Cet article est paru sous la rubrique Témoignages, dans FigaroVox le 21 janvier, en anticipation de l’événement qui fait son sujet. Il a le mérite, sinon d’établir de grandes analyses de haute politique, du moins de rendre compte de l’engagement et des espérances d’une jeunesse militante active, remuante, contestataire. Contestataire de ce qui a bien mérité d’être contesté et qu’il n’est pas dans le caractère des jeunes d’épargner. Après tout, ils sont – ceux qui s’expriment ici – au moins une part de l’avenir du Pays, ce qui n’est pas rien. Ces « témoignages » ne sont pas écrits dans le marbre auquel croient sottement les esprits que Valéry appelait « crustacés ». Ils sont vivants. Et si la jeunesse commet des erreurs, – cet article en comporte quelques-unes – à l’inverse des « vieux », elle a au moins le temps de les réparer.
TÉMOIGNAGES – Chaque année, le 21 janvier, quelques milliers de jeunes se réunissent dans la rue et dans les églises pour commémorer la mémoire du roi guillotiné. Un engagement qui associe spiritualité et volonté politique.
Ringard, le royalisme ? S’il n’était pas rare de croiser des monarchistes au siècle dernier, leur existence aujourd’hui est perçue comme une incongruité par une majorité de Français. Quand ils ne sont pas considérés comme une dangereuse mouvance d’extrême-droite. Pourtant, d’après un sondage BVA paru en 2016, 17% des Français verraient bien la fonction présidentielle être assurée par un roi. Un chiffre identique à celui d’un autre sondage, datant de 2007, confirmant qu’il existe bien une base royaliste établie et stable.
Jadis influente et structurante, l’Action française, mouvement historique du royalisme hexagonal, n’a cependant plus grand-chose à voir aujourd’hui avec le parti politique et l’école de pensée qu’elle fut pendant une bonne partie du XXe siècle. Si le mouvement s’enorgueillit toujours de préparer le retour de la monarchie, son nombre d’adhérents est passé de plusieurs dizaines de milliers au milieu du XXe siècle à 3000 en 2018. Très hétéroclites, les différentes mouvances monarchistes ne sont plus réunies sous une seule et même bannière.
Chaque 21 janvier, la France redécouvre ses royalistes, presque avec étonnement. À cette date, il y a tout juste 230 ans, le roi Louis XVI était guillotiné place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) par les révolutionnaires. Tous les ans, monarchistes ou simples passionnés d’Histoire commémorent la mémoire du souverain qu’ils considèrent «martyr». Ce samedi encore, des messes de requiem auront lieu dans toute la France, et une marche aux flambeaux se rendra à la Chapelle expiatoire, où furent inhumés Louis XVI et Marie-Antoinette en 1793.
Quelque chose de sacré
Loin des caricatures mais légèrement anachroniques, ces événements ne rassemblent pas que des vieillards réactionnaires. «Une multitude de jeunes gens, désireux d’être en lien avec leur Histoire», se rendent par exemple chaque 21 janvier à l’église Saint Eugène-Sainte Cécile, dans le 9e arrondissement de Paris, souligne le Père Jean-François Thomas, prêtre jésuite qui y prononcera l’homélie ce samedi. Mais aussi à l’église Saint-Germain l’Auxerrois, dans le 1er arrondissement. Cette dernière réunit surtout la branche orléaniste, qui désigne la maison d’Orléans comme héritière des rois de France, et s’oppose ainsi aux légitimistes, soutiens de la branche des Bourbons.
Certains prennent l’événement très au sérieux. La journée de Madeleine, professeur d’histoire-géographie au lycée, sera «littéralement dédiée à cette commémoration». Vêtue de noir en signe de deuil, la jeune femme de 27 ans, ancienne militante de l’AF, ira déposer une gerbe le matin place de la Concorde. Comme tous les ans depuis sa majorité, elle se rendra ensuite à la messe à Saint-Germain l’Auxerrois et rejoindra en fin de journée la marche aux flambeaux organisée par le collectif du Souvenir de Louis XVI. Cette association, créée il y a quatre ans par une bande de copains, entend «raviver l’image de la monarchie en rendant hommage au roi martyr».
«C’est presque une dimension de fête religieuse, explique-t-elle. Il y a quelque chose de très sacré dans cette journée, que je vis comme une sorte de pèlerinage en solitaire». Robin, 21 ans, étudiant en histoire originaire du Nord, et actuellement en reconversion pour devenir artisan brasseur, a anticipé les grèves pour se rendre à Paris et ne pas manquer les commémorations. Lui aussi ressent cette dimension spirituelle : «Il y a quelque chose d’assez christique dans la mort de Louis XVI, un côté sacrificiel», estime-t-il. Un raisonnement que ne réfutera pas le Père Thomas : «Pour un catholique monarchiste, il est important de prier pour les morts et le salut de l’âme du défunt».
Monarchie contre république
Mais cette journée du 21 janvier est également éminemment politique. «Organiser des messes est très respectable, mais cette journée n’est pas seulement une commémoration», confirme Antoine, 20 ans et membre du Souvenir de Louis XVI. «L’association a été fondée pour réunir une jeunesse qui voit dans la monarchie l’avenir de la France», confie le jeune homme, lui aussi étudiant en histoire. «Le but, c’est vraiment de casser les clivages entre les différents groupes royalistes, mais aussi d’attirer les curieux non-royalistes, qui s’intéressent à l’Histoire», abonde Henri, un ingénieur de 25 ans, cofondateur du collectif. Organisée depuis quatre ans, la marche aux flambeaux a réuni plus de 1000 personnes l’année dernière, selon lui. Elle sera suivie ce samedi d’une soirée sur une péniche parisienne.
Outre la restauration de la monarchie, les royalistes de tous horizons entendent œuvrer pour la défense de l’intérêt national, en attendant le retour du roi. Le patriotisme est au cœur de leur combat, et c’est en ce sens qu’ils sont fréquemment désignés comme «nationalistes» ou d’«extrême droite».
La marche aux flambeaux du 21 janvier a d’ailleurs pour vocation de marquer les esprits, et de faire passer des messages. «On n’y réclame pas le retour du roi, ce serait s’illusionner», sourit Madeleine. Mais «l’action de Louis XVI pourrait inspirer des gouvernances aujourd’hui, à une époque où le 49-3 et les décisions unilatérales sont devenus la norme», suggère Robin, qui se rendra aussi à la marche pour «rappeler que la République n’a pas fait la France». «Quand on voit la répression dans les manifestations de «gilets jaunes» ou contre la réforme des retraites, on ne peut que constater la perversité du régime politique actuel», ajoute Henri, rappelant que «Louis XVI n’avait pas voulu faire tirer sur la foule aux Tuileries».
Goût de l’Histoire et volonté politique
Ces jeunes monarchistes affirmés ont un point commun : le goût et la passion de l’Histoire. Madeleine a été bercée enfant par la Petite Histoire de France de Jacques Bainville, historien monarchiste et figure majeure de l’Action française. Née dans un environnement familial très royaliste, on lui a «toujours appris à considérer la monarchie». Robin s’est, lui, forgé tout seul, sans héritage particulier : «J’ai découvert le royalisme et la pensée politique avec mes cours de philo de terminale et je les ai trouvé très pertinents».
Et en dehors du 21 janvier ? Certains sont engagés politiquement, à l’Action française ou «dans des mouvements politiques plus actifs aujourd’hui». D’autres pensent à s’engager car «la politique est l’affaire de tous : nous sommes des hommes dans une cité». «Aujourd’hui, plus que de militer dans la rue, le fait d’incarner des idées et de les accorder avec ses actes possède un vrai sens politique», assure Robin. «La jeunesse a soif d’avoir des racines, de retrouver un terreau dans lequel s’ancrer», résume le Père Thomas en guise de conclusion. ■
À voir ou revoir….
« Cette dernière réunit surtout la branche orléaniste, qui désigne la maison d’Orléans comme héritière des rois de France, et s’oppose ainsi aux légitimistes, soutiens de la branche des Bourbons. »
Faudra qu’un jour, on apprenne aux journaleux qu’il n’y a plus d’orléanistes/légitimistes. Y’a des royalistes et des espagnolins. Et aussi que les Orléans sont des Bourbons.
Et faudra aussi que les royalistes « s’unissent sous une seule et même bannière », sans quoi rien ne pourra être fait.
Très juste, cher Grégoire. Il y a cinquante ans, personne ne parlait de légitimistes mais de ségovistes ou de Blancs d’Espagne.