protection de Ghislaine Maxwell lors de sa cavale ? On peut très sérieusement se poser la question.
[4]Publié en quatre parties : https://www.jesuisfrancais.blog/2019/09/30/l%CA%BCaffaire-epstein-ou-l%CA%BCapocalypse-du-desir/ ; https://www.jesuisfrancais.blog/2019/10/01/l%CA%BCaffaire-epstein-ou-l%CA%BCapocalypse-du-desir-ii/ ; https://www.jesuisfrancais.blog/2019/10/02/l%CA%BCaffaire-epstein-ou-l%CA%BCapocalypse-du-desir-iii/ ; https://www.jesuisfrancais.blog/2019/10/03/l%CA%Bcaffaire-epstein-ou-l%CA%Bcapocalypse-du-desir-iv/. Apocalypse du désir de Boutang a été publié en 1979 par Grasset.
À lire de Rémi Hugues Mai 68 contre lui-même (Cliquer sur l’image)
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