Les Lundis.
Par Louis-Joseph Delanglade*.
La Russie doit perdre, martèlent les faucons de l’euro-atlantisme, pour deux raisons : pour notre sécurité et pour nos valeurs. Restons sérieux : on imagine mal comment une Russie à laquelle l’Ukraine tient tête depuis un an pourrait envahir le reste de l’Europe, ni même y avoir pensé. Quant aux « valeurs », c’est un concept bien fluctuant : n’a-t-on pas bombardé Belgrade en 1999 pour briser la Serbie et la contraindre in fine à abandonner son Kosovo, au mépris d’un droit international que l’on exhibe aujourd’hui ?
La livraison de chars lourds à l’Ukraine s’inscrit donc bien, au moins en partie, dans cette volonté occidentale de participer indirectement au conflit. Depuis le début de la guerre, l’aide militaire à l’Ukraine est une escalade ininterrompue dont chaque étape ressemble à la précédente – demande exigeante de Kiev, hésitations et contradictions des « alliés », décision d’obtempérer. On a commencé par transférer à l’Ukraine les armements soviétiques des armées du Pacte de Varsovie puis, la vanne ouverte, de l’artillerie longue portée, des lance-missiles, des batteries anti-aériennes, etc. Et maintenant des chars lourds. Toutefois, en annonçant, dans la première quinzaine de janvier, sa décision de livrer de tels chars à l’Ukraine, la Grande-Bretagne ne faisait pas que monter une marche de plus, elle franchissait un palier offensif. Bien entendu, les autres l’ont presque tous suivie. La France n’a pas dit oui, se contentant de préciser que rien n’était exclu ; il lui faudra sortir de l’ambiguïté : soit il nous est difficile voire impossible d’envoyer nos Leclerc (signe de faiblesse), soit on ne veut pas en envoyer (signal politique fort).
Quoi qu’il en soit, les prochaines étapes devraient être, dans l’ordre des dernières exigences de M. Zélenski, la livraison d’avions de combat puis de missiles longue portée : des paliers autrement dangereux que le précédent. Et après ? La question se pose quand même de savoir jusqu’où ira cette escalade. Les optimistes veulent se persuader qu’il s’agit d’une démarche tactique obéissant au maître d’oeuvre américain et destinée à conduire Russie et Ukraine à la table des négociations. « Il ne s’agit pas d’une menace contre la Russie » a même déclaré M. Biden à propos de l’envoi en Ukraine de 31 chars lourds Abrams. Peut-être.
Mais peut-être pas si les Américains finissent par jouer les apprentis-sorciers. Or, au vu du bellicisme décomplexé affiché par certains de leurs alliés (une dépêche A.F.P. du 26 janvier affirme ainsi qu’un pays européen, volontairement non nommé, cherche à fournir à l’Ukraine des bombes à sous-munitions*) et de leur politique de surarmement (la Pologne est en passe de devenir la première armée conventionnelle de l’Union européenne), on ne peut exclure le risque d’un « dérapage » et d’une conflagration générale. Un matin, nous pourrions ainsi apprendre que nous sommes en guerre, quoique non-cobelligérants.
On peut donc comprendre la prudence manifestée par Paris, prudence au regard du dangereux emballement de ses partenaires européens. On aimerait être sûr que cette prudence n’est pas causée par notre propre faiblesse (ce serait alors un pis-aller) mais qu’elle relève d’une stratégie délibérée conforme à l’intérêt national, lequel invite à se défier des injonctions de Kiev et des sirènes de l’euro-atlantisme. Et à ne souhaiter ni n’exclure la possibilité d’une éruption volcanique. ■
* Leur utilisation et leur transfert sont interdits par la convention d’Oslo de 2008, que six pays de l’UE. n’ont pas signée : Finlande, Grèce, Roumanie, Estonie, Lettonie, Pologne.
* Agrégé de Lettres Modernes.
© JSF – Peut être repris à condition de citer la source.
Comment croire que les pays européens et en particulier la France feraient sécession au mépris de leur suzerain ? Faut-il en rire ? Seul l’effondrement du dollar mettra fin à ce conflit.
Que ces pauvres gens se renseignent auprès de hitler et de Napoléon pour savoir ce qu’il en coûte de s’en prendre à la grande Russie. Allez y, et bon voyage.
J’espère ardemment que l’Amerloquerie et son Union européennaillerie connaîtront ce qu’ont connu les apprentis sorciers précédents, Napoléon et Hitler. Seule «solution» à cette ignoble guerre par peuple interposé : la victoire de la Russie de Poutine. Seulement, lorsque l’on se réfère aux stratégies des dégénérés antérieurs, il y a tout lieu de devoir s’inquiéter de la dégénérescence encore mieux consommée des successeurs actuels. Désespérant… Quoi que… Si cela pouvait permettre la défection définitive de l’Occident démocrato-républicain…
Excellent article de LJD, clair précis, étayé !
Merci